Architecte depuis 30 ans, président du conseil local de l'ordre des architectes (CLOA) regroupant plusieurs wilayas de l'Est, membre du conseil national de l'ordre des architectes (CNOA), Azedine Belahcene s'exprime à El Watan sur les missions de ce conseil et sur certains problèmes qui entravent l'exercice de la profession d'architecte en Algérie. Il jette un véritable pavé dans la mare. - Après la tenue de sa récente assemblée générale, comment se présente la situation au CNOA ?
Nous avons souvent lu dans la presse sur l'existence de problèmes entre architectes au sein du CNOA. Ce qui n'a jamais été le cas, car le conseil de l'ordre travaille conformément à la réglementation. Certains citoyens, dont la plupart sont des architectes se sont positionnés en dehors de la loi et se sont permis de créer à la place du législateur et des pouvoirs publics des conseils de l'ordre. L'ordre des architectes n'est ni une association, ni un parti politique qu'on crée à l'initiative d'un groupe de citoyens. C'est un conseil dont les membres travaillent et décident conformément à la réglementation. Tout ce qui est externe ne relève pas de cette instance. Nous considérons que la création d'institutions en dehors du cadre réglementaire est un fait grave. En réalité, en créant ces problèmes, on veut amener le conseil de l'ordre vers un terrain qui n'est pas le sien. Nous ne voulons pas entrer dans ce terrain, car notre mission est la contribution dans l'amélioration des conditions de vie du citoyen, à travers la création d'établissements humains.
- Comment expliquer cette anarchie dans l'attribution des projets ?
Nous avons toujours voulu débattre avec les walis et les ministres sur les différents projets et de leur qualité. Tout le monde dit que nous n'avons pas des projets de qualité, alors comment avons-nous pu créer des universités et autres projets d'envergure ? Pourquoi vouloir nous mener vers des bricoles au lieu de nous associer à tous ces grands chantiers qu'on lance ? Je dis qu'il y a une loi qui régit la profession d'architecte, comme toutes les autres professions. Cette loi stipule que quiconque veut faire la maîtrise d'œuvre doit être une personne physique inscrite au tableau de l'ordre des architectes, géré par le CNOA. Même l'appellation de bureau d'étude est une entrave à la loi. Pourtant, les concours d'architecte sont ouverts aux architectes agréés et non aux bureaux d'études. En Algérie, il n'y a aucun bureau d'étude agréé légalement à exercer la profession d'architecte. La création des bureaux d'études est contraire à la loi. L'architecture ne peut être exercée que par un architecte agréé. C'est ce dernier qui est sollicité, selon la loi, pour élaborer le dossier relatif à l'obtention d'un permis de construire. Et puis, la loi prévoit que tout projet doit être assuré pendant 10 ans, durant lesquelles c'est la responsabilité de l'architecte et de l'entrepreneur qui demeure engagée, en cas de danger et non pas celle du bureau d'étude. Dans ce cas, le maître d'ouvrage a plus intérêt à respecter la loi qui impose de commander l'étude à un architecte agréé. Le comble est que de nombreux projets, dont ceux destinés à ériger des sièges des ministères, ont été réalisés en dehors du cadre légal.
- Pourquoi avance-t-on le manque d'expérience de nos entreprises ?
Il est impossible d'accepter qu'après 50 ans d'indépendance et avec tout ce que nous avons réalisé comme bâtiments, programmes de logement et autres équipements, certains disent que nous n'avons pas d'expérience. Les villages agricoles des années 1970 sont un modèle universel, pourquoi ne pas le développer ? Les immeubles réalisés dans les années 1980 sont bien meilleurs que ceux de la dernière décennie. Nous sommes en train de reculer. Et puis, pour réaliser des projets aussi importants, nous n'avons qu'à appliquer la règle de base. Si nous avons des programmes de logement, il faut faire appel à nos architectes et pourquoi chercher la concurrence ? Pourquoi ne pas mobiliser l'ensemble des architectes ? Il s'avère que les 3/4 des architectes n'ont pas accès à la commande et on se retrouve avec des programmes bloqués. On continue de pratiquer l'exclusion en imposant dans les cahiers des charges que les architectes doivent avoir réalisé un projet similaire, conformément à l'arrêté interministériel du 17/5/1988. Pourtant, avant 1988, l'architecte faisait de l'architecture, et l'entreprise s'occupait du génie civil. Des entreprises comme Sonatiba, Ecotec, DNC et autres, ont accompli de véritables prouesses techniques sans avoir réalisé auparavant des projets similaires. Les exemples ne manquent pas. Une pareille condition est une insulte à la création, sinon il n'y aurait aucun projet architectural nouveau. Il se trouve que des idées percutantes sont le produit d'étudiants en 4ème et 5ème année d'architecture, comme elles peuvent être l'oeuvre d'un architecte chevronné. C'est pour cela que nous demandons l'abrogation de l'arrêté de 1988, car l'architecte algérien doit travailler avec la même réglementation universelle. Or, nous avons relevé que les bureaux d'études étrangers ne sont pas soumis à l'arrêté de 1988, mais à la réglementation de leurs pays. Ce qui est grave.