La fronde contre le secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND), Ahmed Ouyahia, s'organise et prend surtout de l'ampleur. Si jusque-là elle a été menée par des «seconds couteaux», ce sont à présent des noms emblématiques du parti qui prennent le relais. On parle de Yahia Gidoum (ancien ministre de la Santé et membre fondateur du RND), Saïd Abadou (secrétaire général de l'ONM), le revenant Mouldi Aïssaoui, Bakhti Belaïd, Amar Zegrar (ancien secrétaire général de la présidence), on parle aussi de l'ancien ministre de l'Education nationale, Boubekeur Benbouzid, et de l'actuel ministre de l'Industrie, Cherif Rahmani — cités par certaines sources — qui se joignent au mouvement et en prennent même les commandes. Yahia Guidoum est désigné coordinateur général de ce «redressement» qui vise à démettre Ahmed Ouyahia du secrétariat général du RND. L'objectif est donc bien précis et il était prévisible que l'ex-Premier ministre allait avoir des «soucis» au lendemain de son éviction de la chefferie du gouvernement. C'est d'ailleurs «sa position» dans la hiérarchie de l'Etat qui l'avait tout le temps prémuni des tempêtes qui ont, par le passé, frappé le RND et le prenaient pour cible. Une position qui lui a souvent sauvé la peau. Les contestataires reprochent à Ahmed Ouyahia sa gestion du parti d'«une main de fer», «l'absence de démocratie» et «la prépondérance de l'allégeance» comme seule règle du fonctionnement RND. Pas seulement. L'ancien Premier ministre est accusé «de s'en servir pour ses seules ambitions personnelles». A décoder : son désir non déclaré de se présenter à l'élection présidentielle prévue en 2014. La fronde contre Ahmed Ouyahia a commencé à la veille des élections législatives du 10 mai dernier. Menée par des militants qu'on peut qualifier de seconde zone, d'aucuns pensaient que la contestation était juste une réaction d'ambitieux qui voulaient imposer leurs noms sur les listes de candidatures présentées par le parti, et que le RND allait retrouver «sa sérénité» au lendemain du scrutin. Cela n'a pas été le cas. Au contraire. La fronde semble vraiment prendre de l'ampleur avec l'entrée en scène de grosses pointures qui ont pour projet de rassembler plus d'opposants capables d'éjecter Ahmed Ouyahia lors du prochain congrès du parti, prévu courant 2013. UN HOMME À ABATTRE ? En réalité, deux facteurs ont fragilisé le secrétaire général du RND : le score obtenu lors des dernières élections législatives 68 sièges à l'Assemblée – un résultat qualifié de déroute par les frondeurs – et son éviction du poste de Premier ministre. Suffisamment d'arguments pour une opposition qui veut à tout prix en découdre. Si le premier démontre le recul du RND sur la scène politique, les frondeurs disent que c'est le résultat de la gestion de son secrétaire général, le second est perçu comme un signal fort qu'Ahmed Ouyahia est désormais un homme à abattre. La lecture qui en est faite, par ailleurs, est que ce dernier a été lâché «en haut lieu». Ces contestataires peuvent donc avancer sans rien craindre. Ainsi fragilisé, l'ancien Premier ministre, qui n'a pas manqué d'assurer que son parti est toujours arrimé au programme du président Bouteflika, est devenu facilement éjectable. Lors de sa dernière sortie à la rencontre des militants du parti, il avouait d'ailleurs avoir «d'énormes soucis». Et s'il est écarté du RND, il peut dire adieu à ses ambitions présidentielles.