Après une campagne électorale où les insultes mutuelles le disputaient aux règlements de comptes verbaux, entre les candidats de droite et ceux de gauche, plus de 47 millions d'Italiens sont convoqués, aujourd'hui, aux urnes pour choisir leur parlement, pour les prochaines cinq années. Mais la nouvelle loi électorale voulue par le chef du gouvernement sortant Silvio Berlusconi n'autorise pas les électeurs à voter pour les députés et les sénateurs de leur choix, mais seulement pour le parti politique de leur appartenance. L'autre nouveauté de cette loi, c'est d'avoir permis, pour la première fois, à 2,7 millions d'Italiens qui vivent à l'étranger de pouvoir participer au scrutin. A la veille des élections législatives, le chef du gouvernement sortant, Silvio Berlusconi, semblait plus déchaîné que jamais et va jusqu'à déclarer souhaiter la présence d'observateurs de l'ONU pour garantir le bon déroulement du scrutin, car « il y a risque de fraudes ». Imperturbable, son ennemi politique juré, Romano Prodi, lui rétorque, « mais si c'est bien lui (Berlusconi) qui tient tous les instruments de contrôle dans ses mains ! » Les plus magnanimes des alliés du leader de Forza Italia se contentent, eux, de faire noter que l'attitude méfiante de Berlusconi quant à la régularité du scrutin « n'est pas très gentille envers son ministre de l'Intérieur ». Ce dernier, qui a été accusé, jeudi, par l'opposition de chercher à manipuler l'opinion publique par une annonce choc, pré-électorale, en affirmant avoir démantelé une cellule terroriste qui s'apprêtait à commettre des attentats en Italie, lors des élections, fait mine d'ignorer les doutes existentiels de son chef du gouvernement. Fidèle à son incontrôlable allié, lors d'une conférence très solennelle, le ministre de l'Intérieur Giuseppe Pisanu, a déclaré : « Maintenant, je peux le dire, la menace terroriste pesait sérieusement sur ce vote ». Selon le chef de la police italienne, un groupe terroriste composé d'activistes marocains et tunisiens, expulsés, préparait deux attentats, qui auraient visé des stations du métro de Milan et l'église San Petronio de Bologne. Les investigateurs expliquent que ce deuxième objectif aurait été choisi par les terroristes, à cause du tableau du peintre Giovanni Da Modena, qui représente une toile au titre « offensif pour les musulmans », Maometto en enfer, qu'il abrite. Le peintre s'est inspiré, pour composer sa fresque, de la 28e scène du chant de l'enfer, qui fait partie de la célèbre œuvre de Dante, La Divine comédie. Les responsables de la coalition de gauche ont mis en doute la véracité de cette information et ont contesté la chronologie de son annonce. Le gouvernement de Berlusconi voudrait, selon eux, obtenir un effet proche de celui qui se produisit en Espagne, en mars 2004, lorsque les attentats de Madrid ont renversé toutes les prévisions de l'issue du vote, faisant perdre le gouvernement sortant de Jose Maria Aznar. Mais, les plus sceptiques affirment que la propagande de la peur ne suffira pas au gouvernement de droite pour rester au pouvoir, et même les organisations des musulmans d'Italie, par la voix de la plus représentative d'entre eux, l'Union des communautés et des organisations islamiques d'Italie (Ucoii) ont appelé, signe des temps, leurs membres à voter pour le Parti communiste italien. Même la presse étrangère, dans sa majorité, ne voit pas d'un bon œil la victoire de Berlusconi aux élections législatives d'aujourd'hui L'hebdomadaire anglais The Economist a dédié la couverture de son dernier numéro, au vote en Italie, choisissant comme titre ironique « Basta, il est temps que l'Italie limoge Berlusconi ». Dans la péninsule, les alliés de l'homme le plus riche d'Italie semblent lui tourner le dos, un à un, même les patrons de l'industrie se disent pour un changement de gouvernement. Hier, le quotidien des finances, Il Sole 24 Ore, a publié les chiffres qui poussent les Italiens au désespoir. Un taux de croissance égal à zéro, une dette publique qui pourrait atteindre, à la fin de cette année, 1580 milliards d'euros, soit 108% du produit intérieur brut (IPB), un déficit budgétaire évalué à 73,3 milliards, tout cela sur un fond d'évasion fiscale estimée entre 24 et 30% du total de l'assiette des impôts à recouvrer (anomalie existant seulement en Espagne et en Grèce), soit l'équivalent de 37 à 56 milliards d'euros qui échappent à l'Etat. Devant ces déboires de l'exécutif de la droite, Berlusconi continue de promettre une réduction des impôts. Ce à quoi, le quotidien de la famille Agnelli, propriétaire du groupe automobile Fiat, La Stampa, répond dans son éditorial d'hier : « Promettre monts et merveilles, paiera-t-il ? Nous le saurons dans quelques jours. »