Les documents des procès-verbaux des principaux témoins de l'affaire Beliardouh donnent une idée sur le calvaire qu'a subi le correspondant d'El Watan, Abdelhaï Beliardouh, dans la journée du 20 juillet 2002. Les injures, les coups, les gifles, les humiliations qu'il a subis de la part de Saâd Garboussi et ses acolytes l'ont mené au suicide. Dans des documents contenant les procès-verbaux des principaux témoins de l'affaire Beliardouh, dont El Watan détient des copies, il apparaît que Abdelhaï Beliardouh a été traîné de force puis engouffré à l'arrière d'une voiture dans laquelle Saâd Garboussi, président de la Chambre de commerce de Tébessa, est monté sur le siège avant. La Daewoo verte a pris la direction du centre commercial où se trouvait le bureau personnel de Saâd Garboussi dans lequel deux personnes l'y attendaient, dont l'un de nationalité tunisiene que Beliardouh connaissait. Le correspondant d'El Watan a subi un interrogatoire musclé, pour le pousser à dévoiler ses sources à propos d'informations révélées dans l'un de ses articles. Durant cet interrogatoire, il fera l'objet d'une agression corporelle dont il n'a jamais voulu en dévoiler le contenu. A l'issue de cette séance, Beliardouh est monté dans la Mercedes que Garboussi conduisait en le menant vers les principaux points de la ville, le promenant dans la ville comme un trophée. Il fut soumis à un deuxième puis un troisième interrogatoires menés par Rezkallah El Hadi, ancien policier. Vers 21h, Beliardouh a été conduit à son domicile. Garboussi et ses acolytes lui auraient dit que s'il venait à relater ces faits, il serait confronté à de lourdes sanctions. Il convient de signaler, qu'à travers ces dépositions, il apparaît que Garboussi avait menti à de nombreuses reprises. Il soutenait, par exemple, qu'il était venu en Mercedes seul chercher Beliardouh pour lui demander de l'aide afin de faire paraître un droit de réponse suite à son article. Mais il était incapable de confirmer cet argument tant la plupart des témoins à décharge soutenaient devant le juge d'instruction qu'il se préoccupait uniquement de connaître la source des informations selon lesquelles il aurait été lié à des activités terroristes ainsi qu'à des opérations de blanchiment d'argent. El Watan publie ici, in extenso, les procès-verbaux des principaux témoins. ◗ Khmaïssia Aboud, gérant du kiosque «Le samedi 20 juillet 2002, alors que j'étais dans le kiosque, deux personnes sont arrivées pour me demander où se trouvait Beliardouh. Devant mon ignorance, l'une d'entre elles m'a remis le numéro de téléphone de Garboussi afin de le communiquer à Beliardouh. Une heure plus tard, Beliardouh est arrivé accompagné d'un certain Fawzi Amrani. Je lui ai remis le numéro de téléphone en question. Au moment où Beliardouh tentait de joindre Garboussi au téléphone, ce dernier est entré dans le kiosque accompagné d'une autre personne. Après nous avoir salués, il a pris Beliardouh et l'a attiré vers l'extérieur en lui disant : «Toi, j'ai besoin de toi.» Arrivé au seuil de la porte du kiosque, je l'ai entendu dire à Beliardouh : «Pourquoi tu écris à propos de mon…» ? Il est à signaler que ce témoin a fait l'objet d'un mandat d'amener par le juge d'instruction à l'issue duquel il a été auditionné le 22 octobre 2002, où il confirma les faits.» ◗ Slimani Yacine, ingénieur d'Etat «Le samedi 20 juillet 2002, vers 17h30, alors que j'étais dans un salon de thé, j'ai entendu du bruit à l'extérieur. A ma sortie du salon, j'ai vu Azza alias Beliardouh assis sur le trottoir. Garboussi le tenait par la chemise, en lui disant : «Puisque tu me cherches, tu viendras avec moi !» Il a soulevé Beliardouh de force et l'a traîné vers une voiture de marque Daewoo, de couleur