Cette montée au créneau des salafistes contre le président tunisien sonne comme une démonstration de force. Tunisie De notre correspondant Les salafistes tunisiens n'ont pas tardé à qualifier le président Marzouki «d'apostat» après sa récente interview sur CNN où il considère une aile de cette tendance comme un «danger pour la sécurité nationale». Pour une fois, les propos, généralement brouillons du président Moncef Marzouki, ont été courts, simples et précis. Dans un anglais très clair, le président tunisien a fait un bilan détaillé des djihadistes de son pays. «C'est, certes, une petite minorité évaluée par les services sécuritaires à 3000 personnes, mais ils représentent la partie sombre de notre société. Ils constituent une grande menace pour l'image de la Tunisie. Et depuis les incidents de l'ambassade des Etats-Unis, nous examinons avec tout le sérieux requis la manière adéquate pour leur faire face. Nous allons désormais assumer nos responsabilités par rapport à ce phénomène. La date du 14 septembre (attaque de l'ambassade des Etats-Unis à Tunis) a constitué un tournant pour le pouvoir en matière de traitement de la question des djihadistes. Après de tels actes, ce n'est pas uniquement l'image de la Tunisie qu'ils ternissent. Ils portent désormais atteinte à nos relations avec les autres pays. La question touche dorénavant à la sécurité nationale. Ces djihadistes sont également dangereux à travers leurs possibles connexions avec leurs compères au nord du Mali, Algérie et Libye. Il faut coordonner avec nos voisins pour faire face à ce danger», a expressément dit Moncef Marzouki dans une interview qu'il voulait «tranquillisante» pour l'Occident. Les propos du président tunisien traduisent par ailleurs sa maîtrise de ce dossier explosif. Les propos de Marzouki ne sont pas passés inaperçus pour les islamistes radicaux, notamment le parti Ettahrir, présent sur l'échiquier politique légal, qui a publié un communiqué condamnant les propos du président tunisien. Réactions virulentes Le parti Ettahrir a rebondi d'une manière virulente sur les récentes déclarations de Marzouki aux médias américains. Son communiqué intitulé «Invitation express et directe à Marzouki de garder son cocon et de se taire !», considère que «les déclarations de Moncef Marzouki, supposé être le président de la République, à des médias américains, sont abjectes et méritent d'être condamnées et sanctionnées. C'est une honte que Marzouki parle de ses concitoyens (islamistes, salafistes ou autres) de cette manière chez l'ennemi. Les présidents qui respectent leur pays ne colportent pas ses causes à l'étranger, et à n'importe quel prix, financier ou politique», a indiqué le parti islamiste radical. Pour Ettahrir, «le fait que Marzouki se présente aux Occidentaux comme étant un responsable hostile à l'alternative islamiste et garant de la non-inscription de la charia dans la Constitution du pays et dans ses lois est considéré comme étant de l'apostasie et de l'injustice». Du côté des djihadistes, on est plutôt occupé à laisser passer l'orage après les incidents de l'ambassade et l'arrestation d'une centaine de leurs partisans. Leur chef Abou Iyadh est toujours recherché par la police. A souligner que le parti Ettahrir a une existence légale et s'exprime ouvertement sur la scène politique, alors que Ançar Charia, l'étendard des djihadistes, est plus discret. C'est cet organisme qui est accusé d'être derrière les incidents du 14 septembre à l'ambassade américaine.