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«Longuet est à la politique française ce que Materazzi était à l'équipe d'Italie»
Azouz Begag. Ecrivain, chercheur et ancien ministre français
Publié dans El Watan le 07 - 11 - 2012

Azouz Begag est l'ancien ministre délégué à la Promotion de l'égalité des chances du gouvernement De Villepin, entre 2005 et 2007. Son opposition à la politique de droitisation, menée par une partie de l'UMP, l'a poussé à démissionner de son poste. Cet écrivain et chercheur en sociologie et en économie, d'origine algérienne, s'est concentré depuis sur son travail d'écriture. Dans cet entretien, il nous livre sa vision d'homme politique, d'universitaire et de fils d'immigré sur les faits qui marquent le cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie en Hexagone.
-Quelle est votre réaction par rapport au bras d'honneur de Gérard Longuet lancé à l'encontre de l'Algérie ?
Longuet est à la politique française ce que Materazzi était à l'équipe d'Italie lors de la finale de la Coupe du monde France-Italie, en 2006. Le provocateur, beauf de la politique, a été intronisé par Sarkozy à la «Défense» de la France. Son moteur est la détestation et la haine des autres, arabes et musulmans en particulier, pour des raisons électorales évidentes. Ni les Algériens, ni l'Algérie, pas plus que les Français, d'origine algérienne ou non, ne doivent s'abaisser à donner un coup de tête dans le «vide». Ce serait se diminuer. Il faut marquer des buts contre les imbéciles, pas les brutaliser.
-Marine Le Pen a soutenu ce geste et déclaré qu'il n'y aura pas de réconciliation entre la France et l'Algérie. Que veut-elle au juste ?
Elle veut signifier à la droite populaire, décomplexée, celle de Copé, Luca, Mariani, que le pont est jeté entre l'UMP ultra et le FN. Elle surfe sur la vague de la «fierté», du «bras d'honneur», de la France «qui ne s'excuse pas», pour reprendre les mots de Nicolas Sarkozy. Elle fait de la politique. Si tous les français d'origine maghrébine et/ou algérienne avaient compris cette clé de fonctionnement de la démocratie en Europe, nous n'en serions pas là actuellement. Je veux pointer ici l'abstentionnisme qui règne dans cette communauté.
-Vous-même, il y a deux ans, vous avez déclaré que l'Algérie doit arrêter de demander à la France de présenter des excuses. Quel est le fond de cette réflexion ?
Oui, qu'est-ce que cela veut dire «demander des excuses» ? C'est aux Français de faire le travail de mémoire, notamment sur les affres de la colonisation en Algérie, puis la guerre d'indépendance et ses massacres, pour aboutir, je l'espère, à un geste politique avec les Algériens. Mais j'insiste : dans la perspective d'une consolidation de nos liens indéfectibles et d'un avenir commun. Qu'on le veuille ou non, l'histoire entre les deux pays a scellé un destin commun.
Plutôt que le mot «excuses», je préfère le mot «reconnaissance». D'ailleurs, le travail que je mène actuellement sur l'émir Abdelkader contribuera à raffermir les liens entre histoires française et algérienne.
-Par contre, en octobre 2011, vous avez signé une pétition lancée par Mediapart pour la reconnaissance officielle des massacres du 17 octobre 1961. Désormais, c'est chose faite. Quel est votre commentaire ?
Voilà, les choses qui doivent se faire se font doucement, avec le temps. Il faut se servir de la mémoire pour réconcilier les gens, pas pour les diviser. Des Algériens ont été assassinés par des policiers en 1961 à Paris pour avoir demandé l'indépendance de leur pays... les livres d'histoire français doivent porter la mémoire de ces crimes odieux. Les enfants doivent savoir.
-L'autre fait marquant du cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie du côté français, c'est l'association de l'immigration, notamment la communauté algérienne, à tous les maux sociaux dont souffre la société française contemporaine. Quel est votre avis de chercheur en sociologie et en économie ?
