Depuis sa création en 1989, le Parti des travailleurs (PT) mène une bataille implacable sur le front social en s'opposant avec rigueur aux privatisations, tout en défendant les intérêts de la classe ouvrière, de la jeunesse et de la gent féminine. Sur le volet politique, le parti de Louisa Hanoune, intronisée depuis le premier congrès de juin 1990, a annoncé la couleur en plaidant pour une assemblée constituante souveraine. Une revendication qu'il partage, presque, avec le FFS. Le PT se dit, également, contre l'exclusion politique et pour l'ouverture d'un débat national sur les questions stratégiques du pays. Lors des premières élections législatives pluralistes, en juin 1991, le PT a refusé d'y prendre part à cause de la violence qui avait opposé les militants du FIS dissous aux autorités. Le PT avait été contre l'arrêt du processus électoral et l'instauration de l'état d'urgence. L'impasse politique dans laquelle avait été plongée l'Algérie a contraint le PT de participer au contrat de Rome fin 1994 sous le motif qu'« il n'y avait eu aucune possibilité de se réunir à Alger ». Selon M. Tazibt, député PT, le parti voulait « donner le maximum de chances politiques pour que la paix revienne en Algérie ». Quel regard porte, actuellement, le PT sur la réunion de Sant'Egidio ? « C'était extrêmement positif pour l'avenir du pays. Aucun participant ne cherchait le pouvoir, mais tous voulaient la paix », analyse un fondateur du PT. La première bataille électorale menée par le PT ont été les législatives de 1997 où il avait glané 4 sièges à l'APN. Le parcours du PT a été marqué, aussi, par l'organisation, en 1998, de la conférence nationale pour la paix. Durant la crise de Kabylie, éclatée en avril 2001, le PT n'a eu de cesse d'alerter les autorités du pays sur le risque de la régionalisation et de la dislocation de la nation. « On a même entendu un député européen parler de peuple kabyle », argue M. Tazibt. Sur le plan organique, le PT a tenu, en plus d'un nombre important de conférences, cinq congrès, dont le dernier remonte au 15 octobre 2003. Devant 830 délégués venus de 44 wilayas, Mme Hanoune prédit : « Nous considérons que les ordonnances dictées par l'OMC menacent la République dans son unité et sa continuité et dans son contenu social. Elles confisquent la souveraineté de la décision et exposent les salariés algériens à l'exploitation sauvage et notre production nationale à la liquidation. » Selon les derniers chiffres, le PT compte, aujourd'hui, 21 députés, 140 élus APW, 15 élus APC et quelque 50 000 adhérents. Les responsables du PT semblent, également, acquis pour la participation aux élections législatives de 2007. « Ce sera pour nous une occasion d'exprimer nos positions et rencontrer la base », explique M. Tazibt. Première femme arabe présidentiable L'expérience de Mme Hanoune, lors de l'élection présidentielle du 8 avril 2004, constitue une première dans le monde arabe. Elle a, non seulement, réussi le cap des 75 000 signatures exigées par le Conseil constitutionnel, mais elle a brillé, également, lors de ses déplacements durant la campagne électorale. Sous le slogan « Algérie, unie, libre et souveraine avec ses deux composantes linguistiques arabe et tamazight », Mme Hanoune a focalisé, dans ses discours, sur la souveraineté et l'unité de la nation. Elle a proposé, également, une revalorisation du SNMG à 25 000 DA, l'abrogation pure et simple du code de la famille et l'officialisation de tamazight. La dame de fer algérienne a été créditée d'un score qui ne répondait guère aux efforts déployés par les militants du PT. Quelques jours après, des rumeurs circulaient à Alger selon lesquelles le PT intégrerait l'Exécutif. D'un revers de la main, Mme Hanoune, dans un entretien paru dans El Watan le 29 avril 2004, balaie tout : « Comment peut-on entrer dans un gouvernement lorsqu'on a des désaccords de fond avec sa politique et que l'on est considéré comme minoritaire vu le score que l'on nous a attribué lors de l'élection présidentielle ? » Mme Hanoune a saisi l'occasion pour rappeler le chef du gouvernement à l'ordre : « En votant pour Bouteflika, la population n'a pas voté pour la privatisation, ni pour la régionalisation, ni pour les zones franches, mais pour un changement radical allant dans le sens de son aspiration et pour le règlement définitif des problèmes, notamment le chômage et le logement. » Aucun aspect social n'échappe aux critiques acerbes de Mme Hanoune : le dossier de la Fonction publique tel qu'il a été conçu par la commission mixte « doit être retiré ». Pour elle, ce dossier « nous prend à la gorge », il est « mortel » pour les 1,5 million de fonctionnaires et consacre la « précarité » de l'emploi pour la jeunesse. Les cris d'alarme s'élèvent au rythme qu'emprunte le processus des privatisations. En septembre 2004, Mme Hanoune annonce : « Notre pays est confronté à un véritable rouleau compresseur le poussant vers l'effondrement, sinon comment explique-t-on toute cette cascade de réformes en cours de préparation. » Pressentant de nouveaux dangers, la SG du PT dira : « La loi de Chakib Khelil portant dénationalisation des hydrocarbures, bloquée, vient d'être réintroduite. Ainsi, Sonatrach disparaîtrait d'elle-même, et ce serait la mort programmée