Les cinémas d'Algérie et de Corée du Sud ont été honorés, cette année, par le Festival international du film d'Abu Dhabi qui en est à sa sixième édition. Intishal Tamimi, responsable de la programmation arabe du festival, a évoqué, lors d'un débat consacré au septième art algérien, cette participation algérienne, la plus importante depuis le lancement de cette manifestation cinématographique aux Emirats arabes unis. Il a souhaité une numérisation plus rapide des films algériens produits ces cinquante dernières années, pour une meilleure exploitation dans les festivals désireux de faire une rétrospective de ce cinéma. Le débat a été animé par Nabila Rezaïg, responsable du département cinéma à l'Agence algérienne du rayonnement culturel (AARC), Nabil Hadji, journaliste et critique cinéma et les réalisateurs Moussa Haddad et Rachid Benhadj. Deux cinéastes présents au festival avec leurs dernières productions, Harragas Blues pour le premier et Parfums d'Alger pour le second. La comédie de Moussa Haddad, Les vacances de l'Inspecteur Tahar a été également projeté à la faveur du festival dans la section rétrospective. La relation de l'Algérie avec le cinéma remonte, selon Nabil Hadji, au début du siècle avec le tournage de films étrangers dans le Sahara durant la période coloniale française. «Pendant la guerre de Libération nationale, le septième art était présent pour porter la voix et l'image de l'Algérie combattante à l'étranger. La période fondatrice du cinéma algérien l'a été durant les années 1960 avec la nationalisation des salles. A l'époque, nous avions plus de 420 salles. L'Office national de l'industrie et du commerce cinématographiques et l'Institut du cinéma ont été également créés. La Bataille d'Alger, Les hors-la-loi, Le vent des Aurès, La nuit a peur du soleil et L'opium et le bâton ont été réalisés à cette époque», a-t-il rappelé. Selon lui, des cinéastes ont émergé durant les années 1970, comme Moussa Haddad, Amar Laskri, Mohamed Bouamari, Mohamed Lakhdar Hamina, Merzak Allouache, Mohamed Slim Riad. «Dans les années 1970, l'Algérie avait soutenu plusieurs coproductions avec des pays arabes et africains. Une nouvelle génération de cinéastes est venue dans les années 1980. La plupart des cinéastes de cette époque ont été formés à l'étranger, comme Mahmoud Zemmouri et Abdelkrim Bahloul. Cette période a été marquée par la structuration de l'ONCIC et la création de l'ANAF et l'ENPA pour les actualités et la production audiovisuelle», a-t-il noté. Il a relevé que Mohamed Chouikh, Rachid Benhadj, Ali Ghanem et Benamar Bakhti se sont distingués durant les années 1980 par la réalisation de films avec un nouveau ton. L'ouverture démocratique du début des années 1990 a, d'après Nabil Hadji, libéré les cinéaste du monopole de l'Etat sur la production cinématographique. En 1997, les entreprises publiques de production de films ont été dissoutes. «Le terrorisme a obligé les cinéastes à quitter le pays durant cette période. Période qui a connu aussi la production des premiers films d'expression amazighe, comme Amachahou et La montagne de Baya. Les cinéastes ont fait face à des difficultés financières en raison du retrait partiel de l'Etat», a-t-il précisé. Des jeunes se sont engagés dans la réalisation et la production de films dès le début des années 2000. Il a cité Tarek Teguia, Nadir Mokhnache et Lyès Salem. «Le terrorisme, les problèmes sociaux, les espoirs déçus des jeunes étaient les sujets dominants dans les longs et courts métrages produits pendant ces années-là», a-t-il souligné. Selon Nabil Hadji, plus de 200 films entre courts, moyens et long métrages et documentaires ont été produits depuis 2003. Les financements qui ont accompagné les manifestations, «Année de l'Algérie en France», «Alger, capitale de la culture arabe», «Festival culturel panafricain (Panaf)», «Tlemcen, capitale de la culture islamique» et la célébration du cinquantième anniversaire de l'indépendance, ont permis l'amélioration de la production. «Dès le début, l'Algérie a été traînée vers le cinéma. Les frères Lumière ont fait beaucoup de tournage en Algérie. Ils étaient attirés par la lumière. L'Algérie était choisie comme décors à ces films. Les Algériens ne faisaient que de la figuration. Plus tard, l'Algérien devient, dans les films coloniaux français, le voleur et l'assassin. Le cinéma est aussi un moyen de propagande. Cela a été notamment utilisé par Houari Boumediène, dans les années 1970, pour défendre ses projets politiques. L'Etat, qui finançait les films, imposait une certaine vision», a relevé, de son côté, Rachid Benhadj. Ce dernier, qui a commencé sa carrière à la télévision dans les années 1980, est installé actuellement en Italie. Pour Nabila Rezaïg, le cinéma algérien «is back», il revient sur la scène internationale. Elle a cité l'exemple de la participation de deux longs métrages algériens pour la première fois au Festival d'Abu Dhabi, où des courts métrages algériens, dont celui de Mounès Khamar, ont été primés par le passé. Selon elle, le soutien du ministère de la Culture à la production de films a contribué à redonner vie au septième art algérien. Elle a également souligné le nouveau rôle joué par l'AARC, depuis 2007, à travers ses différents départements (cinéma, littérature, musique et expositions). «L'AARC a accompagné toutes les productions cinématographiques de ces dernières années comme Hors-la-loi de Rachid Bouchareb qui a pris part aux grands festivals mondiaux. Le FDATIC, (Fonds d'aide au cinéma), transfère depuis mars 2012 à l'AARC les subventions accordées aux cinéastes. L'AARC s'occupe aussi de la promotion des films», a-t-elle précisé. Parmi les films soutenus, Yemma de Djamila Sahraoui, primé dernièrement au Festival de Moscou, et présent lors de La Mostra de Venise. Selon Nabila Rezaïg, le film Zabana ! de Saïd Ould Khelifa va représenter l'Algérie aux Oscars américains. Moussa Haddad a, pour sa part, avoué que le réalisateur italien Gillo Pontecorvo l'a aidé à passer de la télévision au cinéma. Moussa Haddad était assistant dans le long métrage La bataille d'Alger. Rachid Benhadj a évoqué toutes les difficultés qu'il a eues pour adapter à l'écran le roman Le pain nu, de l'écrivain marocain Mohamed Choukri. «Mohamed Choukri, qui avait rejeté une trentaine de scénarii adaptés de son roman, a accepté mon adaptation après six mois de travail», a-t-il dit.