L‘ambassadeur des Etats-Unis en Irak vient de donner son appréciation de la situation qui prévaut dans ce pays, trois années après l'invasion de ce pays par les Américains. Point d'alarmisme pour Zalmay Khalilzad, mais ce qu'il dit recoupe toutefois et même très largement les appréciations exprimées un peu partout jusque et compris les propos foncièrement pessimistes de l'ancien Premier ministre irakien Iyyad Allaoui. Il a ainsi affirmé lundi que l'Irak « saignait » et que les groupes d'opposants armés que personne à vrai dire n'a pu identifier avec précision se battaient pour exploiter le vide du pouvoir. Guerres au pluriel puisqu'il faut leur adjoindre, même si elle n'a pas la même intensité et le même caractère, la bataille pour le pouvoir qui met aux prises les trois principales communautés du pays. Il a estimé, dans une interview à la chaîne de télévision ABC, qu'il n'y a pas de guerre civile mais que l'Irak traverse « une situation difficile », alors que trois mois après les élections de décembre, les partis politiques irakiens ne sont toujours pas parvenus à s'entendre pour choisir un nouveau Premier ministre et former le gouvernement. « Le pays saigne. Les Irakiens veulent que leurs leaders soient à la hauteur de la situation pour former un gouvernement d'union nationale », a ajouté l'ambassadeur. « C'est une période particulière de vulnérabilité », a-t-il relevé. Le vide n'a pas été comblé, et chaque élection organisée depuis 2004 a révélé les terribles clivages entre ethnies. Le seul dénominateur commun à l'ensemble de l'opposition était la chute de l'ancien régime. Les Américains l'ont fait, mais l'on se rend compte que le vide est encore plus dangereux. « Les terroristes qui cherchent à provoquer une guerre civile trouvent que les circonstances actuelles - où il n'y a pas de gouvernement d'unité nationale - constituent un moment particulièrement propice pour eux d'exploiter le vide existant », a-t-il reconnu. Il a également rejeté les propos de Iyyad Allaoui qui, dans un entretien avec la BBC dimanche, a déclaré : « Nous sommes malheureusement en guerre civile. » « Il existe des tensions confessionnelles et des violences confessionnelles, a dit l'ambassadeur. mais, à mon avis, la guerre civile n'est pas encore là. » Ce qui laisse supposer que le risque existe bel et bien. Trois ans après l'invasion de l'Irak, il a estimé que « l'on aurait pu espérer se trouver dans une meilleure situation que celle dans laquelle on se trouve aujourd'hui ». Par ailleurs, dix-huit policiers irakiens ont été tués et 13 blessés hier dans une attaque de l'opposition armée contre des bâtiments publics à Moqdadiyah au nord de Baghdad, lors de laquelle 30 détenus accusés de terrorisme ont été libérés, selon des sources de sécurité. « Dix-huit policiers ont été tués et 13 blessés dans l'attaque » qui a visé un commissariat, où se trouve un centre de détention, et le tribunal de Moqdadiyah, ville située à une centaine de kilomètres au nord-est de Baghdad, a déclaré l'une des sources de sécurité. Trente prisonniers accusés d'« actes terroristes » ont été libérés par les rebelles, a indiqué une source de sécurité sur place, ajoutant qu'au total quelque 250 personnes étaient incarcérées au centre de détention, selon cette même source qui s'exprimait sous le couvert de l'anonymat. Une vingtaine de véhicules de la police ont été détruits dans l'attaque. En outre, un commando de police a été tué et un blessé dans l'explosion d'une bombe artisanale contre leur véhicule à l'approche de la ville où ils se rendaient pour prêter main forte à la police locale, selon une autre source de sécurité. Le bilan des victimes de la police dans ce raid spectaculaire est allé en s'alourdissant passant de 8 morts, à 15, puis à 18. Les rebelles, arrivés à l'aube en grand nombre en voitures et camion, ont attaqué ces bâtiments publics avec des armes automatiques et des grenades. Ils se sont retirés avec l'arrivée des renforts de l'armée irakienne, laissant trois des leurs tués sur les lieux, selon la source sécuritaire. Dans un communiqué, l'armée irakienne a indiqué que « le commissariat de Moqdadiyah a été attaqué tôt le matin par des forces anti-irakiennes », terme utilisé pour désigner les rebelles. « La reconnaissance aérienne a confirmé que la bâtiment a été endommagé et que des véhicules ont été incendiés après avoir été visés par des roquettes antichar, des grenades et des armes légères », selon le communiqué. Des renforts américains et irakiens sont tombés dans une embuscade en arrivant dans la ville, a indiqué le texte, qui ne donne pas de bilan d'éventuelles victimes. L'attaque est intervenue au lendemain du 3e anniversaire de l'invasion de l'Irak par les troupes américano-britanniques le 20 mars 2003. L'opération ne sera pas sans effet. Elle révèle au moins la capacité de la résistance à opérer où et quand elle veut, avec en plus une parfaite maîtrise du terrain et du renseignement. Elle se permet même d'engager des effectifs importants, donc de déjouer tous les dispositifs tendant justement à l'en dissuader.