Il est admis par certains économistes que le financement public des missions de service public est fondé sur l'idée de «solidarité et de cohésion sociale». Les entreprises de service public de type commercial ne seraient pas soumises aux critères classiques de rentabilité, et c'est d'ailleurs pour cela que le financement s'accompagne souvent d'une intervention de l'Etat sous forme de subvention aux prix, comme cela se fait en Algérie pour les prix de l'électricité ou de l'eau. Dans ce cas, l'origine du financement du service public n'élimine-t-elle pas de facto toute notion d'efficacité ? Le financement du service public, «sous d'autres cieux, s'effectue à travers les impôts qui se reconvertissent en investissements publics», explique Kouider Boutaleb, professeur d'économie à l'université de Tlemcen. En Algérie, en revanche, «pratiquement tous les investissements sont d'origine rentière». Le problème se pose, selon lui, parce qu'il «n'y a plus de normes, plus de reddition de compte, la réalisation ne se fait pas par rapport aux prévisions budgétaires» ; par conséquent, il n'y a plus d'efficacité, puisqu'il y a «toujours des surcoûts qui se greffent autour des financements initiaux». Pour l'économiste, l'efficacité peut être relativement atteinte lorsque les objectifs fixés sont réalisés à temps, mais dès lors que cette réalisation entraîne d'énormes surcoûts «cela devient un problème d'efficience». Il s'agit, selon notre interlocuteur, d'une grande «problématique qui nécessite d'opérer des réformes profondes au niveau de toute la gouvernance publique afin d'arriver à une gestion efficiente». Faudrait-il donc déléguer systématiquement au privé la gestion du service public pour plus d'efficacité ? L'expérience de la Seaal qui a vu la compagnie française Suez se voir confier la gestion de l'exploitation et l'assainissement des ressources en eau dans la wilaya d'Alger est souvent présentée comme un exemple de réussite du partenariat public-privé. Cela, même si le nouveau premier ministre a récemment pointé du doigt des insuffisances en la matière. Le professeur Boutaleb explique qu'ailleurs «beaucoup de services publics sont délégués au privé sur la base de cahiers de charges, mais dans ce cas, il y a la bonne gouvernance, la reddition des comptes, la transparence». En Algérie, «tout est commandité par des circuits intermédiaires». Déléguer au privé est donc une bonne chose en soit à condition toutefois qu'il y ait «la transparence». On ne pourra avancer qu'à partir du moment où «on réorganise tous les services selon un mode de gouvernance clairement établi qui permet le délestage vers le privé», estime M. Boutaleb. «Encore faut-il que l'Etat ait les institutions nécessaires pour pouvoir contrôler tout ce mouvement de capitaux qui va du public vers le privé».