L'économiste Bellache Youghourta, professeur à l'université de Béjaïa, distingue dans sa thèse de doctorat consacrée à l'économie informelle en Algérie entre deux types d'activités informelles : des activités «qui sont exercées par des agents animés par une logique de subsistance notamment et qui relèvent du secteur informel, et celles relevant de l'économie souterraine, exercées par des agents suivant une logique d'accumulation (ou de recherche de rente). En somme, une distinction entre le petit vendeur à la sauvette et les gros bonnets de l'informel dans lesquels on retrouve pêle-mêle les barons de l'importation, les détenteurs de faux registres de commerce, les commerçants qui opèrent sans facturation, les évadés fiscaux, les entreprises qui sous-facturent, etc. Et c'est face à cette dernière catégorie que le gouvernement reste impuissant (l'aveu d'impuissance avait été affirmé par l'ancien premier ministre Ahmed Ouyahia) ou peu volontaire à éliminer. Certains observateurs expliquent cela par la connexion existant entre la sphère de l'informel et celle du pouvoir. En janvier 2011, des émeutes avaient éclaté après une hausse soudaine et spectaculaire des prix du sucre et de l'huile imputée aux grossistes en réponse à la décision du gouvernement d'imposer le payement par chèque dans les transactions commerciales de plus de 500 000 DA et la généralisation de la facturation. Deux décisions qui avaient été suspendues suite à ces incidents. Cette même année, «le lobby» des importateurs de la friperie avait réussi à convaincre l'APN, par le biais de certains députés, de voter le maintien de ce créneau, avant qu'il ne soit interdit dans la loi de finances 2012. Hadj Tahar Boulenoir, secrétaire général de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) note qu'il «y a des importateurs et des producteurs qui écoulent leurs marchandises par le biais de l'informel et la preuve de la puissance de ces barons est l'échec de la tentative du gouvernement d'imposer le payement par chèque pour les transactions de plus de 500 000 DA.» Selon lui, «les 2/3 des produits qui s'écoulent dans l'informel viennent de l'importation». Le lien est facilement établi quand on voit la quantité de produits pyrotechniques dont des tonnes sont écoulées sur le marché informel chaque année alors qu'ils sont interdits d'importation et qu'une partie est saisie. La connivence entre importation et informel n'est pas à démontrer. Selon l'Ugcaa, «80% des produits périmés et contrefaits sont écoulés sur les marchés informels». Or, une grande part de ces produits est d'origine étrangère. Ainsi, un chiffre donné par le dg des douanes indique que «60% des produits importés en Algérie destinés à la revente en l'état sont contrefaits». Les articles de sport, les produits cosmétiques ou encore les articles électroniques ou les vêtements vendus jusque-là sur les marchés parallèles sont autant d'exemples de cette connexion entre barons de l'import et le marché informel. Même si, comme le souligne un commerçant, «des produits contrefaits importés par des importateurs fictifs se retrouvent souvent vendus dans des commerces tout ce qu'il y a de plus légal. Si vous allez acheter des bougies pour votre voiture, et si vous n'exigez pas une pièce d'origine, vous avez toutes les chances qu'on vous vende un produit chinois qui, dans 99% des cas, n'est pas conforme.» Il y a deux ans, le ministère du Commerce avait recensé quelque 9000 faux importateurs.