Les résultats de ce conclave sont très attendus, pas seulement au Mali, mais dans tous les pays riverains et même au-delà. Les ministres de la Défense et des Affaires étrangères des pays d'Afrique de l'Ouest ont étudié, hier à Abidjan, le déploiement d'une force au Mali pour aider à la reconquête du Nord, occupé par des groupes islamistes armés. S'ils ont reconnu que leur tâche est «immense», ils n'en pensent pas moins qu'elle n'est pas «impossible». Le ministre ivoirien des Affaires étrangères, Daniel Kablan Duncan, a, d'entrée, précisé la conduite à tenir : «Le conseil de médiation et de sécurité de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) se réunit pour tracer le cap de l'appui militaire de la Cédéao au Mali.» Il n'y a donc point de débat sur une solution politique comme le réclament de nombreux pays, dont l'Algérie. «Nous voulons lancer un message sur la volonté et la détermination de la Cédéao et de l'Afrique entière à accompagner le Mali dans la reconquête de son intégrité territoriale. La tâche est immense mais pas impossible», a souligné le chef de la diplomatie ivoirienne. Le président de la Commission de la Cédéao, Kadré Désiré Ouédraogo, a lui aussi invité ses pairs à se préparer militairement pour récupérer le nord du Mali : «L'heure n'est plus aux tergiversations, mais à l'action concertée. Il faut agir face à l'inacceptable, les criminels de toutes sortes qui occupent le Nord-Mali.» Mais avant d'en arriver là, les ministres des AE et de la Défense devaient écouter les propositions des chefs d'état-major de la Cédéao qui se sont retrouvés vendredi et samedi à Abidjan. La Cédéao a donc largement dépassé les palabres politiques sur un hypothétique dialogue avec les intégristes qui occupent le nord du Mali. Hier, on était plutôt en phase opérationnelle sur la manière de procéder tactiquement pour assurer le succès d'une telle attaque. Tâche immense mais pas impossible Ceci d'autant plus que la couverture politique à une telle opération est déjà assurée puisque le président par intérim du Mali, Dioncounda Traoré, a officiellement demandé son aide début septembre à la Cédéao, pour déloger des groupes proches d'Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI), qui ont planté leurs étendards au nord du pays. Il est désormais clair que la Cédéao est sur le pied de guerre. Une nouvelle qui va, on s'en doute, rassurer certains pays occidentaux, notamment la France, pour qui il n'est plus supportable d'assister, impuissants, à l'émergence d'un émirat moyenâgeux qui n'a rien à envier aux talibans afghans. Il faut souligner que l'option armée contre les intégristes du Nord commence peu à peu gagner des sympathisants, y compris parmi les pays qui étaient jusque-là rétifs. Ayant saisi le danger que pouvait représenter un voisinage aussi encombrant, l'Algérie ne serait pas totalement contre le recours aux armes. L'attaque se met en place A la seule condition qu'il y ait un mandat des Nations unies et que cela se fasse de manière coordonnée. Cela étant dit, ce conclave décisif de la Cédéao intervient le jour même où la Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Navi Pillay, a dénoncé ces violences, évoquant «plusieurs graves violations des droits de l'homme» et «éventuellement des crimes de guerre». L'émirat islamique, qu'on dit soutenu et fiancé par le Qatar, a déjà commencé l'application de «ses lois». Des hommes accusés de vol ont été amputés, un couple jugé illégitime a été lapidé à mort, d'autres personnes ont été fouettées en public par les islamistes, qui ont aussi détruit des tombeaux de saints musulmans, à Tombouctou et samedi au nord de Gao. Se pose tout de même la question de savoir quelle serait la forme de cette intervention miliaire de la Cédéao. Il faut préciser que dans sa demande d'aide, Dioncounda Traoré prend en effet soin de préciser que «le déploiement des forces militaires combattantes est sans objet». S'agit-il d'une simple force d'interposition pour sécuriser Bamako, comme le pensent certains observateurs? Une chose est certaine : cette indécision trouve sa source dans l'incapacité du gouvernement malien, dans ses segments militaire et civil, à parler d'une seule voix. `