Ces derniers, des jeunes et des moins jeunes, criaient : « Euros, tounsia, libya, el khadra (le billet vert, dollar américain...) ». Nous nous sommes rapprochés du plus vieux des cambistes pour nous renseigner sur le prix du dinar tunisien. « 50 ! », dira-t-il tout court. Cela veut dire que les 100 DT font 5500 DA ; il y a deux mois, ils valaient presque 7000. En effet, cette chute libre de 1500 DA est conséquente à celle de l'euro, qui a connu une régression, due aux nouvelles mesures qui sont en vigueur, l'interdiction de l'importation des vieux véhicules, le versement du cautionnement à la banque pour les importateurs. L'on nous dit que « cette régression a atténué la contrebande, qui se fait remplacer par le troc ». Un expert financier dira à ce propos que « pour endiguer ce marché noir qui engendre la contrebande, il faut la promulgation de l'instruction n°8/96 du mois de décembre 1996, portant autorisation d'ouverture de bureaux de change, une mesure prise par la banque d'Algérie et qui n'est pas encore en vigueur ».Dans les années 1980, avec la crise économique, à Tébessa, le cheptel faisait les frais de la contrebande. Dans la région de Bir El Ater, des ovins étaient transportés à bord de pick-up Mazda (appelés Mig, parce que roulant à tombeau ouvert), ou un autre véhicule du même genre. Le troc se pratiquait facilement. Les Algériens faisaient sortir le cheptel et en contrepartie, les Tunisiens leur fourguaient de la friperie, des grains de tournesol, de la confiserie et autres produits de consommation. En pleine crise économique et sécuritaire dans les années 1990, l'éventail des produits acheminés en Algérie s'est considérablement élargi, si bien que l'on y a enregistré même des voitures volées (sans documents), qui pénétraient sans problème en Algérie. Un bilan florissant est rendu public sur les saisies douanières pour l'année 2005. On compte 141 voitures saisies, dont la valeur est estimée à 160 647 577 DA. Concernant les effets vestimentaires, le montant des saisies s'élève à 114 010 105 DA. Une quantité de produits alimentaires de l'ordre de 124 945 kg, soit une valeur de 17 894 343 DA. La saisie du cheptel, notamment les ovins, a concerné 300 têtes, soit une somme de 145 210 DA. Et la liste est longue. La sarabande des bidons de gasoil A l'entrée de la ville de Bir El Ater, à 89 km au sud du chef-lieu, une file interminable de véhicules de tous genres s'approvisionne en carburant. Un pompiste impute cette file au « retard du train », mais un chauffeur nous a affirmé que « ce problème de file interminable est due au trafic de carburant qui se fait nuitamment ». Il s'agit de la contrebande du carburant, notamment le gasoil (le mazout) ; la nuit, des voitures munies d'un double réservoir tout plein de gasoil roulent à vive allure. A Oglat Ahmed et à El Mazara, on déverse le mazout dans des jerricans qui seront transportés sur des ânes par les « harragas » algériens à leurs « homologues » tunisiens. En échange du mazout, les Algériens ramènent des pâtes, du concentré de tomates et autres produits alimentaires. Durant l'année 2005, 22 000 l de mazout ont été saisis par les services des douanes. Donc, le large éventail de produits tunisiens d'il y a quelques années, s'est réduit comme une peau de chagrin. En revanche, les Tunisiens, surtout ceux qui habitent les zones frontalières, fréquentent nos marchés et souks pour se procurer certains produits, des ustensiles de cuisine en aluminium et des effets vestimentaires, mais ils s'arrachent aussi les produits électroménagers, les démos, les téléviseurs, les téléphones portables et autres pièces de rechange, ainsi que les produits cosmétiques. Rencontrés à Tébessa, où ils font du shopping, des Tunisiens nous ont dit : « Nous sommes arrivés hier à Tébessa, il y a des produits moins chers qu'en Tunisie, les vêtements, les produits cosmétiques, l'électroménager... » L'un d'entre eux, un jeune homme, a ajouté qu'il irait à Sétif pour acheter des CD et du matériel informatique, qui coûtent en Tunisie, les yeux de la tête !