La filiale assure le transport maritime de marchandises vers l'Europe du Nord, l'Espagne, la Méditerranée orientale et les USA. Alors que l'instruction judiciaire autour de la gestion du groupe CNAN se poursuit, un rapport des plus accablants sur la gestion de CNAN-Nord, la seule filiale étatique, vient d'être remis par l'Inspection générale des finances (IGF) aux autorités. Dans ce document, il est fait état de «nombreuses insuffisances, carences et anomalies touchant aussi bien l'organisation que le fonctionnement» de cette filiale créée en octobre 2003 pour assurer le transport maritime de marchandises en lignes régulières desservant l'Europe du Nord, l'Espagne, la Méditerranée orientale et les USA. La situation est «favorisée» par l'«absence de procédures internes de gestion» et un «défaut de mise en place de structures de contrôle de gestion et de l'audit interne». L'IGF note qu'en matière de gestion des arrêts techniques de quatre navires (Ibn Khaldoun, El Djorf, Ibn Sina et Djurdjura) il y a lieu de relever que les marchés de réparation ont été «conclus suite à des consultations restreintes, sans aucune concurrence». Ainsi, le contrat relatif à la réparation d'El Djorf se caractérise par plusieurs anomalies : «Négociations avec le partenaire retenu menées anormalement et à titre individuel par le directeur de l'armement technique (…), montant final des travaux arrêté après négociation (1,170 million d'euros) supérieur à celui de l'offre (1,113 million d'euros), alors que ladite négociation devait viser la baisse des prix proposés (…), retard de 32 jours dans le délai de réalisation sans que soient appliquées les pénalités de retard prévues, absence de police d'assurance, responsabilité établie par le chantier retenu San Giorgio Del Porto.» L'IGF juge «opaques et approximatives» les conditions dans lesquelles cette opération a été «conclue et exécutée». Les mêmes remarques concernent le navire Ibn Sina II : «Le montant final des travaux après négociation a été arrêté à 1,533 million d'euros, alors que celui de l'offre était de 1,331 million d'euros (…). De plus, les factures relatives aux prestations effectuées ne font pas ressortir le détail des travaux et elles ont fait l'objet de demandes de paiement antérieurement aux échéances fixées contractuellement.» Effectués par l'Erenav, les travaux de réparation du MV Djurdjura ont été «accordés de gré à gré pour un montant de 143,610 millions de dinars sans que le chantier ne soit préalablement consulté». L'offre a été reçue, selon l'IGF, après l'ouverture des plis. Les travaux de réparation du Ibn Khaldoun ont été, quant à eux, confiés au portugais Grupo Portugal pour un montant de 1,492 million d'euros, une somme «nettement supérieure à celle de la soumission qui est de 1,158 million d'euros». Parmi les offres, souligne l'IGF, c'est celle du chantier Ondessos «qui était la moins disante et non pas Grupo Portugal, qui a enregistré un retard de livraison de 20 jours, sans que des pénalités de 6000 dollars/jour ne lui soient appliquées tel que précisé par le contrat (…). Deux mois avant la signature du PV de réception définitive, des avaries ont été signalées à bord du navire et au lieu de les faire prendre en charge par le chantier dans le cadre de la garantie, les dirigeants ont transféré la totalité du paiement sans réserves. Les travaux seront par la suite confiés à l'Erenav de Béjaïa sur la base d'un contrat de gré à gré, pour un montant de 13,790 millions de dinars, sans répercuter cette somme sur le chantier portugais (…)». - L'IGF constate que les travaux d'escale (maintenance courante des navires) sont confiés pour la plupart à l'entreprise privée de droit algérien, sur simples bons de commande, en précisant qu'ils représentent une ardoise «conséquente, dont une partie reste bloquée du fait du refus de son paiement par la nouvelle direction au motif que les prestations étaient surfacturées». Gestion anarchique des conteneurs Le rapport met en exergue de nombreuses anomalies en matière de location (sans limite de durée) de conteneurs auprès de deux sociétés anglaise et américaine. Celles-ci «imposent un nombre précis de conteneurs à restituer mensuellement, même si la filiale en a besoin». Ainsi, l'examen des paiements arrêtés à fin 2011 fait état de «139 conteneurs non exploités depuis 2007 et non restitués, qui continuent à faire l'objet de paiement et 40 autres transportant de la marchandise prohibée saisis entre 2004 et 2005 au port d'Alger, et aucune réaction de l'entreprise n'a été enregistrée hormis pour 8 d'entre eux en location, qui n'ont été déclarés en perte totale qu'à partir de 2010». Il est fait état également de 26 autres conteneurs acquis à Houston (USA) sur les comptes des agents de consignation «ne disposant pas de pièces justificatives» et 6 autres, achetés par la CNAN America et Isa Anvers, se trouvent dans le même cas. La filiale assure aussi la location de 117 autres conteneurs saisis depuis septembre 2011 à Annaba. Durant l'exercice de 2008-2011, la majorité des chantiers de réparation des conteneurs retenus par la filiale sont étrangers, alors que les entreprises nationales offrent les mêmes prestations à des coûts inférieurs. Ces réparations sont prises en charge par des agents consignataires de la compagnie «sur ses recettes en devises alors que l'initiative relève de la direction générale de la compagnie». L'IGF constate aussi des «irrégularités» dans les contrats signés par la filiale Isa Anvers avec Cims International, pour expertiser les conteneurs à Anvers et Hambourg, et la société Amr, pour les réparer. «Des écarts entre les tarifs appliqués à Anvers et ceux pratiqués à Hambourg sont constatés en dépit du fait que les prestations sont de même nature et effectuées par les mêmes prestataires sur la base de tarifs fermes et non révisables.»