Le ministre de l'Intérieur a accouché au forceps d'une nouvelle circulaire sur les critères de régularisation des sans-papiers, qui est entrée en vigueur hier. Les associations d'aide aux étrangers sont sceptiques, la droite crie à «l'immigrationnisme». Paris De notre correspondant Pour le milieu associatif, c'était le curseur politique pour François Hollande. Après le recul sur le vote des étrangers aux élections locales, la circulaire sur la régularisation des sans-papiers était très attendue. Résultat : peut mieux faire, pour France Terre d'Asile. Manuel Valls n'a jamais caché sa volonté d'éviter une régularisation massive : «Il n'y aura pas de grand soir». Oubliées les régularisations de 1981 (131 000 étrangers régularisés) et 1997 (80 000), le ministre ne tient pas à se démarquer trop de la ligne de son prédécesseur et ne pas dépasser les 30 régularisations annuelles. Annoncée pour septembre, la circulaire a traîné à mesure que les réunions avec associations et partenaires sociaux se multipliaient. Le texte a ensuite fait l'objet de consultations avec Matignon et l'Elysée, très attentifs à son contenu. Cette circulaire assouplit surtout les critères de régularisation pour les familles et pour les célibataires ayant un emploi. Les parents d'enfants scolarisés depuis plus de trois ans et installés depuis au moins cinq ans en France seront éligibles à une régularisation. Les étrangers présents en France depuis plus de cinq ans pouvant démontrer avoir travaillé au moins huit mois durant les 24 derniers mois, et faire valoir une promesse d'embauche ou un contrat de travail seront aussi considérés. Pas de grand soir En 2006, alors qu'il était ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy avait ouvert la régularisation aux parents présents depuis deux ans avec un enfant scolarisé pendant un an. Face à l'afflux des demandes (33 000), il avait fermé le dispositif après 7000 régularisations. Mais les associations militaient pour en revenir à ces règles. Le gouvernement a préféré rester à trois ans, expliquant que son texte n'a pas de durée limitée dans le temps, contrairement à celui de M. Sarkozy. «Il y a peut-être des gens qui ne remplissent pas les conditions aujourd'hui, mais qui les auront dans un an. Cela donne de la visibilité. Mais si on demande seulement deux ans de scolarisation, on arrive sur des stocks extrêmement importants et on ne veut pas envoyer ce signal», rétorque le cabinet de Manuel Valls. Pour les jeunes de 18 ans, la nouvelle circulaire prévoit de leur donner un titre de séjour s'ils peuvent prouver deux ans de scolarisation «assidue et sérieuse» en France. Une première mouture du texte avait fait état d'un critère de trois ans. Les nouveaux critères reviennent «à considérablement limiter le champ de la régularisation et risquent d'entraîner une critique particulièrement vive, sans nul doute au sein même du parti socialiste», prévient le directeur général de France Terre d'Asile (FTA), Pierre Henry. Un dossier semble plus consensuel : celui des salariés, même s'il laisse en friche la question du travail au noir. La circulaire articule des conditions de présence en France (3 à 7 ans), d'ancienneté dans le travail (de 8 à 30 mois) et de travail effectif (contrat de travail pour promesse d'embauche). Les règles actuelles - appliquées très inégalement selon les préfectures - imposent cinq ans de présence et au moins douze mois chez le même employeur. Le ministère de l'Intérieur se dit être prêt à une ruée dans les préfectures et que des renforts sont prévus pour gérer la situation dans les prochaines semaines. Par ailleurs, il annonce un débat au Parlement, début 2013, sur l'immigration économique. Un projet de loi est aussi prévu sur les titres de séjour pour le deuxième trimestre 2013.