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«L'exil a nourri une expérience artistique hors du commun»
Naïma Yahi. Historienne
Publié dans El Watan le 15 - 09 - 2012

Naïma Yahi est spécialiste de l'histoire de la culture de l'immigration maghrébine, particulièrement algérienne en France. Elle a co-écrit la comédie musicale Barbès Café, produite en 2011, au Cabaret Sauvage, a animé de nombreuses conférences, écrit plusieurs articles sur le patrimoine culturel algérien. Pour «Viva l'Algérie à Paris», elle a conçu le programme relatif au patrimoine sonore de l'immigration «Barbès Memories».
- Qu'est-ce qui vous a amenée à faire de la culture un objet de recherche historique sur l'(é) immigration algérienne en France ? Comment s'est fait ce choix ?

C'est un choix affectif, c'est aussi un choix par le constat lucide et que peu de monde s'intéressait à cet aspect de l'histoire de l'immigration, et moi qui suis enfant d'immigrés algériens, je ne me reconnaissais pas en tant qu'héritière de l'immigration dans la manière dont on mettait en scène une narration historique sur l'immigration algérienne. Soit on en parlait d'un point de vue politique avec le fait colonial et son pendant, celui de l'indépendance, soit on parlait de norias d'ouvriers nord-africains, algériens en particulier, et on oubliait que ces hommes, et après leurs femmes et leurs enfants, étaient des êtres de chair et de sang, qui avaient émigré vers la France métropolitaine avec leur culture, dans un contexte compliqué comme celui du contexte colonial et aussi pour les post-coloniaux dans un rapport de force qui était difficile. Quand on parlait d'expression artistique algérienne en France, on ne parlait que de ce qui était perceptible pour la société française, c'est-à-dire des écrivains de langue française, qui sont de grands écrivains mais qui n'avaient pas besoin de passeurs culturels pour être appréhendés par les Français. Il reste que malgré l'analphabétisme - héritage colonial -, les immigrés ont exprimé leur sensibilité à travers la poésie, la chanson de variété. Nos plus grands artistes en France et en Algérie ont connu, à un moment ou à un autre, l'exil qui a nourri une expérience artistique hors du commun.

- Essentiellement orale...

Il y a une forte tradition orale dans la culture algérienne, notamment transmise par les femmes, mais les hommes se la sont aussi réappropriée dans l'interprétation, quand en situation d'exil ils ont dû dire leur intime douleur de la séparation. Héritiers de ces femmes, ils ont pu donner une voix masculine à cet exil, qui va concerner les femmes assez vite, puisque les chanteuses, elles aussi, qu'elles soient restées au pays d'origine, ou qu'elles aient connu elles-mêmes l'émigration, vont prêter leurs voix à l'exil au féminin et vont dire aussi la déchirure du départ et parfois aussi l'attente désespérée de l'épouse qui attend son mari qui ne reviendra plus. On m'a expliqué longtemps que c'était la France et la République qui avaient fait mon éducation et ma culture, en omettant de reconnaître cette part en moi d'algérianité.

- C'est ce qui a motivé vos recherches ?

J'ai fait un doctorat sur l'ensemble de l'expression artistique, je ne me suis pas contentée de travailler sur la musique. Mais c'est vrai que c'est dans le domaine de la chanson qu'a émergé une vraie demande sociale, ce qui m'a amenée, peu à peu, à mettre les habits de passeur culturel pour un public qui est très large. J'ai eu le plaisir d'être le commissaire d'une exposition qui a évoqué cette aventure artistique sur plus d'un siècle, en mêlant les Algériens aux Marocains et aux Tunisiens qui ont une vraie communauté de destin dans l'expression artistique, ou dans le cadre de Barbès Café, cette comédie musicale que j'ai co-écrite et au cours de laquelle on a essayé de donner les outils, y compris aux enfants d'immigrés qui ne parlent pas la langue. En tant que chercheurs, en tant que professionnels du monde culturel, on se doit, pour ces enfants algériens, mais pour la société française, en général, rappeler l'apport des populations algériennes au patrimoine culturel de France autant que d'Algérie.
Pour la première fois au festival de l'ICI, il y aura un karaoké algérien, ce sera l'occasion de rendre hommage à une figure de la chanson de l'immigration algérienne et du quartier de la Goutte d'or, Salah Saâdaoui, qui a monté les premiers galas de l'immigration. Pendant cette soirée (ce soir), on va parler d'histoire, faire chanter les gens et finir par un bal...
Dans le cadre de l'association que j'ai créée récemment, Pangée Network, qui a pour objet la promotion du dialogue interculturel, nous avons beaucoup travaillé sur l'Algérie pour des raisons de cœur mais aussi d'intérêt. Nous avons organisé, avec d'autres partenaires, un festival de cinéma, El Djazaïr, sous le patronage du candidat François Hollande, au mois de mars, qui avait proposé une quarantaine de films depuis 1910 sur la question algérienne. Nous avons encadré de nombreux projets, notamment les visites que nous organisons demain dans le cadre des journées du patrimoine qui s'appellent «Les Algériens à Belleville-Ménilmontant», une promenade sur les traces des lieux de mémoire de l'immigration algérienne dans ce quartier cosmopolite.

