Non, ce n'est malheureusement pas une blague. Ce même Me Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme, qui a déclaré avant-hier que l'indépendance de la justice était «absente» en Algérie, est aussi l'avocat de Saâd Garboussi, le puissant président de la Chambre de commerce de Tébessa, accusé d'avoir kidnappé et torturé notre défunt collègue Abdelhaï Beliardouh. Me Ksentini dépasse ses propres déclarations. Il est partie prenante dans une affaire qui a mené au suicide notre collègue Beliardouh et devrait nous éclairer, en tant que défenseur officiel des droits de l'homme chargé du dossier auprès de la présidence de la République, sur le déroulement d'un procès marqué par la subordination des témoins, la disparition de preuves, l'absence de témoins à charge, l'amnésie bizarre qui a frappé certains témoins, l'absence d'enquête de la part de l'Inspection générale quant aux multiples entorses aux procédures, le refus de la Cour suprême de traiter l'affaire ailleurs qu'à Tébessa vu l'influence de l'accusé principal, le fait que le juge Abdallah Gouaïdia n'a pas jugé utile de convoquer de force les témoins récalcitrants… Le président de cette instance officielle, rattachée à la Présidence, devrait aussi expliquer à l'opinion nationale par quelle magie noire, dix ans de prison contre les agresseurs de Beliardouh se muent en acquittement pur et simple ! Expliquer comment en Algérie un président d'une Chambre de commerce kidnappe un journaliste, le torture, le promène dans la rue comme un trophée et le pousse carrément au suicide, laissant derrière lui veuve et orphelins ! Où vivons-nous ? Dans un pays où on a dû évacuer Beliardouh de nuit de l'hôpital de Tébessa, sachant les risques qu'il encourait jusque dans son lit d'hôpital, avant son décès à Mustapha Pacha dans la nuit du 19 au 20 novembre 2002. Dans un pays où la puissance de la mafia fait plier le justice et l'Etat, de l'aveu même de l'ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia. C'est une honte que porteront à jamais ce régime et ses sbires.