Nawaf Al Janahi, le jeune réalisateur émirati, travaille dans un pays où le cinéma est tout récent. «Les premières initiatives cinématographiques remontent à peine à 11 ans. Nawaf Al Jinahi est le seul à avoir réalisé deux longs métrages après avoir fait des courts métrages», explique le critique irakien Intishal Al Tamimi. Fils de comédien de théâtre et de télévision, Mohamed Al Janahi, à 35 ans, Nawaf a réalisé plusieurs courts métrages tels que The Blood wedding (Mariage sanglant), Summer birds (Les Oiseaux d'été) et The Circle (Le Cercle). Avec Dhilou al bahr (L'Ombre de la mer), le cinéaste a réussi à faire entrer le septième art émirati dans les festivals mondiaux (Chicago, Sao Paulo, Washington, Le Caire, Paris, Tunis, Beyrouth…).Le film raconte une histoire sentimentale (pas forcément d'amour) entre Mansour (Omar Al Molla) et Keltoum (Nevine Madhi), deux adolescents vivant dans un quartier populaire. Comment parler librement de ses sentiments dans une société figée dans les traditions ? Nawaf Al Janahi raconte son parcours : «Je regardais sept à huit films par jour. Le patron de la boutique de location de vidéos en avait marre de moi. A 14 ans, j'ai décidé de faire du cinéma. Ma décision était prise. Bien que mon père fût artiste, il m'avait déconseillé ce choix, lui préférant le secteur pétrolier. Il me disait qu'aux Emirats on s'était habitué à voir des films produits par les autres. On n'était pas près d'en produire.» Avec un groupe de jeunes amateurs de cinéma, Nawaf Al Janahi commence à faire bouger «les choses» à partir de 2001. «A l'époque, on ne se connaissait pas. On ne savait pas qui avait fait quoi. J'ai décidé de regrouper tous les films produits aux Emirats. Nous avons fait une grande avancée. Cela nous a permis d'avoir trois festivals internationaux de cinéma aux Emirats et un soutien financier de l'Etat pour la production de films», explique-t-il. Nawaf Al Janahi se félicite que des familles entières aux Emirats soient allées voir son film, Dhilou al bahr. Pour sa part, Yousry Nasrallah observe que le cinéma commercial connaît une crise de distribution dans l'ensemble des pays arabes. Il cite l'exemple de l'Arabie Saoudite, qui n'importe pas de films d'Egypte. Lors du débat, une critique tunisienne a regretté, depuis la salle, l'absence de représentants du cinéma maghrébin à la table ronde sur le cinéma arabe. Le Festival d'Abu Dhabi, qui est organisé par la compagnie émiratie de promotion de médias et de spectacles, Twofour 54°, consacre une section à la compétition entre jeunes cinéastes des Emirats. Une compétition dirigée par Salah Karama Al Amiri, en coordination avec Michael Young, représentant de la New York Film Academy. Le cinéaste tunisien Ridha Béhi a présidé le jury, assisté notamment de Ahd Kamel d'Arabie Saoudite et Ali Al Ali du Bahreïn. La Perle noire, premier Prix du court métrage est revenu cette année à Yassir Al Yassri pour Dhaou damis (Lumière obscure). Ce prix est doté de 30 000 dirhams (presque 6000 euros). Abdullah Hassan Ahmed a décroché le deuxième prix pour Assghar mina sama' (Plus petit que le ciel). Des distinctions ont été attribuées également à des œuvres réalisées par des étudiants en art cinématographique. Hana Kazim est ainsi consacrée meilleure réalisatrice pour «le courage» de son court métrage, intitulé Aïb (Honteux). Le documentaire Youlad hilm fil ainyen (Des rêves dans leurs yeux), réalisé par trois jeunes cinéastes, Abeer Al Marzouqi, Khawla Al Maamari et Ayesha Al Amri, est choisi meilleur film des Emirats version 2012. Une manière d'encourager les jeunes femmes émiraties à s'engager dans des carrières cinématographiques. Ce documentaire revient sur le quotidien de trois Palestiniens vivant dans des camps de réfugiés au Liban. Ainsi, le festival d'Abu Dhabi s'attache, non seulement à promouvoir des œuvres de professionnels confirmés, mais à encourager également l'émergence du cinéma émirati à travers de jeunes créateurs.