Controversé et déterminé, Amar Ghoul, ministre des Travaux publics et député à l'APN, ambitionne de participer aux prochaines élections locales prévues le 29 novembre prochain. El Watan Week-end décortique le parcours de celui qui esquive habilement les scandales. A. Abadia à Aïn Defla. Région natale de Amar Ghoul. A Miliana, la ville des arts et des cerises, il a décroché son bac mathématiques. Six ans plus tard, il a été recruté en tant qu'ingénieur d'Etat en génie civil à Rouiba. Profitant de son poste de ministre, il a programmé plusieurs visites «officielle» à Aïn Defla, oubliant de se déplacer dans d'autres régions du pays. Malgré tout, Aïn Defla, qui a beaucoup souffert des violences des années 1990, demeure une région peu servie par les projets dits du développement local, à l'image des vastes zones du centre du pays. B. Branché. Sur son site, on remarque que Amar Ghoul, contrairement à la plupart des ministres, des hommes et femmes politiques algériens, possède des comptes Twitter et facebook, les réseaux sociaux du monde actuel. Dans ses commentaires, l'ex-ministre explique, à défaut de résumer, sa philosophie de la vie. Il écrit : «Ne prends pas le chemin tracé, il te mènera là où sont partis les autres.» La voie est donc toute tracée pour atteindre les palais de lumière…en prenant les sentiers de détour. Qui sait ? Cela peut être plus rassurant. C. Corruption. Le nom de Amar Ghoul, en tant que ministre des Travaux publics, est lié d'une manière ou d'une autre au Scandale (avec un grand S) de l'autoroute Est-Ouest. Trop d'argent a été dépensé pour ce projet. La justice a, paraît-il, ouvert une enquête après les investigations du DRS. Mohamed Khelladi, ex-responsable de la direction des nouveaux projets de l'Agence nationale des autoroutes (ANA), a accusé ouvertement Amar Ghoul d'être mêlé aux pots-de-vin du projet évalués à des centaines de millions de dollars. Amar Ghoul ne s'est même pas déplacé chez le juge d'instruction. Ce dernier n'a rien fait pour le convoquer. L'ex-ministre a mis à l'index l'ANA dans la gestion du projet en envoyant un écrit au juge d'instruction. Il n'est pour rien. Tout ce qu'on dit à ce propos relève du… mensonge, d'après sa version. D. Dossier. Le dossier de l'autoroute Est-Ouest sera-t-il fermé pour ne pas troubler «le destin» préparé à Amar Ghoul ? La justice algérienne, grande spécialiste de l'étouffement de toutes les affaires de corruption et de détournement de fonds (Sonatrach, Khalifa, affaire des 26 milliards, D15, affaire de la farine de poisson…), est là pour nettoyer, laver et surtout faire tout oublier. Mohamed Khelladi a dit au juge que 20% de la valeur des transactions liées au projet de l'autoroute Est-Ouest sont allés dans «les poches» des responsables. Un jour, peut- être, on saura lesquels… Il sera difficile à certains de dire qu'il ne le savait pas. La terre tourne… E. Elections. Aux législatives de 2012, Amar Ghoul s'est présenté sous les couleurs de l'Alliance verte, composée de trois partis islamistes : Mouvement de la société pour la paix (MSP), Ennahda et El Islah. Il ne s'est pas présenté à Aïn Defla, mais à Alger. Il voulait, semble-t-il, avoir tous les «atouts» pour être «élu» député à la Chambre basse du Parlement. Appuyé par des cercles bien installés des hauteurs d'Alger, il a «gagné» les élections et a lancé un parti après sans remercier l'Alliance verte qui l'a porté là où il est. Cela s'appelle une trahison… F. Fanfaronnade. Sorti du gouvernement et élu député, Amar Ghoul veut tout faire avec son nouveau parti. Il veut, coup sur coup, réparer les injustices, donner un logement à tous les Algériens, assurer l'accès aux soins à tout le monde, garantir un enseignement de qualité, régler la crise du chômage et doter l'Algérie… d'une justice crédible. Il le faut bien ! N'est-ce pas là une reconnaissance implicite