L'appel du président français a été entendu par des électeurs qui ont voté utile. La grosse frayeur occasionnée par l'arrivée de Jean-Marie Le Pen à la finale de la présidentielle française, en avril dernier, semble avoir incité à la prudence des Français qui ont choisi de voter utile. L'adage, qui veut que l'on élimine au premier tour, et que l'on vote au second, n'a pas eu de prise cette fois-ci sur des Français dont le choix semblait déjà arrêté. Il est incontestable que l'intrusion du représentant de l'extrême droite au dernier tour de la présidentielle d'avril avait été ressentie comme un avertissement que personne ne voulait voir se renouveler. Aussi, en donnant, lors du scrutin de dimanche, 43,62% de leurs voix aux candidats de la droite conservatrice (sur les 58 députés élus au premier tour, 56 sont de la droite libérale), les électeurs français ont ainsi répondu massivement à l'appel pressant du président Chirac les sollicitant de lui donner la majorité de gouvernement à même de lui permettre de mettre en oeuvre le programme de réforme qu'il veut réaliser lors de son second mandat. Il y a de ça sans doute, mais il y a aussi le fait que les Français ne tenaient pas à renouveler l'expérience qui a vu le représentant de l'extrême droite, Jean-Marie Le Pen, disputer l'Elysée au président sortant Jacques Chirac. Il faut croire que cette fois-ci la leçon a bien été retenue, l'extrême droite - qui n'a pu recueillir que 12,2% des suffrages, dont 11% pour le Front national - ayant été contenue dans des limites qui ne lui donneront pas la possibilité d'accéder à l'Assemblée nationale. Le taux réalisé est insuffisant pour permettre à Le Pen d'avoir des députés au Parlement. D'ailleurs, dans sa première réaction le leader de l'extrême droite avait dénoncé le système majoritaire qui lèse, selon lui, son parti. Selon les projections faites, à l'issue du premier tour, l'extrême droite aura entre 0 et deux représentants au Palais Bourbon. Mais la grande perdante de cette consultation électorale est bien la gauche plurielle qui n'est même pas parvenue à limiter les dégâts se faisant sérieusement bousculer dès le premier tour en ne réussissant à faire élire que deux députés. Le fléchissement du Parti socialiste, dont le candidat Lionel Jospin avait été éliminé au premier tour de la présidentielle d'avril, s'est encore confirmé lors de scrutin législatif qui voit les socialistes français quelque peu rentrer dans les rangs. Crédité d'un taux de 36,02% des voix, (dont 4,95% pour le PCF) la gauche plurielle qui entre dans une crise qui s'annonce sérieuse, aura du mal à combler le fossé, qui se creuse avec la droite classique, dans des limites acceptables. Orphelin d'un homme politique de l'envergure d'un François Mitterrand, le Parti socialiste doit réinventer la notion de gauche politique. Ce ne sera ni facile ni évident tant les socialistes donnent l'impression d'avoir perdu en route ce qui faisait la force et la cohérence du Parti socialiste qui a su renouveler et moderniser la politique française. Il lui faut, aujourd'hui, se remettre en cause en redonnant au socialisme les dimensions qui ont fait son succès auprès des classes moyennes françaises. L'autre grand perdant du scrutin législatif est, sans conteste, le Parti communiste français qui voit son déclin s'accentuer de scrutin en consultation.. Avec seulement 4,95% des voix, le Parti «ouvrier», créé par Maurice Thorez, a de la peine à suivre voyant sa représentation parlementaire s'amenuiser d'année en année. Selon les projections aux sorties des urnes, le PCF n'aura qu'entre 12 et 18 députés dans la prochaine Chambre basse française, alors qu'ils étaient 35 parlementaires dans l'Assemblée sortante. Grande triomphatrice du premier tour des législatives, la droite promise à une majorité absolue (entre 387 et 433 sièges dans la nouvelle Assemblée) doit confirmer le 16 juin prochain lors du second tour.