La déclaration du chef du gouvernement, selon laquelle l'Etat va consacrer 200 milliards de dinars, soit l'équivalent d'à peu près 2 milliards dollars, pour doubler les effectifs de la police, de la gendarmerie et des gardes frontières, a dû donner froid au dos des enseignants. Alors que les salariés de la Fonction publique, dont le gros des troupes se recrute dans l'Education nationale et la Santé, quémandent presque une poignée de dinars supplémentaire, voilà qu'ils découvrent que l'Etat est particulièrement généreux vis-à-vis de certaines catégories professionnelles. S'il est admis que la sécurité nationale est la priorité des priorités dans un pays en butte à la criminalité et aux problèmes frontaliers, cela ne le dispense pas pour autant de sa mission de protection sociale. Il est tout de même curieux de constater la facilité avec laquelle les pouvoirs publics dénouent les cordons de la bourse dès qu'il s'agit de financer un effort dans le domaine de la sécurité à coups de coquettes sommes et de recrutements à tour de bras, et se montrent très « économistes » dès qu'il est question de verser quelques sous supplémentaires dans les poches des masses laborieuses. Le fait est que les décideurs recourent à toute sorte de subterfuges et d'expédients, y compris la fameuse tripartite, pour repousser une demande sociale irrépressible. Mais ils dépensent sans compter, mais surtout sans que le peuple n'ait une voix au chapitre, dans des domaines totalement opaques que la sécurité et la défense. Le constat vaut également pour les recrutements. Pendant qu'on dégraisse à volonté dans les entreprises publiques économiques et qu'on impose la dépermanisation dans les administrations, des bataillons de nouveaux conscrits sont annoncés dans les corps de la police et de la gendarmerie notamment. Le chef du gouvernement annonce même que cela ne suffira pas tant il est vrai que le ratio des effectifs est largement en deçà des normes, y compris par rapport à nos voisins. Le traumatisme du terrorisme Néanmoins, aussi vital que soit le souci de la sécurité, l'Etat ne doit pas se dérober à son devoir de récompenser l'effort de ses soldats de l'ombre, que sont les fonctionnaires. Ceci d'autant plus que les nouveaux enrôlés dans le « sécuritaire » sont bien sûr assurés d'avoir un bon revenu, mais surtout la pérennité du poste et tous les privilèges qui s'y rattachent. En face, les enseignants, les médecins et toute l'armée des fonctionnaires attendent désespérément que le gouvernement veuille bien lâcher le fameux statut général de la Fonction publique, qui sommeille depuis 1997 dans les tiroirs de la République. Un statut qu'on souhaite, apparemment, figé aussi longtemps que possible. Il faut noter précisément que la police, qui était le seul corps de sécurité à émarger dans la Fonction publique, a bénéficié, récemment, d'un statut spécifique. La pirouette du gouvernement est facile à décoder. Il fallait augmenter les salaires du personnel de la police nationale sans que cela n'ait une incidence financière sur les autres fonctionnaires. Maintenant que tous les corps de sécurité ont un statut à part et des émoluments, combien de temps les Algériens sans uniformes attendront-ils pour avoir leur part du gâteau de la rente ? Ouyahia a miroité une promesse : « Le statut général de la Fonction publique pourrait être adopté avant la fin de l'année. » D'ici là, beaucoup parmi les jeunes diplômés iront grossir les rangs des services de sécurité faute d'avoir pu arracher un job dans une économie créatrice de misère. Et c'est toute la problématique de l'usage des ressources humaines qui se pose dans un pays où l'on opte pour la casquette et l'uniforme à défaut d'un bureau d'études ou d'un atelier de recherche.