du pays. » Dès la promulgation de la loi sur les hydrocarbures par le Conseil des ministres en décembre 2005, Louisa Hanoune a, aussitôt, appelé à son retrait « immédiat ». Pour le PT, qui s'appuie sur l'exemple de l'Argentine, du Brésil, du Soudan et de la Somalie, cette loi est un prélude qui mettra fin à la souveraineté nationale. Le parti des prolétaires relève que l'application de cette loi va faire perdre à l'Etat 75% de ses recettes. Le PT s'inquiète, également, du désengagement de l'Etat, de la régionalisation de la santé et de l'enseignement supérieur par l'introduction du LMD et la dislocation nationale. « Si on poursuit cette politique, alerte Louisa Hanoune, l'Algérie plongera dans des crises similaires à celles du Zaïre et de la Côte d'Ivoire », en jugeant que « l'heure est grave ». Arguments à l'appui, elle souligne que « tous les secteurs protégés expressément par l'article 17 de la Constitution sont menacés de privatisation au profit des multinationales appelées frauduleusement » investisseurs étrangers, « sous couvert de partenariat ». Et de s'interroger : « Peut-on accepter que des pans entiers de la production nationale soient liquidés sous les orientations de l'OMC, de la Banque mondiale et du FMI ? » S'attaquant frontalement à M. Temmar, ministre de la Participation et de la Promotion des investissements, Mme Hanoune lâche : « Nous sommes en état d'alerte générale. La privatisation des entreprises publiques mènera inévitablement vers la décomposition. L'Algérie ne doit pas servir de laboratoire pour les pays étrangers. » Elle avance un constat alarmant : « 1500 entreprises publiques ont été vendues. Conséquence : 1 200 000 travailleurs licenciés. 1200 autres entreprises sont proposées à la vente, sans aucune consultation. » L'accord d'association avec l'UE « fera de l'Algérie une zone hors la loi » et va engendrer une perte de 65 000 postes d'emploi sans parler des répercussions catastrophiques sur le tissu économique national. Louisa Hanoune ne compte pas en céder les rênes, en soulignant que la mondialisation n'est pas inéluctable. C'est tout un combat. Congrès extraordinaire aujourd'hui « Le Parti des travailleurs a, dès 1991, choisi le camp de la paix », résume M. Tazibt la position du PT par rapport à la mise en œuvre de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Cependant, rétorque-t-il, la question des disparus « reste posée, notamment dans son volet vérité ». Le PT souhaite, en outre, que le peuple s'exprime pleinement à travers les médias et les institutions. Toutefois, juge-t-on au parti de Louisa Hanoune, « ce n'est pas le moment de soulever la question de la responsabilité, car il y en a des responsabilités ». Le débat sur la vérité sur les disparitions ne doit pas prendre des proportions de règlement de comptes, précise M. Tazibt. De son côté, Mme Hanoune souligne : « Certes, les Algériens peuvent tourner résolument la page, mais à la condition de procéder au règlement de leurs problèmes, notamment la réparation des préjudices envers les familles des disparus. » Depuis une semaine, le siège du PT, situé à Belfort, à El Harrach, connaît un rythme accéléré pour préparer le congrès extraordinaire du parti, prévu pour aujourd'hui à Alger. Selon les membres du secrétariat national, ce rendez-vous aura à débattre des conséquences graves engendrées par la loi sur les hydrocarbures et la privatisation des entreprises. Les participants veulent également tirer la sonnette d'alarme sur la fragilité du pouvoir d'achat et la tendance haussière du chômage. Les indicateurs sociaux sont « très critiques », qualifie M. Tazibt, député PT, en relevant la prolifération de l'emploi précaire au sein de la jeunesse. « Des jeunes diplômés ne peuvent plus accéder à des postes permanents. Il n'y a pas de débouchés sérieux. Les prix des produits alimentaires s'envolent alors que les salaires ne bougent pas. La réalité de tous les jours ramène la contradiction au discours officiel », souligne un fondateur du parti, qui se réfère aux émeutes qui éclatent un peu partout. Fidèle à la ligne du parti, nos interlocuteurs soulignent que « les injonctions de tout bord ont réduit la souveraineté nationale à sa plus simple expression ». Le PT veut réaffirmer, en outre, sa position qui consiste en l'annulation sans conditions de la dette extérieure de toute l'Afrique. « L'Algérie a déboursé 118 millions de dollars depuis 1997. Des sommes qui auraient dû être consacrées aux secteurs de la santé et de l'éducation », illustre M. Tazibt, qui appelle le gouvernement à mettre en place une « véritable » politique sociale. Notre interlocuteur souligne que cette régression sociale a comme conséquence directe la régression de la démocratie. En un mot, résume M. Tazibt, « le pays va à la dérive ». Comme contrepartie, le PT propose un plan national de développement dans lequel l'argent public va au peuple. « Créer de l'emploi, préserver les terres agricoles en évitant la concession, développer le secteur des travaux publics, de la sidérurgie, de la métallurgie, des télécoms et de la SNTF » sont les vecteurs principaux de ce plan. Le PT se dit solidaire avec tous les travailleurs grévistes comme le secteur de l'agroalimentaire, le textile, la santé, le Cnes et l'éducation.