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Privatisation d'entreprises publiques
Quel avenir pour les sociétés des salariés ?
Publié dans El Watan le 03 - 04 - 2006

Dans le cadre des processus des privatisations, souvent est évoquée la cession d'actifs au profit des salariés. Un processus qui donne naissance à des sociétés de salariés (SDS) dont certaines prospèrent au moment où d'autres mettent la clé sous le paillasson.
Pour les partisans de cette option, l'actionnariat salarié est un moyen de concilier le capital et le travail, au moment où les plus libéraux ne voient que braderie et perte de temps. En France, c'est le président Chirac même qui avait plaidé « des mesures fortes de développement de l'actionnariat salarié » dont l'arrière pensée étant de préserver les emplois afin de faire contrepoids aux investisseurs étrangers. En Europe, comme dans beaucoup de pays développés, l'actionnariat salarié a connu un développement très fort à la fin des années 90 et au début des années 2000, avant d'être freiné par la crise boursière. Mais il y a depuis un regain d'intérêt pour cette option qui, selon ses promoteurs, « joue un rôle fédérateur autour de la stratégie de l'entreprise en associant les salariés à la performance collective, et en renforçant la culture de résultats et en développant leur éducation financière et boursière ». Pour les partisans de l'actionnariat salarié, il s'agit de développer un état d'esprit d'entrepreneur individuel, motivé par sa double contribution salariale et d'investisseur. Les droits et les devoirs de l'entreprise, vis-à-vis de ses actionnaires, sont ainsi mieux compris. Le salarié sent disposer d'une vraie part de la valeur créée par l'entreprise (dividendes, intéressement, plus value des actions, stock options...). C'est le moyen de concilier l'intérêt des salariés et celui de l'entreprise moderne confrontée à la compétition mondiale. D'autre part, beaucoup de salariés initiés à la gestion patrimoniale découvrent le monde des actions, de la Bourse et de la gestion de patrimoine. Dans certains pays, et afin de mieux mesurer les performances d'entreprises dotées d'un actionnariat salarié significatif, il a été créé l'Indice de l'actionnariat salarié (Indice IAS).
Actionnariat salarié : entre braderie et patriotisme économique
En Algérie, le débat ne fait que commencer. L'Association générale des entrepreneurs algériens (AGEA), par le biais de son secrétaire général Belkacem Meziane, considère que « céder gracieusement pour service rendu les entreprises économiques à des salariés (...) relève malheureusement de la science-fiction, voire de la politique aventurière ». Pour cette organisation patronale, « le choix de l'équipe de travail dans l'entreprise moderne nécessite de la rigueur et de la compétence au lieu de la solidarité et du social ». Mais pour le président de l'Association nationale des sociétés de salariés (ANSS), ces sociétés en dépit des bénéfices qu'elles font n'ont pas encore d'existence légale. Des premières opérations à ce jour, la cession des actifs au profit des salariés des EPL non autonomes dissoutes et des EPL autonomes dissoutes, confiée à l'époque aux holdings régionaux, a été régie par l'article 92 de la loi de finances de 1998, qui autorise la cession de gré à gré des actifs des entreprises publiques dissoutes, au profit des salariés, et par l'instruction n°2 du 15.09.1997 du chef du gouvernement pour les entreprises non autonomes, ainsi que l'instruction n°3 du 02.05.1998 pour les entreprises publiques autonomes. Ces instructions définissent les opérations préalables ainsi que les modalités et les conditions relatives à la cession. Selon le bilan du gouvernement, à la mi-décembre 1998, 486 entreprises ont étés cédées dont 61 relevaient de l'industrie. L'effectif des entreprises cédées était de 84 990 pour 20 052 repreneurs, soit de 23,6% de l'effectif des entreprises cédées. Dans le secteur industriel, le taux de reprise était de 42,5%. Au total, ce sont quelque 1129 sociétés de salariés dont 156 du secteur industriel qui ont été créées. Faisant le bilan dernièrement des privatisation, le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia avait indiqué qu'entre 2003 et 2005, 81 entreprises ont été reprises par des collectifs de salariés. Et à en croire le président de l'Association des sociétés de salariés (ANSS), Tahar Aggoun, le total des sociétés de salariés (SDS) créées depuis 1997 à ce jour s'élève à 1800 entreprises pour un effectif de 27000 repreneurs. Cependant, le taux de réussite, selon le président de l'ANSS, n'excède guère les 12%. Et pas moins de 80% de celles qui réussissent, ajoute-t-il, exercent dans le secteur du BTPH.
