Vocation n Le manque de loisirs, conjugué au chômage qui sévit encore dans cette région du pays, a fait que le métier de «cambistes» a suscité des vocations. De nombreux jeunes de la commune frontalière de Souarakh, dans la wilaya d'El-Tarf, se sont improvisés «cambistes» et ont investi, cet été, un créneau visiblement porteur si l'on se réfère à leur mine réjouie en fin de journée. Leur coin de prédilection est la station-service du village d'Oum Teboul, à quelques encablures de la frontière algéro-tunisienne, où ils offrent, à longueur de journée, leurs services aux voyageurs se rendant en Tunisie par la route. Euros, dollars, dinars tunisiens ou algériens sont exhibés par liasses épaisses par ces jeunes gens qui se montrent particulièrement «incollables» sur tout ce qui a trait aux taux de change pratiqués partout ailleurs dans le pays. Coté en moyenne à soixante-dix dinars algériens, le dinar tunisien demeure, de loin, la devise la plus demandée par les voyageurs qui se rendent de l'autre côté de la frontière. Un jeune rouquin de 18 ans à peine, annonce cérémonieusement que le change effectué ici en dinars algériens «évite d'échanger des devises fortes en Tunisie même, et tout le monde gagne au change !». L'on ne se soucie guère du caractère illicite de cette activité, et encore moins de ses effets pervers sur l'économie nationale. Le jeune revient à la charge pour assurer, le plus sérieusement du monde, que si ce métier a fait des émules du côté d'Oum Teboul, il ne procède d'aucune activité «mafieuse». «Nous ne sommes à la solde de personne, car ce sont nos économies et notre débrouillardise qui nous permettent de nous frayer un chemin dans le monde hermétique et codifié des opérations de change», dit-il en assurant qu'il exprime là une opinion commune à tous ceux qui exercent ce «métier» lucratif. Aujourd'hui, les «cambistes» d'Oum Teboul sont devenus, par la force des choses, «incontournables» pour beaucoup d'automobilistes, surtout les habitués, qui les connaissent, les appellent par leur prénom et leur font subtilement signe pour un petit rendez-vous au café mitoyen de la station-service où le«troc» se fait en toute discrétion. Cela pour les sommes plus ou moins importantes. Pour les menus échanges, les opérations se font généralement au vu et au su de tout le monde... Néanmoins, il va sans dire que dans cette «jungle» des affaires juteuses, mais non moins douteuses, les personnes qui s'adonnent à ce métier savent «jongler» avec les chiffres et les mots pour convaincre les pourvoyeurs de devises, d'un côté, et les clients, de l'autre. Cette activité a même forgé des «stars» qui se sont enrichies en très peu de temps, après s'être imposées comme un passage obligé pour des citoyens désireux d'acquérir des devises pour un voyage d'agrément ou pour régler une affaire pressante de l'autre côté de la frontière.