Les pieds-noirs militants de l'indépendance de l'Algérie seraient-ils des oubliés de l'histoire ? l Des hommes et des femmes aux engagements plus ou moins importants, au parcours qu'on connaît peu. Paris. De notre correspondante Des hommes modestes, pudiques et dignes, au vécu que raconte avec finesse et sobriété, Nathalie Funès, journaliste au Nouvel Observateur, dans un livre bien documenté Le camp de Lodi. Algérie, 1954-1962 (éditions Stock, 2012). Nathalie Funès a consulté des archives jamais publiées et recueilli des témoignages inédits d'anciens prisonniers pour raconter l'histoire oubliée des pieds-noirs indépendantistes (Lire El Watan du 19 mars 2012). Ils étaient médecins, architectes, cheminots, gaziers, électriciens, résistants de la Seconde Guerre mondiale, anciens internés de Dachau Parmi eux il y avait Georges Hadjadj, dernier voisin de Maurice Audin, Albert Smadja, l'avocat de Fernand Iveton, seul Français guillotiné pour avoir tenté de faire sauter une bombe, mais aussi Henri Alleg, l'ancien directeur d'Alger républicain, qui a levé le voile, en 1958, avec la Question, un témoignage très vite censuré, sur la torture. Au Lodi, il y avait des juifs berbères ou des descendants de juifs arrivés d'Espagne au XVe siècle, des Espagnols, des Maltais, des Français de souche. Sur la douzaine de centres d'internement érigés en Algérie par l'administration coloniale après l'instauration de l'état d'urgence en 1955, un centre accueillait des pieds-noirs : le camp de Lodi. La plupart étaient des communistes. Le camp de Lodi est un ancien centre de colonies de vacances des cheminots (dans la région de Médéa), où ont croupi pendant plusieurs années des Européens (150 en moyenne pendant toute la durée d'existence du camp, de 1955 à 1960), comme on les appelait alors. «Enfermés de façon arbitraire pendant des années, sans inculpation, sans procès, sans jugement, sans aucun moyen de défense, sur simple arrêté préfectoral, parfois signé par un sous-fifre», relève l'auteure. Nathalie Funès nous fait remarquer que «la parole pied-noir a été monopolisée par les ultras et leurs associations qui ne sont pas les plus représentatives de cette communauté, mais qui ont pris la parole au nom de cette communauté et du coup ont conforté cette idée que tous les pieds-noirs étaient pour l'Algérie française. Il y avait pourtant une minorité non négligeable de Français d'Algérie qui ont pris le parti de l'indépendance à différents stades jusqu'à prendre les armes et, pour certains, mourir pour leur engagement» (El Watan du 19 mars 2012). Comme Pierre Ghenassia, Maurice Laban, Raymonde Peschard, Roland Siméon, Georges Cornillon, Georges Raffini, morts au maquis. Et de nous dire aussi que «les pieds-noirs ne sont pas un bloc monolithique et l'histoire est plus nuancée qu'on ne le pense». *Nathalie Funès est aussi l'auteure de Mon oncle d'Algérie (éditions Stock, 2010)