de l'échec du gouvernement dont il fait partie depuis des années ? Un gouvernement qui n'a réglé ni la crise du chômage ni celle du logement. L'équipe Ouyahia a-t-elle fait «quelque chose» pour trouver une solution à «la crise électrique» de cet été ? C'est le dernier exemple. G. Gardes. Sans garde du corps, le candidat Amar Ghoul s'est déplacé durant la campagne électorale des législatives du 10 mai dernier. C'est du moins ce qui est véhiculé par l'entourage du nouveau député à travers les images publiées sur son facebook et sur son site électoral. C'est à la mode de dire que rien ne sépare l'homme politique de la population. Une belle contrevérité ! H. Homme d'Etat. La mécanique de la propagande ghoulienne veut faire de l'ex-ministre des Travaux publics «un homme d'Etat». Il est tantôt présenté comme «un travailleur infatigable», tantôt comme un homme «populaire», «aimé» de tous. On loue sa «modestie» et on évoque son niveau universitaire, rappelant qu'il a été enseignant dans une université française. Il est vrai que parmi «les hommes d'Etat» algériens, ou présentés comme tels, peu, voire très peu, ont un niveau universitaire ! En Algérie, on peut occuper des postes sensibles dans la haute administration sans diplôme et sans qualification. I. Islamiste. Amar Ghoul, 51 ans, adhère-t-il aux idées islamistes ? On ne le sait pas puisque l'homme ne parle jamais «politique» en public. Il adore développer ses idées dans les salons pour les intimes. Le Tadjamou Amel Al Djazaïr, son nouveau parti, n'est pas, selon lui, un parti islamiste. «C'est une formation qui reflète toute la société algérienne dans sa diversité et sa richesse», a-t-il soutenu. A la naissance du RND en 1997, parti préfabriqué, on avait presque affirmé la même chose ! L'histoire est un éternel recommencement, disent-ils. J. Jeunes. Lorsqu'il s'adresse aux jeunes, Amar Ghoul reprend «fakhamatou raïs» Bouteflika de cette manière : «Ce qui a été réalisé ces dernières années est grandiose, grandiose. Dans tous les secteurs. Des réalisations faites en un temps record. Des efforts colossaux et de grands sacrifices. Tout cela ne doit pas être perdu, détérioré. Il faut apprendre à sauvegarder les acquis, cela nous appartient à tous…Sauvegarder les acquis est un devoir sacré. Si toi tu es heureux et l'Algérie triste, toi tu n'es pas heureux.» Donc, en matière de langue de bois, Amar Ghoul fait mieux que le FLN de Belkhadem, le RND d'Ouyahia ou les deux réunis. Médaille d'or, bravo ! K. Kilomètre. Beaucoup d'experts s'interrogent encore sur le coût réel du projet de l'autoroute Est-Ouest. Onze milliards de dollars ? Treize milliards de dollars ? Aucun bilan public et détaillé des coûts de ce projet n'a été fait à ce jour. Un internaute s'est interrogé avec beaucoup de justesse dans un forum : «M. Ghoul, peut-il nous donner la moyenne internationale pour le prix d'un kilomètre linéaire ?» Ghoul a quitté le ministère des Travaux publics sans répondre avec exactitude à cette question et à tant d'autres. Le nouveau Parlement, dont Ghoul fait partie, va-t-il engager une commission d'enquête sur les retards et les surcoûts du projet de l'autoroute Est-Ouest ? Ce projet est présenté comme celui du siècle. La débauche de dépenses, qui y est liée, pourrait l'être tout aussi. L. Laudateurs. Et, ils sont déjà nombreux à se bousculer au portillon. Certains d'entre eux prédisent un avenir politique radieux à Amar Ghoul, d'autres disent que l'homme a mélangé tous les calculs politiques. Et d'autres encore pensent que l'homme est «préparé» pour prendre de grandes responsabilités de l'Etat. On a même prétendu que Amar Ghoul sera l'Erdogan algérien, pas moins ! Dans le royaume de la chita, tout est miracle. M. MSP. Mouvement de la société pour la paix. L'ex-Hamas a récupéré Amar Ghoul à la faveur des législatives de 1997. Depuis, Amar