La guerre d'Algérie est encore dans les mémoires de millions de Français comme un volcan dormant. Mais elle n'est pas vraiment dans la Mémoire nationale. Son silence est vivant. A la différence du Marocain, du Tunisien, l'Algérien est donc toujours associé à l'histoire de la colonisation et de la guerre. On le qualifie aisément de «rebelle» par exemple. Mais «rebelle» à quoi ? Au colonialisme ? Voilà pourquoi aujourd'hui encore, en France, c'est l'Algérien qui porte les habits de l'épouvantail, du bouc émissaire, etc. Sauf, bien entendu, quand il s'agit de Zidane ! Si on oublie son fameux coup de boule. Enfin, est-il utile de dire que les dix années de guerre civile qui ont endeuillé le pays n'ont pas aidé à arranger les choses...
-En 2004, vous étiez chargé par De Villepin, ministre de l'Intérieur à l'époque, de rédiger un rapport sur l'égalité des chances que vous aviez appelé «la République à ciel ouvert». Pouvez-vous nous résumer l'essentiel de vos conclusions ?
La politique de promotion de l'égalité des chances, c'est une méthode d'action dans tous les domaines, pour ouvrir les recrutements, les promotions, les nominations... à des sources différentes. Elle a pour résultat naturel la «diversité». Après moi, je savais que dans tous les gouvernements français il y aurait des français issus de l'immigration. C'est chose faite. Il en va ainsi dans la police, la gendarmerie, la télévision, les conseils régionaux, etc. Toutes ces évolutions sont en marche. Mais elles sont trop lentes. A l'Assemblée nationale, il y a seulement 2 députés issus de l'immigration maghrébine, sur 577, alors que nous sommes autour de dix millions en France.
-Vous avez demandé aussi de remplacer le mot «intégration» par l'expression «promotion de l'égalité des chances». Pourquoi ce mot vous dérange-t-il ?
Le mot intégration a dérivé jusqu'à ne concerner in fine que les maghrébins, les Arabes, en somme... alors que l'égalité des chances concerne l'ensemble des Français. Ce vocable me plaît par son envergure républicaine. Il est français.
-Parallèlement, vous étiez l'un des défenseurs de la discrimination positive ?
J'ai cessé de l'être quand je me suis rendu compte qu'aux yeux de l'opinion publique, ce vocable concernait «les Arabes», les musulmans et qu'il était donc vicié.
-La proposition de Nicolas Sarkozy concernant la création d'un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale vous a irrité. Quels étaient vos contre-arguments ?
C'était clair, ce ministère avait une vocation xénophobe affichée. Faire de l'immigration une menace pour l'identité nationale. C'était une tâche hideuse sur le drapeau français. Elle avait été confiée à Brice Hortefeux, le ministre pour qui «avec les Arabes, c'est quand il y en beaucoup que ça fait des problèmes !».
-Cela nous amène à parler du débat sur l'identité nationale, lancé en octobre 2009. Qu'est-ce qui vous a choqué le plus dans cette controverse ?
C'était l'approche de l'élection de 2012. Les sarkozystes avaient sans vergogne décidé d'aller chasser sur les terres du Front national avec des hameçons racistes et islamophobes. Ils sont allés très loin dans la provocation, allumant le feu entre les religions, les communautés, voire «les civilisations», selon Guéant, la viande hallal, l'islamisation de la France, etc. Ces incursions sur les terres du Front national étaient indignes de la politique et de la France. Elles ont laissé des séquelles graves dans le pays.
-Des «moutons égorgés dans les baignoires des HLM» aux «pains au chocolat», qu'est-ce qui a changé ?
Voilà les séquelles. Jean-François Copé qui continue les incursions avec son étendard islamophobe, à la veille d'un combat électoral à l'UMP. Mais il n'a pas compris que, comme Sarkozy, il sera battu par Fillon. Le malheureux creuse néanmoins le sillage de la haine intercommunautaire en France. Honteux !
-Est-ce que vous êtes de ceux qui pensent que ce genre de discours est le seul responsable de la montée des extrémistes islamistes et identitaires français ?
Non, mais quand l'islamophobie gagne ses lettres de noblesse dans la classe politique «républicaine», c'est le ciel français ouvert à des lésions irréversibles dans le corps social. Les années à venir vont être très difficiles sur le plan économique, et les responsables politiques doivent savoir le poids des mots dans ces moments critiques d'angoisse nationale.
-Vous êtes de la même ville et origine du tristement célèbre Khaled Kelkal, et vous avez suivi récemment l'affaire Merah. Qu'est-ce qui pousse, à votre avis, ces jeunes à une telle radicalisation ?
