Alger – c'est sans doute le cas de toutes les autres grandes villes du pays – s'est réveillée, hier mardi, jour de reprise du travail après la fête de l'Aïd, dans un climat de disette avec ses sempiternelles tensions sur les produits stratégiques comme le pain, l'eau minérale… introuvables à cause de la fermeture prolongée des commerces. Nombre d'entre eux ont baissé leurs rideaux avant l'Aïd et maintenu leurs commerces fermés jusqu'à hier, sans aucun respect pour les citoyens qui subissent, impuissants, leur diktat. Les rares boulangeries et fast-foods qui ont rouvert hier ont littéralement pris d'assaut par les citoyens, provoquant, par endroits, des situations d'émeutes. Ayant tourné à plein régime durant le mois de Ramadhan, les boulangers-pâtissiers ainsi que d'autres commerces d'alimentation générale pour lesquels ce mois de jeûne, synonyme de bombance, est pain béni pour accroître leurs chiffres d'affaires, se sont allégrement offert le luxe d'un congé prolongé. Tant pis pour le citoyen et le consommateur qui n'ont jamais été, de toutes les façons, rois dans ce royaume pourri de la quête à tout prix du gain rapide et facile, qui a engendré une effroyable dérégulation du marché devant laquelle les autorités et les structures chargées de l'organisation de ce secteur demeurent impuissantes. Le même scénario se répète invariablement à chaque fête religieuse ou nationale : communiqué et appel de l'Union générale des commerçants et des artisans à l'adresse de la corporation pour assurer le service minimum, approvisionner le marché en denrées alimentaires de base en vue de permettre aux citoyens de passer les fêtes dans la quiétude et la sérénité, à l'abri des pénuries qui gâchent la joie qui est censée, en ces circonstances particulières, envahir les cœurs et les esprits. Des paroles, toujours des paroles ! On a encore vu cette fois-ci le chantage sordide auquel furent livrés les citoyens de la part des commerçants, toutes activités confondues, qui font comme s'ils n'ont de compte à rendre à personne. Ni à l'administration ni à leur organisation et encore moins aux consommateurs sans lesquels ils savent pourtant qu'ils ne pourraient pas exister. La délivrance d'un registre du commerce ne devrait pas se limiter exclusivement à un droit d'exercer une activité commerciale. Le commerçant a ou doit avoir également des devoirs vis-à-vis du consommateur et du marché. Il doit s'inscrire dans le cadre des objectifs de régulation du marché et de la réglementation en vigueur fixés par les autorités. Tout manquement à ces règles doit être sévèrement sanctionné. Ce dispositif réglementaire coercitif pour contraindre, sur une base légale, les commerçants à ouvrir les jours fériés selon une organisation et un calendrier qui peuvent être laissés à l'appréciation de la corporation n'existe pas. Il est temps, aujourd'hui, de revenir à la force de la loi après que toutes les tentatives faisant appel à la raison et au sens civique des commerçants aient lamentablement échoué. En France, on a recouru à la loi pour contraindre certains commerces à ouvrir le dimanche. Pour sécuriser nos routes, le retrait de permis de conduire est devenu une règle en matière de sanction. Si l'on appliquait la même rigueur en retirant le registre du commerce aux commerçants peu soucieux de leur fonction sociale, le citoyen serait à coup sûr mieux respecté. En toutes circonstances.