Le marché électoral, bien formel celui-là, qui a dominé la vie politique et locale de ces derniers jours avec les tractations entre élus partisans et indépendants pour l'élection des présidents des APC et APW a dévoyé le sens et la portée du vote populaire par le jeu d'alliances sordides et parfois contre nature. Le blocage des assemblées locales a pu être évité puisque l'opération s'est achevée dans les délais fixés par la loi ; les tractations au niveau des dernières poches de résistance – une centaine de communes – ont connu leur épilogue quelques heures avant l'expiration du délai légal. Faut-il pour autant ne retenir du scrutin que ce formalisme juridique à l'aune duquel les pouvoirs publics semblent évaluer la «réussite» du processus électoral ? Quand on sait comment, au départ déjà, ces assemblées ont été élues avec des candidats tout-venant, des partis à l'état fœtal qui se sont lancés dans la course électorale avec la certitude qu'ils seront présents à l'arrivée – ce qui fut fait – quand on a vu, également, avec quelle légèreté les voix des électeurs ont fait l'objet d'un abject marchandage pour la constitution des majorités et le partage des postes, l'on ne peut qu'être circonspect et sceptique sur la suite des événements. Bâties sur des alliances souvent d'intérêt et non de conviction pour servir la collectivité, fragilisées à la naissance, dépouillées de toute légitimité pour avoir bradé et trahi les suffrages des électeurs au nom d'intérêts personnels et partisans en entrant dans des alliances motivées par le partage des postes et de la rente, ces nouvelles assemblées souffrent, dès l'entame de leur mandat, d'un lourd handicap. Celui d'un manque de cohérence et de cohésion dans les programmes des coalitions qui ont émergé à l'issue des tractations. La majorité factice, préfabriquée, réalisée en kit peut, à l'épreuve du terrain, voler en éclats et dévorer ses concepteurs, à l'image du monstre de Dracula. Avec à la clé le blocage des assemblées locales. On avait déjà vécu cette situation avec les précédentes APC et APW. Bon nombre d'entre elles ont passé le plus clair de leur mandat à chercher comment retirer la confiance au maire et au président de l'APW en poste, plongeant la gestion locale dans des crises sans fin. Le réveil risque, cette fois-ci, d'être plus brutal et plus dommageable encore pour les collectivités locales. Car s'il n'était déjà pas facile de gérer une assemblée dirigée par une coalition restreinte composée de formations politiques censées partager les mêmes affinités politiques, idéologiques, voire les mêmes ambitions de pouvoir, l'élargissement des nouvelles coalitions, la différenciation de leurs programmes – qui relèvent dans certains cas du mariage de la carpe et du lièvre – sont autant de facteurs qui ne plaident pas pour une gestion sereine de nos assemblées locales. Ne pouvait-on donc pas éviter cette nouvelle expérience de la démocratie locale à l'algérienne, qui donne déjà un avant-goût des compromis et des tiraillements au quotidien auxquels seront fatalement confrontées les nouvelles majorités pour maintenir le consensus en leur sein et avec l'opposition ? Pour n'avoir pas associé les forces vives au débat sur l'amendement des codes communal et de wilaya, le pouvoir, qui n'a pas ou ne veut pas tirer les leçons du passé, devra endosser seul l'entière responsabilité des conséquences qui pourraient résulter de ce saut dans l'inconnu.