La crise au Mali a été aggravée par le conflit libyen, avec ce grand marché de l'armement et le dossier de l'Azawad. Même si la situation sécuritaire s'est beaucoup améliorée à Bamako ces derniers mois, celle-ci reste néanmoins encore instable et préoccupante. Pour preuve : des heurts entre policiers ont fait deux blessés, hier matin, dans le camp du Groupement mobile de sécurité (GMS) de la police nationale à Bamako, dont des policiers partisans des ex-putschistes du 22 mars ont ensuite pris le contrôle. En raison du climat de tension suscité par ces heurts, le Conseil des ministres a été annulé. Un proche collaborateur du président malien de la transition, Dioncounda Traoré, a déclaré à la presse qu'«il n'y a pas eu de Conseil des ministres parce que le Président se consacre à trouver une solution aux problèmes posés par l'affaire des policiers». Une source sécuritaire a par ailleurs indiqué que «le président de la République, pour des raisons de sécurité, ne pouvait pas se rendre au Conseil des ministres, parce que des policiers tiraient à Bamako». Vers 9h30, le calme semblait toutefois revenu dans le camp, qui avait auparavant été encerclé par des dizaines de policiers. Le sergent Ali Touré a expliqué sur place à la presse que «des policiers avaient l'intention de semer le trouble parce qu'ils étaient mécontents des avancements obtenus par certains et qu'ils voulaient s'emparer du magasin d'armes». Ces heurts, qui témoignent de vives tensions au sein des forces de police, ont lieu six mois après le coup d'Etat militaire du 22 mars qui avait renversé le président Amadou Toumani Touré (ATT). Le pays est dirigé depuis le 12 avril par Dioncounda Traoré, investi président de transition suite à un accord entre la junte et la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) pour le transfert du pouvoir aux civils. Traoré écrit à Ban Ki-moon S'agissant du dossier de l'Azawad, la situation paraît désormais s'accélérer après des mois d'immobilisme. Le chef de l'Etat malien et son Premier ministre cheikh Modibo Diarra ont officiellement demandé, dans une lettre adressée le 23 septembre au secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, une résolution du Conseil de sécurité autorisant l'intervention d'une force militaire internationale afin d'aider l'armée malienne à reconquérir les régions du Nord occupées par des groupes terroristes à la suite du coup d'Etat contre ATT. A ce propos, une réunion à haut niveau sur le Sahel devait se tenir hier en marge de l'Assemblée générale de l'ONU à New York et étudier la demande du Mali. Bamako et la Cédéao ont fait taire leurs divergences et peaufinent un projet de déploiement d'une force africaine au Mali à présenter à l'ONU. Le Mali a néanmoins expliqué qu'il acceptera la présence de troupes ouest-africaines de la Cédéao mais «pas d'autres pays». Outre le Mali, 14 Etats ouest-africains forment la Cédéao : Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo. Une source proche de la présidence malienne a expliqué hier à la presse que la durée de la mission de la force Cédéao sera de «six mois renouvelables si le Mali l'estime nécessaire». Cette source a répété que le Mali souhaitait l'envoi sur son territoire de «quatre à cinq bataillons pas plus», sans estimer le nombre précis de soldats que cela représenterait. «Une fois la résolution (onusienne) adoptée, nous allons très rapidement demander à la Cédéao de venir à Bamako, pour régler les derniers détails du plan. Après les réglages de dernière minute, il faudra compter au moins deux mois avant l'arrivée des troupes ici», a-t-il estimé. Des forces spéciales déjà à l'œuvre De son côté, la France – qui soutient le projet d'offensive contre les islamistes armés – a soutenu qu'elle n'aurait pas de troupes au sol. «Nous n'avons pas du tout l'intention d'avoir des troupes au sol», a martelé au début de la semaine le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, malgré les informations selon lesquelles des forces spéciales hexagonales seraient déjà à l'œuvre au Mali. «La France est un facilitateur», elle «n'est pas en première ligne (…) Ce sont d'abord les Africains qui doivent régler leurs affaires» : le Quai d'Orsay fait tout pour évacuer les accusations de néocolonialisme dont la France est largement l'objet. Pas question donc d'envoyer des soldats français. L'idée est plutôt d'offrir un «appui logistique» au Mali ainsi qu'à la Cédéao. «Si on doit faciliter les choses, on le fera», a ajouté Laurent Fabius. Concrètement, la marge de manœuvre de la France est des plus réduites. On ignore par ailleurs pour le moment quelles sont les conditions exactes de l'accord trouvé entre Bamako et la Cédéao, même si celle-ci s'était dite disposée à envoyer une force de quelque 3300 soldats aux côtés des troupes maliennes. Lutter contre l'enracinement du terrorisme dans la zone… sans mettre en danger les otages détenus au Sahel : l'équation est périlleuse. «Bien évidemment, c'est un problème», a reconnu Pascal Canfin, ministre français du Développement, dont six de ses compatriotes sont détenus par AQMI depuis de longs mois. «Maintenant, nous devons aussi prendre nos responsabilités (...) parce que je pense que l'opinion publique française nous reprocherait à juste titre de n'avoir rien fait pour empêcher une éventuelle action [terroriste, ndlr] sur le territoire français ou contre des intérêts français par des groupes qui sont aujourd'hui au Nord-Mali. Nous mettons tout en œuvre pour y arriver, mais nous avons évidemment le souci de la vie des otages en tête et c'est un compromis délicat», a-t-il soutenu. Difficulté supplémentaire : les indépendantistes touareg, qui avaient participé à la conquête du nord du Mali avant d'en être évincés par leurs éphémères alliés islamistes, ont exigé lundi que Bamako trouve un accord avec leur mouvement, le MNLA, sans quoi ils menacent de nouer «des alliances de circonstance avec les groupes islamistes et terroristes».