EFMC et ECORES : entreprises de salariés modèles
Créée en 2001, l'ANSS multiplie les démarches pour venir au secours des SDS qui pataugent, selon M. Aggoun, dans d'inextricables problèmes. La forme d'organisation étant simple : une assemblée générale des actionnaires salariés désigne un conseil d'administration, lequel à son tour désigne un PDG. Notre interlocuteur citera deux cas types de réussite des SDS. L'EFMC de Touggourt et l'ECORES de Skikda. L'Entreprise de fabrication des matériaux de construction (EFMC) est une Spa créée 1998 à Touggourt. Selon le PDG de l'entreprise, Benjeriou Lazhar, l'EFMC reprise par une centaine de travailleurs actionnaires emploie actuellement 500 personnes. « Nous avons recruté 400 personnes et multiplié le chiffre d'affaires par 4 pour le porter à 800 millions de dinars », a-t-il lancé. Et d'ajouter : « Nous avons contacté des partenaires canadiens et italiens dans le cadre de notre développement, et nous sommes en discussions avec des Tunisiens. » « Nous allons diversifier notre activité et nous nous développons actuellement dans le commerce automobile et matériaux de construction, comme nous sommes aussi dans la promotion immobilière », a-t-il indiqué, tout en tenant à préciser : « Mais notre cheval de bataille reste la construction dans les champs pétroliers. » Le PDG de l'EFMC indique son entreprise est partie prenante des 1 million de logements lancés avec un chantier de 500 logements en construction dans la région. « Nous avons développé des procédés de construction très rapides avec nos partenaires. Des procédés pouvant aller jusqu'à 10 logements par jour », a-t-il affirmé. Loin de magnifier cependant l'entreprise, Benjeriou Lazhar avoue que « la vie dans une SDS passe par des hauts et des bas ». « Il y a des conflits sociaux entre actionnaires, dus essentiellement au manque de formation et de culture d'entreprise », a-t-il assené. Autre cas de SDS ayant pignon sur rue, selon le président de l'ANSS, l'entreprise de construction et de réalisation ECORES exerçant dans la zone de dépôt de Skikda. Cette Sarl a vu le démarrage de son activité en 1999 lorsqu'elle fût créée par 13 travailleurs-repreneurs. Selon son PDG, Houiene Abdelmalek, l'entreprise est passée d'une vingtaine de travailleurs au démarrage à 112 salariés aujourd'hui. Quant au chiffre d'affaires de l'entreprise, il a été multiplié par 7 en le portant à 70 millions de dinars, selon les dires de M. Houiene. Cependant, le PDG d'ECORES a tenu à mettre l'accent sur les problèmes que rencontrent généralement toutes les SDS. « Il y a absence de cadre juridique, ce qui créée la confusion entre le salarié et l'associé qu'il est », dit-il, en ajoutant : « Quand il y a conflit, l'Inspection du travail n'arrive pas à faire la part entre l'associé et le travailleur. » Et à notre interlocuteur de plaider pour la promulgation de textes à même de régulariser la situation de ces sociétés de salariés. « Nous fonctionnons avec un récépissé depuis la naissance de notre entreprise. Et depuis février dernier, nous exerçons dans l'illégalité et la clandestinité, faute d'un registre de commerce », s'est-il exclamé.


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