De notre correspondant à Constantine A. Lemili Aussi bien N. Khalfi, expert judiciaire, stigmatisant les «violences» faites à la fonction que les architectes réagissant à partir de la salle à une dérive systémique d'une vocation, tout le monde s'est accordé à évoquer le délitement de la profession d'architecte.Pour la quasi-majorité des intervenants, la question ne se posait même pas, en ce sens que ce fossoyage était le fait même du ministère de l'Habitat d'une part et du mutisme tout autant complaisant qu'étrange des Conseils locaux et national de l'Ordre des architectes (Cloa et Cnoa) d'autre part. Il y a lieu de préciser qu'aussi bien à hauteur de la tribune que dans la salle se trouvaient des membres encore en exercice ou ne l'étant plus dont l'un expliquera, voire assumera ce déballage sur «un mea-culpa». Soulignons que N. Khalfi avait été le premier à rappeler que «les conseils n'étaient nullement représentatifs».Les architectes présents s'accorderont à ne pas faire une fixation sur les questions organiques, lesquelles, pourtant, desservent effectivement la profession, en ce sens que ni les Cloa ni le Cnoa ne prennent sérieusement en charge les difficultés quotidiennes auxquelles font face leurs adhérents. La plus importante sinon essentielle de ces difficultés reste sans doute la dilution même de la notion d'architecte dans la chaîne de réalisation d'un projet. La multiplication de textes, depuis le CCGA hérité de l'administration coloniale jusqu'aux décrets, instructions ministérielles et interministérielles ainsi que les lois, semble avoir été faite aux yeux des intervenants comme pour brouiller sciemment les situations. Dans cet ordre d'idées, l'ensemble des architectes présents sont catégoriques dans leurs conclusions : «L'histoire retiendra que le ministre lui-même, interpellé au dernier Batimatec, a affirmé qu'il ‘‘n'a jamais été question d'un avant-projet de loi intitulé Maîtrise de l'œuvre en urbanisme et architecture''. Or, nous disposons d'une copie qui nous a été remise sur place.» Plus grave encore, selon une intervenante, le ministre aurait imputé, sur les ondes de la radio Bahdja, «les turbulences de son département à un certain Boukhari, directeur central de son état au niveau dudit département».Quoi qu'il en soit, selon toujours les intervenants ayant eux des contacts ou fait des démarches auprès de l'administration, la dichotomie régnerait au niveau de ce ministère où les cadres semblent prendre des décisions en porte-à-faux avec les lois de la République et surtout comme s'ils n'avaient aucun ascendant hiérarchique. D'où le démenti du ministère de l'Habitat rejetant l'imminence du projet de loi évoqué.La rencontre à laquelle assistaient des architectes venus des wilayas de Souk-Ahras, Skikda, Annaba, Bordj Bou Arréridj, Béjaïa ne s'est pas limitée à cette seule révélation, dans la mesure où il y a eu unanimité sur la teneur d'une instruction émise par le ministère de l'Habitat à l'endroit des directeurs des OPGI, des DLEP et des walis, leur enjoignant d'accorder tout agrément à des bureaux d'études étrangers, alors que «l'Ordre national des architectes est seul habilité à le faire». Le département de Noureddine Moussa se substituant donc d'autorité au CNOA. «Comble de l'ironie, ces mêmes bureaux d'études sous-traitent les projets avec ceux algériens. Autrement dit, ce sont ces architectes nationaux auxquels l'Etat semble ne pas faire confiance qui font un travail commandé à des intervenants étrangers», sera-t-il souligné à partir de la salle. L'administration pèserait énormément sur les compétences des architectes, et plusieurs bureaux d'études se voient, sous la forme d'un chantage qui consisterait à les éliminer d'office de toute consultation et concours, dicter leur mission, quitte pour cela à ce que des instructions données, notamment par des DLEP, mettent en danger la vie d'autrui et plus particulièrement les bénéficiaires de logements.En conclusion, les architectes ont décidé la préparation d'une plate-forme de propositions qui sera adressée aux ministres de l'Habitat et de la Culture (considérant que leur profession relève de l'art) ainsi qu'au Premier ministre.