- Où avez-vous trouvé les matériaux et archives qui ont alimenté vos recherches ?

Mes parents m'ont donné leurs témoignages et m'ont mise sur la voie pour rencontrer des témoins importants. J'ai rencontré de nombreux artistes algériens, encore vivants, comme Kamel Hamadi ou le regretté Cherif Kheddam. Ces artistes m'ont aidée à retrouver des archives. Les travaux de certains intellectuels comme Rachid Mokhtari, le regretté Ahmed Hachelaf, qui était le directeur artistique de nombreux catalogues de maisons de disques françaises ou le travail incontournable de Tassadit Yacine sur le patrimoine de la chanson kabyle m'ont été d'un précieux secours et mes voyages entre la France et l'Algérie ont été enrichis aussi par des figures comme Abdelkader Bendaâmèche. J'ai trouvé des archives dans les maisons de disques françaises, dans les archives photographiques du ministère de la Culture en France, qui n'avait pas connaissance de cette richesse patrimoniale. L'effervescence artistique va survivre à l'indépendance de l'Algérie, puisque de nombreux artistes, Dahmane El Harrachi, Slimane Azzam ou d'autres ont continué très longtemps à se produire et ont écrit de très beaux succès.

- Avez-vous consulté les archives de la Radio et de la Télévision algériennes ?

Très peu. Il y a un imbroglio qui n'est pas du fait des archives. J'ai reçu le meilleur accueil possible aux Archives nationales d'Algérie. J'ai eu quelques difficultés concernant les archives télévisées. Il y a des pépites d'archives dans les archives de la Télévision algérienne sur les artistes de l'exil, mais je ne désespère pas qu'un jour ces archives s'ouvrent pour que nous puissions, nous historiens, documentaristes... les valoriser. De nombreuses archives sont ici en France, c'est ce qui m'a permis de restituer un bout de mémoire et contribuer à ce travail qui est déjà engagé en Algérie. C'est en immigration que sont les traces de cette production et les établissements culturels français, comme la Bibliothèque nationale de France, les maisons de disques ont été très dynamiques sur ces questions, qui ont été d'un secours important afin que l'on puisse faire émerger des chansons qui avaient été oubliées, des images, des archives, notamment sur les conditions de production. Un exemple, on connaît la chanson Ya el manfi de Akli Yahyaten, intimement liée à la guerre d'Algérie et porteuse d'un message universel. J'ai retrouvé les feuilles d'enregistrement de cette chanson, je peux savoir qui était le chef d'orchestre, quel jour elle a été enregistrée et avec qui, et c'est une information notoire.

- Vous anticipez sur ma question ; de toutes vos recherches, qu'avez-vous retenu de réellement significatif ?

Il est intéressant de rappeler, selon la formule consacrée de Ferhat Abbas, la nuit coloniale, une fleur d'espoir a pu naître dans le cœur d'artistes qui ont su perpétuer la tradition orale algérienne dans des conditions extrêmement difficiles, parce que cela n'a pas toujours été évident d'être un sujet algérien en France métropolitaine, et qui ont su pénétrer le tissu culturel français de l'époque pour créer, imaginer, se produire, transmettre et permettre à cette chanson algérienne des deux rives d'être d'un dynamisme qui est reconnu dans le monde entier.
C'est l'universalité de ces artistes algériens qui, dans le contexte socio-politique qui était le leur, ont été les porte-parole de la masse algérienne qui a connu l'exil pour des raisons économiques. Au moment où on célèbre le cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie, ces artistes, qui se sont mis au service de la cause pour l'indépendance de l'Algérie et ont porté un message anticolonial, il faut les honorer. L'inexorable lutte pour la dignité et pour l'indépendance avait rattrapé tous les pans de la société algérienne, et c'est pour cela que des artistes, des sportifs, des écrivains, des femmes au foyer, des enfants y avaient adhéré.
Et enfin, ces artistes constituent un trait d'union avec les générations suivantes, Rachid Taha a provoqué l'étincelle, les garçons de Zebda, Origine contrôlée font un travail magnifique...
La transmission se fait bien. La transmission s'est faite et continue à se faire, elle ne démarre pas aujourd'hui. C'est un patrimoine en partage, il raconte une histoire des Algériens. On ne mesure pas à quel point l'immigration a bouleversé la création musicale en Algérie. Et nous, les Franco-Algériens, nous sommes gardiens et héritiers de ces chansons et de cette production.


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