Il ne suffit pas d'avoir quelques dispositions dans le code pénal réprimant la cybercriminalité. Pour combattre ce fléau, il faut une loi rigoureuse qui prend en charge tous les aspects de la lutte. » C'est ce qu'ont affirmé, hier, Marco Guercke, professeur à l'université de Cologne en Allemagne, et expert du Conseil européen et le juge américain Christopher A Kit Thornton, spécialiste de la cybercriminalité devant un parterre de magistrats, à l'Ecole supérieure de magistrature à Alger (ESM). Invités à l'initiative de l'Association du barreau américain (ABA), les deux experts ont durant plus de deux heures expliqué la nécessité de conjuguer les efforts en matière de lutte contre la cybercriminalité, ce fléau qui s'est répandu d'une manière fulgurante ces dernières années, notamment avec le développement qu'ont connu les secteurs de la téléphonie et de la télécommunication. « Il existe des dispositions dans votre code pénal qui répriment la cybercriminalité, mais elles restent très insuffisantes. Il est indispensable d'avoir un texte de loi complet consacré uniquement à la répression de ce fléau. L'Algérie peut s'inspirer de la Convention européenne, ratifié par 42 Etats et même les Etats -Unis d'Amérique, le Canada et l'Afrique du Sud »,” a déclaré Marco Guercke. Pour lui, le faux et la contrefaçon sont des crimes dangereux, les plus répandus dans le monde. « Cette expansion a été facilitée par Internet, qui reste une arme redoutable des trafiquants. Ces derniers font ce que nous appelons techniquement le fishing. C'est-à-dire la recherche des victimes à travers les usagers d'Internet pour leur proposer des sommes très attractives au nom de banques de renommée internationale. Beaucoup de victimes tombent dans ce piège et transmettent toutes les données relatives à leur identité : numéro de compte bancaire et parfois même le code d'accès à leur boite électronique. Avec ces données, les trafiquants arrivent à transférer les fonds contenus dans les comptes de leurs victimes vers leurs comptes personnels. Ce crime est très répandu. Le seul moyen de le combattre est bien sûr la sensibilisation des usagers, mais surtout l'élaboration d'une loi qui permet aux services de police et aux magistrats d'identifier les auteurs et de les confronter avec des preuves. » L'expert a cité également le phénomène des violations des droits d'auteur (piratage des chansons, des films, des écrits...), la pédophilie et la prostitution ont connu une évolution très rapide sur Internet ces dernières années. Le conférencier a alerté quant à cette menace que font peser les hackers sur des secteurs vitaux, comme la téléphonie mobile, les aéroports, les centrales électriques, les banques et tout autre secteur dont la gestion est informatisée. Les techniques d'interception Le problème, a-t-il noté, réside dans le fait que les nouvelles technologies sont accessibles à tous et permettent, pour peu que la personne s'y intéresse, de transformer un usager d'internet en un hacker professionnel. « Si nous voulons éviter que les millions d'internautes se transforment en millions de cybercriminels, il faut agir en mettant en place des garde-fous en matière de textes législatifs mais ausi par la coopération entre les pays », a-t-il conclu. Le deuxième conférencier, M. Thornton a plutôt axé sur les techniques d'interception d'un cybercriminel qui, d'après lui, laisse toujours des traces sur le réseau Internet. « Il faut tout d'abord s'initier à cette technologie, parfaire ses connaissances sur Internet, pour pouvoir détecter des intrusions dans le système informatique, les identifier et les poursuivre. » M. Thornton a estimé que les dispositions actuelles dans le code pénal algérien ne suffisent pas pour parer au fléau. « Il n'est pas question ici de vous demander de copier une telle ou telle loi, mais plutôt de vous encourager à vous inspirer de ce qui existe déjà ailleurs pour construire un arsenal juridique à même de prendre en charge toute la question sous tous ses aspects. » Ces deux conférences ont été suivies d'un débat avec les magistrats, avant que les deux experts n'exposent leurs travaux devant le barreau d'Alger, au Théâtre national. Dimanche dernier, ce sont les élèves magistrats qui ont bénéficié de ces deux cours, destinés à renforcer leurs connaissances sur la cybercriminalité. Il y a une semaine, le ministère de la Justice a installé un groupe de travail, composé de représentants de la gendarmerie, de la police, de l'Intérieur, des Télécommunications et des affaires pénales, pour entamer la réflexion autour des textes législatifs réprimant ce fléau mondial.