Des dignitaires musulmans ont manifesté samedi, à Lyon, auprès des collectifs contre le projet de loi étendant le mariage civil aux homosexuels l Dans le même temps, un jeune musulman, français d'origine algérienne, ambitionne de créer la première mosquée ouverte aux fidèles gays et aux lesbiennes. Lyon De notre correspondant Alors que 200 000 manifestants dans toute la France ont relayé, samedi, l'opposition au projet gouvernemental étendant le mariage aux homosexuels, des musulmans ont choisi de rejoindre les collectifs, essentiellement d'obédience chrétienne, qui avaient appelé à ce jour d'action aux côtés aussi de groupes plus extrémistes de droite, ou intégristes chrétiens comme Civitas, qui ont battu de nouveau le pavé dimanche. A Lyon, Kamel Kabtane, recteur de la mosquée de Lyon, et Azzedine Gaci, recteur de la mosquée de Villeurbanne, étaient dans la rue auprès du cardinal Philippe Barbarin et de 27 000 manifestants. C'est rare, pour ne pas dire une première, de voir ainsi des responsables musulmans rejoindre des manifestants pour un sujet sociétal, hors des préoccupations directement liées à l'Islam. Pour Azzedine Gaci, «il est important de montrer que l'on partage les inquiétudes des autres sur un texte qui va déstructurer la famille et avoir des conséquences sur les équilibres de la société.» Pourtant, des musulmans il y en avait peu dans la foule. D'abord, parce que le tabou est encore fort dans la société musulmane et que le mariage homosexuel leur paraît très loin de la réalité acceptable pour eux. Ensuite, parce que samedi, un autre appel à manifester était lancé pour protester contre la nouvelle agression israélienne à Ghaza. Malgré tout, quelques musulmans s'étaient déplacés. Pas suffisamment, selon Kamel Kabtane : «Nous avons les mêmes préoccupations que l'ensemble des Français, il est normal qu'on fasse entendre notre voix de musulmans.» Une première mosquée ouverte aux homosexuels Ludovic-Mohamed Zahed va ouvrir à Paris, à la fin de novembre, une première mosquée destinée aux musulmans homosexuels. Ce jeune homme d'origine algérienne, doctorant en anthropologie, âgé de 35 ans, est né à Alger, mais a grandi en France. Il se prénomme aussi Ludovic, parce qu'il a ajouté ce prénom à celui de Mohamed dans son dossier de naturalisation. Le type de mosquée qu'il prétend parvenir à établir en France existe déjà aux Etats-Unis. Depuis qu'il a découvert son penchant homosexuel à l'adolescence, Ludovic-Mohamed Zahed s'est posé la question de la possibilité de concilier sa vie personnelle et sa religion. «Je me suis dit : soit l'Islam était une supercherie, soit que j'étais un pervers. Puis, j'ai réussi à séparer les préjugés culturels de la religion», dit-il au quotidien 20 minutes. En 2010, il avait fondé l'association Homosexuels musulmans 2 France (HM2F). Il est déjà marié religieusement avec son compagnon, alors que le débat sur la loi sur le mariage civil divise la France. Dans un livre publié il y a peu chez Max Milo, Le Coran et la Chair, il écrit : «La renaissance ou la réforme de l'Islam n'arrivera pas seule, il nous faut agir. Selon moi, l'homosexualité, quoi qu'on en dise, n'est pas un choix et il faudrait être fou pour choisir d'être homosexuel, lorsque l'on vient du milieu socioculturel d'où je viens. Bien heureusement, ici en France, ce n'est plus un délit. Je pense que c'est la représentation que certains Français de confession musulmane ont de leur religion, pas l'Islam en lui-même, qui pose problème…. J'ai compris que l'homosexualité telle que nous la vivons aujourd'hui, telle du moins que la loi française nous permet de la vivre, ne va pas à l'encontre des principes d'un Islam éclairé.» Plus récemment, dans une contribution sur l'édition électronique du magazine Le Nouvel Observateur, il s'explique sur son projet de mosquée dite «inclusive». «Je veux partager mon amour et ma recherche authentique d'une voie spirituelle apaisée avec le plus grand nombre... Il s'agit d'ouvrir un lieu de culte où tous seraient accueillis comme des frères et des sœurs humains avant tout, quels que soient leur sexe, leur identité de genre ou leur ethnicité.» Il s'explique aussi par le fait que le malaise que ressentent les personnes exclues pour leur orientation sexuelle conduit à l'élimination physique volontaire. «Je suis meurtri de constater que près de 15 fois plus de jeunes adolescents homosexuels, filles ou garçons, aujourd'hui en France, se suicident faute de pouvoir faire accepter leur identité de genre.» Pour les musulmans, une des raisons est «le poids d'une homophobie culturelle, reposant sur l'ignorance et les préjugés».