verte, stationnée devant l'ancien hôpital. Ce jour-là, vers 20h, alors que j'étais à bord de la voiture de mon ami, Jouini Tarek, j'ai vu Garboussi conduire sa Mercedes avec, à ses côtés, Beliardouh et un certain Rezkallah Abdellah.» ◗ Adel Sayad, journaliste «Le samedi 20 juillet 2002, vers 17h30, alors que j'étais assis près de la fenêtre d'un salon de thé, non loin du café Essaâda au centre-ville, mon attention a été attirée par une foule de curieux qui regardaient en direction de l'avenue donnant sur la porte du salon. Je me suis alors levé et j'ai vu Saâd Garboussi tenir avec violence le journaliste Abdelhaï Beliardouh par le col de sa chemise. Il le traînait vers le boulevard du 1er Novembre, en direction de l'ancien hôpital, où une voiture Daewoo, de couleur verte, était stationnée. J'ai remarqué que Beliardouh était placé sur la banquette arrière de la voiture en compagnie de personnes que je ne connaissais pas. Garboussi avait pris la même voiture. Une heure plus tard, j'ai vu Beliardouh descendre d'une Mercedes se dirigeant vers son domicile. Il n'y resta pas longtemps, à peine 10 minutes, puis il est revenu vers le même véhicule. Je signale que lors du retour de Beliardouh, je l'ai appelé du balcon. En vain.» Lors de son audition, le juge d'instruction en date du 28 juillet 2007, dont le PV a fait l'objet d'une distraction, Adel Siad, qui occupait la fonction de directeur de la radio locale, a confirmé les faits de violence perpétrés lors de l'enlèvement de Beliardouh et donne les précisions suivantes : «Beliardouh est revenu à bord d'une Mercedes grise de laquelle il est descendu pour aller directement à son domicile. Après une quinzaine de minutes, il est revenu vers la même voiture. Il devait être 20h ou 20h30. A son retour, il semblait très affaibli psychologiquement. Dès le lendemain, je me suis rendu à son domicile en compagnie de Djamel Eddine Heriz. Nous l'avons trouvé dans un très mauvais état psychologique. Il ne parvenait pas à parler des faits qu'il a subis de la part de Garboussi.» Compte tenu de la disparition du procès-verbal cité plus haut, ce témoin a confirmé avec constance ces déclarations aussi bien devant la police judiciaire que devant le juge d'instruction. ◗ Hadfi Abdelkader, employé «En date du 20 juillet 2002, vers 17h30, j'étais au kiosque en compagnie du nommé Khmaïssia Aboud ainsi que trois autres personnes. Beliardouh était avec nous, en train d'essayer de joindre Garboussi par téléphone. A ce moment-là, Garboussi est entré, nous a salués puis s'est dirigé vers Beliardouh et l'a giflé. Il l'a agrippé par le cou et traîné vers la voiture, où il lui a donné une seconde gifle. Lorsque je les ai rejoints, pour voir ce qui se passait, Garboussi s'est tourné vers moi en me jetant un chapelet d'insultes, en lançant : ‘'Si quelqu'un bouge, je le frapperai avec mon…'' A ce moment-là, je suis resté devant la porte, j'ai vu Garboussi, accompagné d'une autre personne ayant des taches sur les mains, traîner Beliardouh vers une Daewoo verte stationnée devant la porte de l'ancien hôpital. Beliardouh a été engouffré de force à l'arrière de la voiture.» ◗ Younès Chergui, entrepreneur «Le 20 juillet 2002 vers 17h30, j'étais devant le café Essaâda et j'ai vu quelqu'un qui traînait Beliardouh par le cou, en lui demandant de l'accompagner. Ce dernier tentait de se dégager de la poigne de cette personne qui n'était autre que Sâad Garboussi. En arrivant près de la voiture, une Daewoo verte, garée devant l'ancien hôpital, Garboussi a tordu le bras de Beliardouh et l'a engouffré de force dans la voiture.» Dans son audition devant le juge d'instruction, Younès Chergui a maintenu ses déclarations en précisant que Garboussi est monté, lui aussi, à bord de la Daewoo.