Il y a une réelle menace qui pèse sur les récoltes agricoles, faute de main-d'œuvre. Les agriculteurs viennent de sonner le tocsin. Des centaines d'hectares de pommes de terre et de tomates risquent de se voir délaissés sans que la récolte soit faite, faute de main-d'œuvre. C'est la nouvelle menace, et non des moindres, à laquelle fait face l'agriculture algérienne qui tente, depuis quelques années déjà, de reprendre du poil de la bête. Cette menace s'est fait ressentir depuis déjà deux à trois années, mais elle a redoublé d'intensité depuis 2010, date de l'apparition des premiers signaux d'une véritable crise de main-d'œuvre dans le secteur de l'agriculture. Difficile ainsi d'aborder les rendements avec enthousiasme. Ce facteur risque, en deux mots, de créer l'incertitude sur d'énormes investissements qui se créent depuis quelques années déjà dans le domaine agricole. Feraoui Bachir, président du Comité interprofessionnel de la pomme de terre, évalue les pertes dues à la crise de main-d'œuvre entre 10 à 15, voire à 30% pour 100 000 hectares ensemencés. Les pertes peuvent être plus graves sous l'effet de la combinaison d'autres facteurs, dont les conditions météorologique (intempéries et/ou grandes chaleurs). Le préjudice financier peut être estimé à 600 000 DA par hectare de pommes de terre ensemencé, si l'on tient compte des estimations de notre interlocuteur. S'il est vrai que les agriculteurs sont mal émanchés faute de mécanisation des méthodes de travail, certaines régions s'avèrent, néanmoins, impraticables à tout usage d'une logistique. La crise «permanente» de main-d'œuvre vient ensuite se greffer sur ces difficultés. Pour certaines cultures, à l'instar de la pomme de terre et de la tomate, les récoltes se font à la main à hauteur de 80%, ce qui augmente le risque de pertes sur la qualité et le rendement, nous dira M. Feraoui. Le mois de jeûne, à titre d'exemple, aura été catastrophique pour les agriculteurs spécialisés dans la production de la pomme de terre et de la tomate des suites d'un manque patent en main-d'œuvre. «Pendant ce mois, où grandes chaleurs et désertions de personnels se combinent, aucune opération d'arrachage n'a été faite, ce qui a influé sur l'offre et les prix», témoigne M. Feraoui, céréaliculteur et producteur de pomme de terre. Cette crise de main-d'œuvre touche surtout les régions les plus performantes, dont Bouira, Sidi Bel Abbès, Aïn Defla, El Oued et celles de l'Est qui fournissent l'essentiel de la production de tomate industrielle. En Algérie, l'on estime la population agricole active occupée à 2 442 642 personnes, dont 1 921 033 emplois permanents et 1 970 701 saisonniers et 521 609 recalculés en équivalent permanents. L'investissement agricole et les actions de développement rural menées par le ministère de l'Agriculture ont pu créer 311 907 emplois permanents et équivalent permanents en 2010, dont 213 848 à travers les investissements agricoles dans les filières et 98 059 dans le cadre des actions dans le cadre du renouveau rural. Cependant, ce nombre de personnes actives dans le domaine agricole n'a cessé de se rétrécir comme peau de chagrin. Il est aujourd'hui de plus en plus difficile de trouver de la main-d'œuvre pour les travaux agricoles. Cette tendance se confirme au moins pour trois filières, véritables viviers en termes de création d'emplois, à savoir la céréaliculture, la pomme de terre et la tomate industrielle. Les fins de saisons risquent d'être à l'avenir difficiles pour les agriculteurs. Les désertions et le désinvestissement total des jeunes pour le travail au niveau des terres agricoles en sont la triste illustration. Il est temps de réfléchir sérieusement à l'option d'importation de main-d'œuvre, pour peu que le coût soit soutenable.