Spéculation ! Les prix des fruits et légumes ont grimpé sensiblement ces derniers jours. Le consommateur algérois ne comprend pas les raisons de cette majoration excessive. Pourtant, la période, de l'avis même des commerçants, est propice à l'abondance de la marchandise et, par ricochet, à la baisse des prix. Ce n'est pas le cas. Les tarifs affichés sont chers. Même les produits de saison sont inaccessibles aux petites et moyennes bourses. Les fèves et les carottes à 30 DA/kg, les petits pois à 35 DA/kg, la pommes de terre de 33 à 35 DA/kg et les artichauts à 40 DA/kg. La mercuriale varie d'un marché à l'autre. A quoi est due cette hausse ? Y a-t-il une pénurie de la production ? Pour les commerçants du détail de la capitale, c'est plutôt l'insuffisance de l'offre qui a engendré cette situation. « La marchandise est rare sur le marché. Elle est, en plus, chère », a affirmé Fateh, jeune commerçant rencontré au marché Tnach à Belouizdad (Alger). Dos au mur, le jeune, le regard fixé sur sa voiture Mazda bâchée, attend les clients potentiels qui se font de plus en plus rares. « Les citoyens n'achètent pas. Les légumes sont assez chers pour eux. Je ne gagne rien de ce métier. Si je trouve un autre meilleur, je n'hésiterai pas à laisser tomber le commerce », s'est plaint notre interlocuteur. La flambée des prix, selon d'autres commerçants, est due au monopole exercé sur le marché par les grossistes. « La cherté est à expliquer par deux raisons : d'abord l'absence et le manque de la marchandise sur le marché, ensuite le monopole des grossistes. Ils stockent la marchandise pour créer une situation d'insuffisance », a souligné Hakim, commerçant au marché de Meissonier. « J'achète ma marchandise cher. Je ne gagne que 5 DA par produit », a-t-il ajouté. Outre la marchandise onéreuse, les détaillants se plaignent aussi de la décrue de leurs ventes. « Les gens n'achètent pas. C'est tout à fait normal. Comment voulez-vous que quelqu'un qui touche 10 000 DA puisse acheter des fruits et légumes chers. Allah ghaleb ! », a déclaré, l'air blasé, un autre commerçant. Les grossistes : « Nous vendons à des prix bas » Les grossistes réfutent catégoriquement les accusations des marchands du détail. Au marché des fruits et légumes de Bouguerra (wilaya de Blida), comme au souk des Carreaux de Boufarik, les commerçants de gros affichent leur satisfaction. Il était 6h30 quand nous sommes arrivés, hier, au marché de Bouguerra. Les premiers commerçants ayant réussi à conclure leurs transactions s'apprêtaient à revenir sur Alger. Ici, à première vue, le marché grouille de monde. Camions et des fourgonnettes, pleins notamment de légumes, sont alignés dans tous les sens à l'intérieur. Le négoce s'effectue avec une grande célérité. « C'est le printemps, la marchandise est disponible, sauf les pommes de terre et les légumes hors saison. Il y a tout et à des prix abordables », nous a expliqué Mohammed, la quarantaine. Celui-ci fréquente ce marché depuis 10 ans. « Vous voyez, les prix de gros sont raisonnables et peut-être bas. Les fèves à 15 DA, l'échalote entre 15 et 28 DA, les salades coûtent 20 à 25 DA », a-t-il indiqué. Si les légumes verts sont cédés à des prix largement moins élevés, l'oignon sec, les pommes de terre et les oranges, seul fruit disponible aujourd'hui, sont encore chers. « L'oignon sec et les pommes de terre qui se vendent sur le marché actuellement sont des légumes d'importation. En plus, les stocks vont être épuisés dans les prochains jours », nous a expliqué Saïd. Au marché de Boufarik (10 km au sud-ouest d'Alger), la situation est beaucoup mieux. Selon les commerçants rencontrés sur place, le marché est inondé et les tarifs sont bas. Ici, contrairement au marché de Bouguerra, même les fruits sont proposés à prix raisonnables. « Même le prix des fraises a baissé de 200 à 80 DA cette semaine », a lancé Mohamed. « Le marché est suffisamment approvisionné. On arrive difficilement à écouler notre marchandise. Il y a trois jours, j'ai jeté à la poubelle une remorque de navets », a-t-il ajouté. En lui annonçant les prix au détail dans les marchés d'Alger, ce dernier lance avec un sourire : « C'est tout à fait normal. A mesure qu'on se rapproche de la capitale, les prix flambent. » Les explications du ministère du Commerce Les services du ministère du Commerce attestent l'existence d'une légère hausse des prix. « Nous avons constaté aussi une légère augmentation des prix sur le marché. Mais c'est une hausse supportable en comparaison avec les crises connues par l'Algérie par le passé », a souligné Boukaïs Mohammed, sous-directeur de suivi des approvisionnements du marché au ministère. Selon notre interlocuteur, en se référant aux rapports mensuels établis par le services du ministère du Commerce, le marché s'est installé, durant ces trois dernières années, dans la stabilité relative. « Les plans de développement de l'agriculture (PNDA et FNDRA) ont pu booster la production nationale. Le marché est suffisamment approvisionné », a-t-il attesté. « Durant le mois de février, nous avons remarqué une augmentation des prix des certains légumes : la pomme de terre a augmenté de 14%, la salade de 16% et l'oignon de 8%. En revanche, nous avons constaté une baisse des prix de la tomate (-50%) et de la courgette (-30%) », a-t-il indiqué. Les fruits, selon M. Boukaïs, ont aussi augmenté, notamment les oranges (8%) et les mandarines (25%). Le responsable du ministère explique cette augmentation par deux facteurs, en l'occurrence les intempéries compliquant l'opération de la cueillette, la fin de saison pour certains produits. Cependant, l'orateur reconnaît l'existence de la spéculation sur le marché. « Il y a toujours des amateurs de la spéculation », a-t-il expliqué.