Les premières heures de la journée, pas âme qui vive. Seules les cigales, par ces journées torrides, viennent troubler le silence paisible du parvis de Sidi Soufi. Le soir, la ritournelle stridente des bestioles cède place, après les prières du Taraouih, à une ambiance «khaloui». La placette est un préau de style mauresque, étayé d'arbres d'ornement que ceinturent des arcades. L'architecture des lieux est faite pour mettre en condition des soirées chaâbies. L'endroit revit, tard la nuit. On poussera le week-end jusqu'à l'approche de l'imsak, et cela va de soi évidemment, quand le cheikh invité est emballé et réjoui par le public chez qui il trouve du répondant. Toutes les tables sont occupées. Beaucoup suivront debout, ou adossés aux véhicules en stationnement derrière. La scène est décorée, dans la configuration que la tradition a perpétrée jusque-là. Une tablette sur laquelle est posé un plateau circulaire en cuivre où trône au milieu un vase de fleurs et à côté duquel sont servis plats de friandises, thé à la menthe et boissons fraîches pour l'orchestre. Un bateau, une goélette «grande miniature» réalisée par l'artiste Madjid Merabet, a jeté les amarres au fond de la scène, et devant, c'est le portrait de cheikh Sadek Lebjaoui qui est arboré. La place de Sidi Soufi alterne le programme avec le café Boulouiza, sis à deux pas de là. Le programme est concocté et pris en charge par le comité des fêtes de la ville. Mais, avant que la municipalité ne prenne le relais, le mérite d'avoir réimprimé aux lieux ce penchant khaloui revient depuis quelques années à deux riverains, Aïzel et Bouskoura, qui tiennent en l'endroit un petit café renommé pour préparer un thé à la menthe des plus exquis. Ils organisaient alors les qaâdate à leurs frais. Le programme a vu défiler ce Ramadhan une pléiade d'artistes locaux et de l'Algérois. H'cinou Fadli a été le premier à se produire. Il est suivi de Mustapha Belahcène, El Hadi L'boulboul, Abdellah Bouchebbah, Sid Ali Lekkam, Yacine Zouaoui, El Hesnaoui Amechtouh, Hafid Djouama, Kacimou Bourai, Malek Touati, Madjid Kherbache. Et d'autres, car à chaque veillée son cheikh. Seront appelés à clôturer le cycle en allant un tempo au-dessus, Mohamed Raïs, Abdelkader Chercham et le très attendu Mourad Zediri, le natif de Béjaïa, qui a remporté l'an passé le premier prix du Festival national de la chanson chaâbie. Si le public s'est régalé de touchiates, qacidates, hedaoui et medh, les qaâdate de Sidi Soufi et du café Boulouiza ont surtout révélé, à travers la brochette des jeunes artistes invités, dont beaucoup malheureusement sont méconnus des médias télévisuels et radiophoniques, qu'une autre génération chaâbie, une relève d'un bon cru, occupe la scène à côté des grands maîtres, à qui il est souhaité de se produire encore longtemps pour transmettre tout leur savoir. Sidi Soufi et Boulouiza ont enfin révélé un orchestre local, comme l'a généreusement qualifié Cheikh El Hesnaoui Amechtouh, de maestro. Alors bravo à Djemai, Zidelkhir, Khelil et au reste. Un seul point noir, les ratages occasionnés par les coupures de courant électrique.