Les difficultés politiques et socioéconomiques rencontrées par la Tunisie n'ont pas empêché ses dirigeants d'entretenir la mésentente. Tunisie De notre correspondant Le parti islamique d'Ennahda et son allié le CPR ont boycotté l'ouverture du congrès national du dialogue prôné par la centrale syndicale, auquel ont pourtant assisté le président de la République et celui de l'Assemblée nationale ainsi que le chef du gouvernement. A entendre parler les trois responsables pour vanter l'initiative de l'UGTT, notamment celui du gouvernement, Hamadi Jebali, et de la République, Moncef Marzouki, nul n'émettrait le moindre doute sur la présence de leurs partis respectifs, Ennahda et le CPR, dans cet espace visant à trouver un consensus pour l'intérêt de la Tunisie. Pourtant, Ennahda et le CPR se sont permis le luxe de rater le départ de ce rendez-vous historique. Le parti islamique d'Ennahda s'est pourtant justifié dans un communiqué publié la veille de ce congrès national et signé par Ameur Laâreyedh, le président du bureau politique du parti. «Le parti salue, certes, l'initiative de l'UGTT mais refuse de s'asseoir à la même table avec Nida Tounes qui constitue la reproduction du RCD dissous sous une autre forme», lit-on dans ce communiqué. Pourtant, le chef du gouvernement, qui n'est autre que le secrétaire général d'Ennahda, a vanté cette initiative. «C'est un pas en avant dans la recherche d'un consensus national sur toutes les questions fondamentales, surtout que cette initiative ne se place pas comme alternative à la légitimité de l'Assemblée nationale constituante», a notamment souligné Hamadi Jebali. Allez donc voir pourquoi Ennahda n'a pas participé.» Même son de cloche du côté du Congrès pour la République (CPR), porte-drapeau de l'exclusion de Nida Tounes, le porte-parole de la Présidence et membre du bureau politique du parti, Adenane Mnacer, n'a cessé de «rejeter toute participation sous une quelconque forme aux côtés de Nida Tounes». Mnacer est allé jusqu'à «justifier» la présence de Marzouki pour «des considérations institutionnelles». Ennhada et le CPFR brillent par leur absence Pourtant, le président Marzouki a fait l'éloge de l'initiative et l'a considérée comme «le couronnement du dynamisme politique qui a caractérisé la Tunisie révolutionnaire et un signe de maturité qui place l'agenda national au-dessus de tout agenda politique partisan». Parmi la troïka gouvernante, seul Ettakattol a accepté de participer à ce congrès et faire route à part. Sa décision émane de sa position par rapport à l'exclusion des RCDistes de la vie politique. «Seule la justice peut prendre une telle décision», estime le porte-parole du parti, Mohamed Bennour. «Nous œuvrons, certes, pour que toute action commune aille dans le sens de la rupture avec le régime déchu et la réalisation des objectifs de la révolution», a également souligné le docteur Mustapha Ben Jaâfar dans son allocution. A l'opposé de cette position, les deux alliés d'Ettakattol dans la troïka, Ennahda et le CPR, veulent faire passer une loi à travers l'Assemblée nationale constituante pour exclure pendant cinq ans de la vie politique, quiconque ayant occupé un poste de responsabilité au sein du RCD, parti fort du régime déchu, et ce, du 7 novembre 1987 au 14 janvier 2011. Cette mesure vise essentiellement l'ex-Premier ministre de la transition, Béji Caïed Essebsi, dont la cote ne cesse de monter et qui a constitué un parti politique qui concurrence Ennahda et se pose en alternative. Béji Caïed Essebsi a occupé le poste de président de l'Assemblée jusqu'en 1990. «Nous regrettons, certes, l'absence d'Ennahda et du CPR. Mais nous sommes contre l'exclusion et croyons fermement que cet espace est le mieux indiqué pour sceller le choix du régime mixte, confirmer le consensus sur la date des élections et concevoir le meilleur moyen possible pour choisir les instances des élections et des médias», a par ailleurs insisté le secrétaire général de l'UGTT, initiatrice de ce dialogue, dans son allocution d'ouverture. Il a également indiqué que «la plateforme de onze points présentée par l'UGTT résume les missions à accomplir en Tunisie pour dynamiser la marche vers la réalisation des objectifs de la révolution». «Nul ne conteste, non plus, que le dossier des martyrs et des blessés de la révolution est prioritaire, tout comme la transparence dans les critères d'emploi et l'établissement d'une démarche claire pour la justice transitionnelle», a rappelé le secrétaire général adjoint de la centrale syndicale, Belgacem Ayari, dans son intervention lors de sa rencontre avec la presse après la séance d'ouverture pour faire le point sur l'avancement des travaux. «La partie de la classe politique, en dehors de la troïka, notamment d'Ennahda, cherche à faire entendre sa voix. Paradoxalement, c'est la centrale syndicale (UGTT) qui est son fer de lance. L'UGTT a été très active pendant la révolution et garde le respect de tout le monde. Il n'empêche qu'Ennahda ne veut pas perdre l'initiative sur l'échiquier politique. Or, il est clair qu'elle ne peut plus gouverner toute seule», indique l'analyste universitaire Néji Jalloul. Côté perspectives, le professeur Jalloul considère que «l'initiative de l'UGTT peut aller vers une feuille de route claire qui remettrait la Tunisie sur la voie du salut».