Ghoul milite sans y être réellement. Il ne se prononce jamais publiquement sur les questions liées au parti. Et, il ne réagit pas aux polémiques évoquées dans la presse. Militant discipliné, Amar Ghoul ? Difficile de le croire. Peut être que le MSP n'était qu'une «zone» de transit pour lui… N. Nucléaire. En 1991, Amar Ghoul a obtenu en France un doctorat en génie nucléaire. Il n'a pas fait une longue carrière dans ce domaine sensible, mais a préféré approfondir d'autres études, génie mécanique. Il a, selon la biographie officielle, obtenu un doctorat à l'université des sciences et technologies d'Oran (USTO) en 1998. A part cela, Amar Ghoul a occupé le poste de chef de département mécanique et chercheur dans un centre nucléaire en Algérie et a été directeur de la post-graduation d'une université. O. Objectif. «Notre objectif est l'Algérie», a dit Amar Ghoul. Le FLN, le RND et le PT disent la même chose. Le nouveau parti de Amar Ghoul veut s'inspirer du mouvement national. D'après ses concepteurs, trois «grandes» tendances cohabiteront au sein de la nouvelle formation : les réformistes, les nationalistes et les démocrates libéraux. Reste à savoir si les démocrates libéraux sont nationalistes et si les réformistes sont démocrates dans le parti de Ghoul. Probablement, il sera possible à chacun de préparer sa salade variée. P. Pêche. Amar Ghoul a été ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques avant d'atterrir au ministère des Travaux publics. Lors de son passage, le secteur de la Pêche n'a pas connu une «révolution» ni de grandes réformes. On retient donc rien... la mauvaise prise en charge du dossier du quota algérien de thon rouge. Sur ce dossier, aucun ministre n'a accepté d'assumer la faillite. La défaite est toujours orpheline. Q. Quota. Dans son nouveau parti, Amar Ghoul entend réserver des «quotas» à tout le monde : les dissidents du FLN, du RND, du MSP et d'El Islah. Le tout va créer un conglomérat de gens en colère. Seront-ils satisfait de «la gestion» du parti d'accueil ? Possible. Ghoul veut aussi se mettre dans l'abbaya de «fédérateur» des troupes, un nouvel homme de consensus en version miniaturisée. Il aura peut-être à donner des postes à tout le monde, puisque le mécontentement des uns et des autres a une relation avec la quête de postes, pas la défense d'idées de liberté. R. Responsabilités. Au sein de l'APN, où il n'a pas brillé de mille feux lors de la législature de 1997, Amar Ghoul a occupé plusieurs postes de responsabilité. Il a été rapporteur de la commission du règlement intérieur. Il a été membre de la commission juridique et administrative, vice-président puis président du groupe parlementaire du MSP. L'histoire n'a pas retenu que ce groupe a fait grand-chose. On se rappelle seulement que la Chambre basse du Parlement de 1997 est née d'une fraude massive... S. Solution. Amar Ghoul pense que quitter le MSP était une solution pour lui. La nature de cette solution n'est pas claire. «J'aurais pu rester au MSP où j'avais de très forts soutiens. J'aurais pris la tête du parti, mais cela ne réglera rien du problème, la crise persistera.» Lorsqu'il avait été ministre, à trois reprises, au nom de ce même MSP, Amar Ghoul n'a vu aucun problème, aucune crise. Il disait oui à tout, n'osait aucune contestation de la gestion de Bouguerra Soltani, s'alignait sur toutes les thèses de la direction de l'ex-Hamas. Député puis ministre, il était trop occupé... Il ne voyait pas ces «choses»-là. T. TAJ. Tadjamou Amel Al Djazaïr, TAJ, est le nouveau parti de Amar Ghoul. Taj, cela veut dire «couronne» en arabe. Le député en cherche-t-il une ? Veut-il être roi sans royaume ? Le TAJ, qui n'est même pas sorti des cartons, s'apprête à participer aux élections locales du 29 novembre 2012. Il est déjà bien installé dans une villa à Ben Aknoun, le quartier algérois des