L'intervention radiotélévisée de Jacques Chirac, vendredi dernier, a créé plus de confusion qu'elle n'en a dissipé. Certes, il a promulgué la loi sur le Contrat première embauche (CPE), mais il a, en même temps, demandé au Parlement de modifier les deux points contestés du texte. Le président français a ainsi souhaité voir la période d'essai ramenée de deux à un an et les motivations de licenciement clairement expliquées aux jeunes. Mais en voulant jouer au parfait équilibriste, Jacques Chirac a récolté, une fois de plus, le courroux de l'opposition, des syndicats et des étudiants. Ces derniers ont envahi, peu après son discours, les rues adjacentes au palais de l'Elysée pour « exprimer leur mécontentement et afficher leur détermination à lutter jusqu'au retrait final de la loi ». D'autres manifestations sauvages ont éclaté, hier dans la soirée, dans plusieurs villes de France, comme Lille, Rennes ou Bordeaux. Celles-ci n'ont pas échappé aux habituels actes de casses et de pillages. Les services d'ordre avaient arrêté et placé en garde à vue plus de 100 personnes. Sur le terrain, la nouvelle semaine s'annonce houleuse et riche en événements. Alors que Dominique de Villepin s'apprête à réunir lundi à Matignon son gouvernement en « vue d'étudier la nouvelle donne créée par la décision de Jacques Chirac », les centrales syndicales et les associations d'étudiants continuent de fustiger les propositions du chef de l'Etat. Elles préparent activement la journée de grève prévue pour mardi prochain dans toute la France. D'ores et déjà, plusieurs syndicats du secteur privé et public ont déposé des arrêts de travail pour le même jour. Pour Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, le président « n'a apporté aucune réponse à la crise. Son intervention s'est résumée à un calage de sa position sur celle défendue par le gouvernement depuis deux mois ». Le syndicaliste a donc jugé que « les raisons pour continuer la mobilisation demeurent d'actualité ». C'est la même analyse que se fait Jean Louis Walter, SG de la confédération générale des cadres CGC. Il estime que la proposition de Jacques Chirac est digne d'une république bananière et que sa démarche est incompréhensible. « D'un côté, il dit que la loi est appliquée et de l'autre il veut une nouvelle loi pour modifier celle qu'on vient de faire ». Déçus par le discours du président et par ses propositions de sortie de crise, les représentants des associations d'étudiants se sont retrouvés hier à Lille pour discuter de la manière de réagir face à l'entêtement du gouvernement et des stratégies futures à donner au mouvement de protestation. Hier, Bruno Julliard, président de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF) a répété que « le président de la République a juste énuméré les arguments que nous entendons depuis deux semaines. Il nous propose de négocier le CPE. Je ne sais pas s'il a des problèmes d'audition, mais cela fait deux mois qu'on lui répète qu'on ne veut pas discuter ». Fait nouveau. Les syndicats français bénéficieront du renfort symbolique de leurs homologues européens, avec la présence notamment des représentants de la Confédération européenne des syndicats (CES) qui regroupe 79 organisations, affiliées à 35 pays d'Europe et de 11 fédérations syndicales du même continent. Côté gouvernement, le temps est au resserrage des coudes. Les députés de la majorité veulent amender au plus vite les deux textes contestés et passer ensuite à la phase d'application du CPE. Alors que Nicolas Sarkozy, numéro deux du gouvernement Villepin et Laurence Parisot, présidente des patrons français (Medef) avaient salué « la sage décision » de Jacques Chirac, la gauche continue de réclamer le retrait du CPE. Elle trouve qu'au lieu d'aller vers l'apaisement, le chef de l'Etat a compliqué davantage la situation.