Les Qataris passent à l'offensive. Ils sont à Alger. Ce micro-pays de 11 437 km2 dispose du plus important fonds souverain au monde, Qatar Investment Authority (QIA), dont les avoirs des différentes entités s'établissent à près de 700 milliards de dollars. Lequel poids financier sert à la fois de carapace et de champignon sur lequel s'appuient les princes de cet émirat pour acheter l'influence politique et les alliances en tout genre avec les Occidentaux. Dans les affaires, ils ne sont plus au stade d'un galop d'essai. Les princes ont blanchi sous le harnais. Ils ont acheté des participations à coups de plusieurs milliards de dollars dans de nombreux groupes allemands, britanniques et français. Outre l'acquisition de la totalité du club sportif Paris Saint-Germain (PSG), les Qataris ont acheté 2% du capital de Total, première capitalisation boursière de France, 5,6% de Vinci, 5% de Veolia, 12,83% de Lagardère, 1% de LVMH, 100% de l'Elysée, 100% du palace Royal Monceau de Paris, 22,7% du Carlton de Cannes, 87% du Tanneur. En Allemagne, les princes de cet Etat féodal se sont permis de faire des acquisitions aussi importantes, dont 17% de Volkswagen, 10% de Porsche et 9% du groupe BTP Hochtief. Au Royaume-Uni, les investissements qataris ont dépassé 23 milliards de dollars, ces deux dernières années. Les Qataris ont surtout acquis The Olympic Village, The Shard, Harrods à hauteur de 100%, 26% de Sainsbury, 20% de London Stock Exchange, 7% de Barclays et des participations dans Hyde Park. Dans ses principales économies européennes, on se refuse presque obstinément de limiter le fantasme qatari. En Algérie, les Qataris deviennent de plus en plus agressifs, notamment depuis au moins deux années sans que l'on se tracasse quant à cette manière de faire des affaires. Pis, ils ont toutes les facilités. Les autorités du pays viennent d'attribuer le visa aux Qataris pour la construction d'un mégacomplexe sidérurgique à Bellara (Jijel) au détriment d'une offre algérienne venant de Cevital. Les engagements financiers d'un tel projet n'ont jamais été rendus publics par l'investisseur du Qatar. Après coup, Industries Qatar, une autre entreprise qatarie, a annoncé une participation de 24,5% dans la réalisation du complexe de Bellara. C'est-à-dire que Qatar Mining et Industries Qatar vont se partager la part du gâteau qu'on leur a dédié, à savoir les 49% des participations. Comportements troublants. Qatar Mining a été également cité pour succéder aux Australiens de GMA Ressources qui se sont retirés de la mine d'or d'Amesmessa (Tamanrasset). L'affaire conclue du temps de Chakib Khelil était semblable à une assiette au beurre. Gold Mining of Algeria s'est vu attribuer le marché deux mois seulement après sa création. Cependant, le repreneur n'est pas non plus un vieux de la vieille. Qatar Mining, une entreprise dont on ne sait pratiquement rien, a conclu un mémorandum d'entente pour la coopération dans le secteur minier avec la société Manadjim El Djazaïr (Manal). Il a d'ailleurs été convenu dans ce registre d'étudier la possibilité de créer une société mixte pour la recherche et l'exploration de l'or au niveau des deux sites de Tirek et Amesmessa (Tamanrasset). C'est dire qu'entre Doha et Alger, la lune de miel semble amorcée au profit des investisseurs qataris, sur fond de soubresauts politiques incontestables. Il y a quelques semaines, le ministre qatari de l'Economie et des Finances, Youcef Hussein Kamel, en visite à Alger, avait indiqué que l'Algérie et le Qatar projetaient de créer «un fonds mixte pour réaliser ensemble des investissements à l'étranger», alors que les responsables algériens se refusaient depuis toujours obstinément à cette option, plutôt que de stocker les réserves de change dans les banques occidentales. A la dernière nouvelle, Qatar Telecom veut acquérir Nedjma. Ce n'est que la face visible des ambitions gigantesques des émirs de ce micro-Etat en Algérie. Il est tout de même inopportun de voir Karim Djoudi, ministre des Finances, opposer le droit de préemption en cas de vente de la totalité des actions de Nedjma au groupe qatari des télécommunications, lorsqu'on sait que le gouvernement n'a soufflé mot au sujet de la cession, par Total, de 10% de ses parts dans le projet de vapocraquage d'Arzew à Qatar Petroleum (QP). D'autres projets sont également dans le viseur qatari : la commercialisation et la distribution de carburants en association avec Naftal sur le long de l'autoroute Est-Ouest, l'ouverture de nouvelles dessertes aériennes entre Alger et Doha au profit de Qatar Airways, etc. En deux mots, les Algériens donnent aux Qataris tous les justificatifs de grandeur au détriment même de l'Algérie qui jouit pourtant de tous les atouts pour s'offrir la place d'une puissance économique régionale. Le Premier ministre, ministre des Affaires étrangères du Qatar, cheikh Hamad Bin Jassim Bin Jaber Al Thani, en visite, hier à Alger, avait certainement d'autres marchés à revendiquer. En contrepartie de quoi ? That is the question.