L'ancien ministre de la Défense et ancien membre du Haut-Comité d'Etat est sous le coup de poursuites judiciaires en territoire suisse. Le président Bouteflika aurait donné des instructions pour la constitution d'une commission chargée du suivi de l'affaire Nezzar. C'est ce que révèle le quotidien El Fejr dans sa livraison du jeudi 23 août, en manchette de une. Le journal, qui mentionne une source «proche du dossier», précise que cette cellule serait constituée de diplomates et de juristes. Nous avons contacté le service de presse de la présidence de la République pour en savoir davantage sur cette commission, une femme membre du staff de communication s'est contentée de nous répondre : «Personnellement, je ne suis pas au courant.» Interrogée si quelque responsable était en mesure de confirmer ou d'infirmer cette information, elle nous a simplement rétorqué que «tout le monde est en congé». Nous avons tenté de joindre également le ministère des Affaires étrangères, en vain. Pour sa part, le premier concerné, en l'occurrence le général Nezzar que nous avons contacté par téléphone, nous a fait cette déclaration laconique à propos de cette hypothétique commission : «J'ai déjà dit que la Présidence a pris sérieusement les choses en main. Je ne peux pas en dire plus.» A la question de savoir s'il estimait que le soutien manifesté au niveau officiel lui paraissait suffisant, l'ancien ministre de la Défense répond dans un sourire : «Je suis reconnaissant à tous ceux qui m'ont exprimé leur solidarité. Mais il faut souligner que les gens qui sont montés au créneau pour me soutenir l'ont fait avant tout parce que c'est une question de souveraineté nationale. Au-delà de ma personne, il y a un problème de souveraineté nationale. Moi, à titre personnel, je n'ai rien à me reprocher, donc, je suis serein.» Khaled Nezzar précise, en outre, qu'en tant que personne physique, il n'a pas besoin de renforts : «Je suis capable de faire face. Je ne compte sur personne pour me défendre.» En suggérant qu'à travers lui, c'est l'Etat algérien qui est visé, il décoche une flèche, au passage, à ses juges helvétiques : «Nous avons affaire à une justice partiale.» S'agissant toujours de ces tractations en haut lieu en soutien au justiciable Nezzar, le quotidien électronique TSA-algérie.com rapportait récemment que la Suisse a reçu une note diplomatique au sujet de l'affaire Nezzar. La porte-parole du département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) suisse, Carole Wälti, citée par TSA, a déclaré : «Les autorités algériennes ont fait parvenir à la Suisse une note diplomatique à ce propos. Le DFAE ne se prononce pas quant à son contenu.» Côté algérien, c'est le black-out total. Comme toujours, la communication officielle brille par son silence, ses hoquets, ses bégaiements, ses non-dits et ses messages subliminaux distillés au compte-gouttes. Rappelons que l'ancien ministre de la Défense et ancien membre du Haut Comité d'Etat est sous le coup de poursuites judiciaires en territoire helvétique suite à une plainte de l'ONG Trial, qui a saisi le Tribunal pénal fédéral (TPF) suisse sur la foi du témoignage de deux citoyens algériens accusant le général-major de «crimes de guerre» et de «crimes contre l'humanité» en faisant valoir la fonction qui était la sienne au moment des faits. Le moins que l'on puisse dire est que l'affaire Nezzar divise l'opinion, faisant remonter à la surface les vieux démons des années 1990 avec leurs lectures manichéennes, leur violence sémantique et leur guerre des récits. Pour les uns, Khaled Nezzar doit répondre d'un certain nombre de faits en sa qualité de chef de file de ceux que l'on a surnommés les «généraux janviéristes». Pour les autres, Khaled Nezzar est un héros qui a «sauvé la République du péril intégriste». D'autres voix se sont élevées pour dénoncer une forme d'ingérence, prélude à une éventuelle intervention étrangère en Algérie comme cela a été le cas dans d'autres pays du Monde arabe. Ce qui est certain, en définitive, c'est que cette affaire dépasse de loin le «citoyen Nezzar». Ainsi, maître Ali Haroun qui intervenait mercredi dernier au forum d'El Moudjahid, a déclaré, en marge du débat, à un confrère de Liberté : «C'est à l'Etat de défendre Nezzar !» en insistant sur le fait que l'affaire Nezzar est «une affaire qui engage l'Etat algérien et non pas l'ancien ministre personnellement» (voir Liberté du 23 août). «Pour moi, Khaled Nezzar n'a pas agi à titre personnel, mais il avait un poste très important de co-chef d'Etat. Maintenant, il s'agit de savoir si un Etat étranger a le droit de s'immiscer et d'intervenir dans la politique interne de l'Algérie. Le problème, c'est qu'à mon avis, le prétexte de défense des droits de l'homme est déjà en soi une immixtion dans la politique intérieure de l'Algérie. Donc, pour moi, c'est déjà quelque chose d'inadmissible parce que cela va du respect de la souveraineté des Etats», a plaidé l'ancien membre du HCE.