Son parti a perdu, certes, des sièges, mais pas encore la force et la conviction de ses militants. Le grand enseignement de ce dernier scrutin,c'est surtout la déroute inexpliquée du Rassemblement national démocratique d'Ahmed Ouyahia. Donné comme un parti proche du pouvoir, il a finalement récolté un score presque insignifiant de 48 sièges, acquis presque grâce à la proportionnelle. Certains membres de l'opposition à Ouyahia affirment que le RND n'a récolté finalement que 23 sièges. Le silence dans lequel s'est muré le secrétaire général du parti, M.Ouyahia, qui préfère attendre les résultats définitifs du Conseil constitutionnel, prouve, néanmoins, que ce résultat n'était pas attendu par le leader du RND. Certains sont allés jusqu'à dire qu'il aurait eu un malaise à l'annonce des résultats et qu'il serait dans le coma. La rumeur a circulé toute la journée d'hier, jusqu'à l'apparition d'Ouyahia à l'enterrement de Messaâdia. Cette situation témoigne du sérieux malaise qui règne actuellement dans l'ex-parti majoritaire à l'Assemblée. Pour preuve, l'occupation du siège du parti à Ben Aknoun, par les principaux opposants à Ouyahia, à leur tête Aïssa Nouasri, qui sont allés jusqu'à organiser une réunion de travail pour préparer la réoccupation du parti et une conférence de presse pour aujourd'hui. Pourtant rien ne présageait un tel retournement de situation au profit du FLN. Le RND, qui avait fait une campagne électorale extraordinaire et plus particulièrement à Alger où la plupart des Algérois avaient épousé les thèses d'Ouyahia, a obtenu finalement quatre sièges au terme d'un grand challenge. Jeudi soir, déjà, la tendance était annoncée, quand un groupe acquis à la cause du FLN a voulu faire pression sur le maire d'Alger-Centre, M.Zitouni, et inverser les urnes. L'intervention rapide du sénateur Seddik Chihab et du ministre élu d'Alger Harchaoui a fait capoter la tentative, ce qui a ainsi évité un bain de sang aux militants venus en force en découdre avec les fans du FLN Bourouba. Le RND a perdu, certes, des sièges, mais pas encore la force et la conviction de ses militants. Quand on a posé la question à Ouyahia à l'occasion de son dernier meeting électoral à Baraki, s'il serait le Jospin algérien qui démissionnerait, au lendemain d'une défaite de son parti aux élections, sa réponse avait été bien diplomatique et polie, m'invitant à attendre le 31 ou encore le 1er juin pour avoir la réponse. Il est clair que cette situation indélicate profiterait aux dissidents, conduits cette fois par l'ancien député Djabir Kahlouche qui profitera de la situation d'instabilité et de doute, pour tenter de faire un «coup d'Etat scientifique» à Ouyahia pour prendre ainsi les rênes du parti. C'est d'ailleurs, l'objectif visé par ce député d'Alger injustement écarté des listes et qui a reçu plusieurs appels de soutien au lendemain de la défaite d'Ouyahia. Il décide, dès lors, d'aller en croisade contre Ouyahia et de réunir des signatures de membres du conseil national du parti et d'organiser un conseil national extraordinaire afin d'écarter définitivement son actuel leader. Le secrétaire général du RND, qui s'est borné dans une ligne politique anti-islamiste radicale, se retrouve dans une situation politique indélicate. Talonné par le mouvement El-Islah de Djaballah avec 43 sièges et un taux de voix plus élevé, le RND a même frisé la correction.Que deviendra le RND après cette déroute politique? C'est la question que se posent les militants du parti qui avaient cru dur comme fer en la compétence d'un homme aux idées crues et au langage direct. Ouyahia, qui s'est fait beaucoup d'ennemis en politique et même dans le parti, risque gros s'il venait à être définitivement lâché par le pouvoir. Sauvé par le gong dans un premier temps après un passage mouvementé au gouvernement, il se retrouve lâché par ses alliés d'hier et ce, au profit du FLN. Il a même tout espoir d'alliance avec ce parti, puisque le FLN a acquis la majorité pour faire passer toutes les lois à l'Assemblée. Même Abdelkader Bensalah, l'ex- président de l'APN, a subi les retournées foudroyantes du parti, à Oran en réussissant à passer in extremis. Tout dépend maintenant, de la nouvelle composition du gouvernement. Si Ouyahia réussit à décrocher un ministère de souveraineté (on le donnait prochain ministre des Affaires étrangères), il pourra retarder l'échéance d'une éventuelle scission ou implosion de son parti. Dans le cas contraire, le leader, au verbe ciselé, sera dans l'obligation de démissionner du parti ou d'organiser un conseil extraordinaire pour placer son successeur et passer de l'autre côté de la barrière de la scène politique et se retirer définitivement de la scène politique comme Hamrouche ou encore Sifi. Et le RND à l'opposition, c'est la meilleure chose qui lui reste à faire, surtout qu'il est le seul parti à l'Assemblée qui représente politiquement les «démocrates» et qui est foncièrement opposé au courant islamiste.