Eboulements, écroulements, bombardements... Les tunnels qui relient Rafah à Ghaza sont de véritables tombes. Fermés depuis le 14 janvier, ces tunnels, improvisés au lendemain du blocus israélien en 2007, constituent l'ultime solution de survie à Ghaza. De-notre correspondant de Ghaza Les tunnels de contrebande creusés par les Palestiniens sous la frontière avec l'Egypte sont fermés depuis le 14 janvier dernier, sur ordre de la direction de la police des frontières du gouvernement du Hamas. Plusieurs tunnels s'étaient effondrés la deuxième semaine de janvier, suite à des intempéries. Un jeune travailleur a été tué et trois autres blessés le 13 janvier après avoir été surpris par l'écroulement du tunnel dans lequel ils faisaient passer de la marchandise. Six autres jeunes travailleurs sont toujours portés disparus dans d'autres tunnels qui n'ont pas résisté aux fortes pluies tombées sur Rafah. Mais ces drames ne seront pas les derniers tant que le blocus israélien de la bande de Ghaza, imposé depuis 2007, ne sera pas totalement levé. Mais cela est loin de suffire. S'il est difficile de préciser leur nombre exact, on estime qu'il existe entre 900 et 1000 tunnels, dont certains atteignent 1500 m et 15 m de profondeur. Et il faut débourser entre 30 et 50 dollars pour les emprunter. Tout dépend de la «classe» du tunnel : plus il est solide, plus le client paie cher. Par effondrement, électrocution, incendie, manque d'oxygène… Des milliers de jeunes Palestiniens, poussés à y travailler dans des conditions extrêmes à cause de la pauvreté et de l'absence de meilleures opportunités, ont perdu la vie dans ces gigantesques tombes creusées de façon très archaïque et devenues à peine plus sûres avec l'évolution des méthodes de forage et de fortification. Autre cause de décès : les frappes israéliennes. 100 dollars jour Israël accuse, en effet, depuis longtemps le mouvement Hamas et d'autres factions palestiniennes de se fournir en armes à travers ces gigantesques boyaux. Plus de 15 000 personnes y travailleraient encore. «J'ai 30 ans et je n'ai pas trouvé d'autre travail pour faire vivre ma femme et mes trois enfants. Je sais que je risque ma vie à chaque fois que je descends dans ce puits. J'ai personnellement vu beaucoup de personnes mourir ou au mieux s'en sortir avec de graves blessures. Mais je reviens à chaque fois à mon poste, car je n'ai pas d'autre solution», témoigne un jeune père de famille qui se déplace tous les jours de Deir El Balah, au centre de la bande de Ghaza, vers la zone des tunnels, au sud de Rafah. «On ne trouve pas facilement du travail dans la bande de Ghaza. Même les diplômés sont au chômage. J'ai travaillé auparavant dans la menuiserie, mais avec le blocus, c'est devenu difficile et notre patron nous a demandé de rester chez nous. Les tunnels étaient la dernière solution pour mes enfants et moi.» Quant à Mahmoud, un jeune de 18 ans, qui travaille dans les tunnels depuis l'âge de 14 ans, il s'est trouvé plongé malgré lui dans un monde où même les adultes ont du mal à s'adapter. «Je connais toutes les fonctions pratiquées dans les tunnels. La première fois que j'y suis descendu, j'avais très peur, mais avec le temps, je m'y suis habitué. J'ai dû arrêter mes études pour aider mon père, malade, et subvenir aux besoins de ma famille. Je suis l'aîné de quatre frères et sœurs. A l'époque, les tunnels payaient bien. Je n'ai pas trop réfléchi avant de prendre ma décision. On y gagnait 100 dollars par jour, précise-t-il. Aujourd'hui, les salaires sont beaucoup plus bas. Le commerce n'est plus aussi actif, surtout depuis qu'Israël a allégé le blocus. Si j'avais pu choisir, jamais je ne serais devenu un travailleur des tunnels. J'ai toujours rêvé d'être médecin, mais il est trop tard pour moi. J'espère que mes frères et sœurs pourront poursuivre leurs études. Je ne veux pas qu'ils soient forcés à travailler aussi durement dans des conditions où la mort vous guette à tout moment.»