Déjà, on peut se demander qu'est-ce qui a fait que les services de police ont été si défaillants à prévenir un tel acte. On ne sait pas encore tout de l'affaire Merah, et je compte sur le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, pour établir la vérité sur ce cauchemar. Bien sûr, il y a eu Kelkal et Merah en France, mais n'oublions pas le tueur Anders Breivik, assassin de 77 personnes ! Et d'autres encore. Je veux dire que ces folies meurtrières individuelles explosent partout, aux USA, en Norvège, en Allemagne, au Canada, etc.
-Mais, contrairement à ce que pense Marine Le Pen : «Combien de Mohamed Merah dans les bateaux, les avions, qui chaque jour arrivent en France ?», tous ces jeunes sont nés en France et ont fréquenté l'école française. Pour d'autres, ils se sont fraîchement convertis à l'Islam. Quelle explication rationnelle peut-on exposer ?
En politique, faire peur c'est exister. C'est même gagner à coup sûr. Je suis outré par l'instrumentalisation des peurs en politique, car elles provoquent des souffrances chez les gens sans apporter de réponses. Ma réponse est claire : l'éducation, toujours et encore plus. Il faut lire ! Depuis 25 ans, en tant qu'écrivain, je parcours les quartiers de France pour promouvoir la lecture, l'école, la connaissance. Je suis si intimement convaincu que c'est la solution pour atténuer les souffrances et les peurs. L'ignorance est la source de tant de maux individuels et collectifs. L'émir Abdelkader le savait si bien : «un savant vaut mieux que mille croyants».
-Que fait l'Etat français pour éradiquer ce fléau qui risque de détruire la cohésion et le pacte social ?
Il fait ce qu'il peut, avec les moyens du bord. Il revient aussi aux parents, dans chaque maison, dans chaque appartement, de veiller à l'éducation de leurs enfants. Le gouvernement a décidé de recruter des milliers d'enseignants : je dis bravo. C'est la bonne direction. Il faut vite restaurer la place du «maître» dans la société, car les ravages de l'argent sont comme un tsunami.
-En plus du phénomène intégriste, la plupart de ces jeunes qui ne sont jamais allés en Algérie, à titre d'exemple, sortent le drapeau algérien dans toutes les manifestations sportives ou les cérémonies de mariage dans les mairies. Ce qui agace la droite et l'extrême droite. Quelle lecture faites-vous sur cette question ?
J'en ai écrit un livre : C'est quand il y en a beaucoup... chez Belin, l'an dernier. Avec les drapeaux algériens qui sont hissés partout en France, on voit à l'œuvre une affirmation identitaire qui manifeste à la fois l'échec de l'intégration républicaine française et un inquiétant repli communautaire. En face, on voit des «Français de souche» brandir des têtes de cochon, des pieds de porc, occuper des mosquées, les souiller, etc. C'est dans cette fracture identitaire que Jean-François Copé, comme le FN, se glisse en l'alimentant. Les peurs exacerbent les replis. C'est très inquiétant.
-Paradoxalement, des milliers de jeunes algériens, de toutes catégories sociales et niveaux d'instruction, espèrent immigrer et s'installer en France. Comment pensez-vous que cette équation difficile pourrait être résolue ?
Ce que je vois, ce sont des millions d'Algériens en France qui regardent Canal Algérie et des millions d'Algériens d'Algérie qui regardent les chaînes françaises ! Chacun a les yeux rivés sur l'autre côté. Quant aux jeunes, il faut leur octroyer non pas un permis d'immigrer, mais une «liberté de circulation» qui leur permettrait de voir le monde, de s'en enrichir et revenir au pays pour contribuer à son essor. Lutter contre les frustrations de l'immobilité forcée : c'est un impératif démocratique.
-En 2008, sous l'effet de l'obamania, vous avez déclaré qu'il y aura en France un bon président dans une génération, blanc, noir ou arabe. Cet espoir est-il encore permis après tout ce que nous venions d'exposer ?
Sur 33 000 maires de communes en France, il y en a seulement 5 qui ont des noms à consonance maghrébine. Le chemin est donc encore long pour l'Elysée ou Matignon. Avant cela, on peut se demander quand une femme sera présidente de la République française ? C'est ça l'égalité des chances, un chemin qui n'a pas de fin.


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