réseaux et des amitiés tactiques. La date de la tenue du congrès constitutif du parti a été avancée pour être «dans les délais». Ces assises devraient avoir lieu à la mi-septembre 2012, un mois après le dépôt de demande d'agrément au ministère de l'Intérieur. Les choses risquent de s'accélérer après la fête de l'Aïd pour placer toutes les planches du nouveau décor... politique. V. Vision. Amar Ghoul, qui n'a pas les moyens politiques de devenir un homme d'opposition, a-t-il une vision d'avenir ? A analyser toutes les déclarations de l'ex-ministre des Travaux publics, on a du mal à détecter un style de gouvernance, un mode de gestion, un projet d'avenir, un projet de société. Que du papier recyclé ! Un discours plat et des idées surgelées. Il faut plusieurs fours à micro-ondes pour réchauffer tout cela. W. Neuf. Tout est neuf au nouveau siège du TAJ à Ben Aknoun, l'immobilier comme le personnel. Quel est le parti, qui avant même son agrément, peut se permettre une villa à Alger ? Amar Ghoul trône dans un bureau bien équipé. Ce petit confort est-il une petite contrepartie de la soumission ? Un confrère a décrit l'ambiance à l'intérieur de ce QG comme ceci : «Une ambiance festive règne dans les couloirs de cette villa où se croisent des gens habillés en gandoura, en pantalon classique, chemise et cravate, d'autres, cheveux gominés, des tenues dernier cri en tee-shirt, basket et jeans class. On se bouscule, on se salue.» Ne manquent que les bouquets de roses, les coffrets de douceurs et les jus de fruits ! Autre détail : les bourek aux crevettes aussi. X. Inconnu. Le TAJ de Amar Ghoul fait-il partie du paquet de nouveaux partis créés par les anciens des «comités de soutien» de Abdelaziz Bouteflika ? Y a tout lieu de le croire. Amar Ghoul a claqué la porte du MSP parce que le parti a décidé de ne plus rejoindre le gouvernement et a quitté ce qui est appelé l'Alliance présidentielle. Le MSP a dénoncé la fraude après les législatives du 10 mai. C'est que Amar Ghoul a pris goût aux luxures du poste ministériel. Plus question pour lui de provoquer «la colère» des gens du Palais. Il a donc créé un parti pour le livrer en paquet-cadeau aux nouveaux parrains. Amar Ghoul n'a pas étudié la physique nucléaire pour rien. Tout le monde sait à Alger que le ministère de l'Intérieur va donner l'agrément au TAJ avant l'automne. Le département de Daho Ould Kablia est pris par l'obsession de polluer l'espace politique algérien, déjà largement étouffé par de nouveaux partis créés par les partisans du cercle présidentiel. Quel est le but ? Faire du bruit pour un quatrième mandat pour Bouteflika ? Pas de réponse pour l'instant. Y. YouTube. Amar Ghoul connaît parfaitement les règles de la communication moderne. Ses vidéos sont présentes sur YouTube, un support très populaire parmi les jeunes. Sa participation à la campagne électorale des législatives du 10 mai lui a permis de produire plusieurs vidéos et de les faire publier sur le site de partage. A chaque fois, Amar Ghoul sourit. Dans toutes les photos publiées par les journaux, il apparaît souriant aussi. Il serre la main à tout le monde. Lors de la même campagne électorale, il a fait en sorte d'être «entouré» de jeunes, l'écoutant ou discutant avec lui. Cela fait people ! Z. Zaïm. Main sur le cœur. Amar Ghoul n'hésite pas à imiter, comme il se doit, Abdelaziz Bouteflika. Dans la photo publiée sur son site officiel (http://amarghoul.org/ar/), l'homme apparaît dans un costume bleu brillant, cravate violet et bleu, un pin's aux couleurs nationales, la main sur le cœur avec au fond le drapeau algérien. Un zaïm en herbe ? Le discours, même faible, est clairement populiste chez Amar Ghoul et son nouvel entourage. Comme Bouteflika, Ghoul adore les bains de foule, dans les cafés maures, les rues, les marchés... Le tout devant une caméra ou un appareil photo.