Il y a sept ans, deux diplomates algériens étaient exécutés en Irak par un chef terroriste se réclamant d'Al Qaîda. Aujourd'hui que l'ultimatum lancé par le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) aux autorités algériennes touche à sa fin, les craintes sont très grandes de voir un nouveau revers de la diplomatie algérienne qui conduirait à l'exécution des fonctionnaires algériens au consulat de Gao. Le Mujao avait accordé un délai de cinq jours à Alger pour libérer trois terroristes d'Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI), dont l'influent Abou Ishak. Après cinq mois de détention, Tahar Touati, l'un des diplomates enlevés à Gao, est apparu dans une vidéo, portant une djellaba grise, barbe hirsute et lisant un texte dans lequel il était dit que «des pays comme la Mauritanie, la France, ont négocié dans le passé pour libérer leurs otages et l'Algérie n'a qu'à faire la même chose». Dans une déclaration publiée sur le site web de la chaîne El Arabiya, la famille du diplomate Tahar Touati s'est dite grandement préoccupée par son état de santé. «Toute la famille vit dans la tristesse depuis son enlèvement en avril dernier, et cela s'est amplifié depuis que nous avons vu sa photo sur les chaînes télévisées», a confié son oncle, Abdellah Touati, soulignant que la mère de l'otage est quasi absente depuis l'enlèvement de son fils et appelant le président Bouteflika à entamer les démarches nécessaires pour libérer Tahar Touati ainsi que les autres otages du Mujao. Le fait est que l'Algérie prend à cœur le principe de ne jamais céder au chantage des groupes terroristes. Prendra-t-elle la décision de négocier avec le Mujao ? Nos tentatives pour avoir un éclairage sur la question auprès des représentants du ministère des Affaires étrangères ont été, hier, infructueuses. Pour sûr, les autorités algériennes se retrouvent embourbées dans les sables du désert, dans ce Sahel que Ahmed Ouyahia décrit comme «un espace terriblement vaste, terriblement vide». Le rôle de médiateur qu'a joué Alger dans la résolution des problèmes du Mali s'est considérablement affaibli, au point où c'est désormais la Cédéao qui gère le dossier. Alger soutient mordicus la «solution politique» à la crise, mais serait-elle prête à négocier avec des groupes islamistes pour parvenir à la paix ? Tel un cancer, AQMI a fait des métastases dans toute la bande du Sahel. Le Mujao, qui se présentait comme un groupe terroriste dissident d'AQMI, vole ainsi à son secours en exigeant la libération de celui qui est présenté comme le bras droit de l'émir de l'organisation, Abdelmalek Droudkel. La situation au nord du Mali est des plus confuses. Oumar Ould Hamaha, chef militaire d'Ançar Eddine, interrogé hier par Reuters, a fait savoir que Belmokhtar dit Laouer n'a pas été tué lors des affrontements qui ont opposé, en juin, les Touareg du MNLA aux terroristes d'AQMI. «Il est vivant et va bien. Il est avec nous et il se déplace. Il dirige les opérations», a-t-il déclaré, sans donner d'informations qui lèveraient le doute sur la véracité de ses déclarations. Plusieurs zones d'ombre subsistent autour du Mujao, ce groupe ayant lancé un casus belli à l'Algérie en perpétrant deux attentats-suicide dans les wilayas de Tamanrasset et de Ouargla, enlevant trois humanitaires occidentaux dans les camps de réfugiés sahraouis dans la wilaya de Tindouf et sept diplomates algériens à Gao. En juillet dernier, l'organisation terroriste avait libéré trois fonctionnaires du consulat qui étaient parmi les otages, a confirmé le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, à Alger lors d'un point de presse conjoint avec son homologue français, Laurent Fabius. Il faut dire que les autorités algériennes ont péché par manque d'anticipation. Alors que le nord du Mali échappait au contrôle de Bamako et des indépendantistes du MNLA au profit de groupes extrémistes et dangereux, il aurait peut-être fallu renforcer la sécurité autour du consulat ou évacuer ses diplomates en Algérie. Jeudi 5 avril – le jour même du kidnapping des diplomates à Gao – le Premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, affirmait aux journalistes du quotidien Le Monde que «s'il y a une leçon à tirer de la situation au Mali et des menaces de propagation qu'elle fait peser, et pas seulement sur l'Algérie, c'est qu'il faut plus de rigueur dans la lutte contre le terrorisme». Comble de l'ironie, il ajoutait : «Il faut, en particulier, qu'un terme soit mis au paiement des rançons pour les otages. Nous l'avons tragiquement subi chez nous et nous avons tragiquement résisté, nous avons perdu des civils. C'est une poulie qui tourne et alimente les criminels.» Ces mots ont peut-être été prononcés au moment même où les fonctionnaires du consulat algérien étaient emmenés vers une destination inconnue.