Constat n A raison de 500 dollars tous les 100 m achevés, un tunnel peut, à lui seul, faire vivre 15 familles. Il est 10h, Rafah est encore endormie. Fête de l'Aïd el-fitr oblige. Seule est en effervescence la frontière avec l'Egypte, où un grondement de moteurs s'échappe de petites cahutes. Là, des contrebandiers s'affairent à creuser des tunnels. En quelques années, des dizaines de galeries souterraines ont été ouvertes sous cette frontière sablonneuse de la bande de Gaza. En attestent les nombreuses cabanes en plastique camouflant leurs entrées et les monticules de terre visibles tout au long des 14 kilomètres de la ligne de démarcation. «À cause du blocus de Gaza, de la fermeture des frontières, c'est une activité en pleine expansion ici», indique Abou Khaled, le «responsable» d'un des chantiers qui a débuté il y a 10 jours à peine. Autour de sa seule tente, trois autres tunnels sont en construction dans le sud de la bande de Gaza, un territoire entièrement sous contrôle du Hamas. Encore récemment, il était difficile de rencontrer des contrebandiers ou même de parler avec eux. Aujourd'hui, ils œuvrent au vu et au su de tous, sans être inquiétés par quiconque, sauf, disent-ils, quand il s'agit de payer des «taxes» au gouvernement Hamas. Les tunnels des islamistes, qu'Israël soupçonne de servir au transit d'armement, sont, en revanche, tenus secrets. «On travaille tous les jours, 24h/24. Six personnes le jour, six la nuit», ajoute Abou Khaled, un ancien membre de la Force 17, le corps d'élite palestinien chargé de la protection du président Mahmoud Abbas. «De temps en temps, le Hamas passe pour nous dire qu'il est interdit de faire passer des armes et du haschisch», ajoute-t-il, en aidant un de ses jeunes employés, couvert de terre, à remonter du puits de 20 mètres de profondeur. Le Hamas récolte aussi «son pourcentage», dit-il, sur les produits qui entrent dans la bande de Gaza, dont les points de passage avec Israël restent désespérément fermés depuis la prise de pouvoir des islamistes en juin 2007. Le blocus toujours en place, le nombre de tunnels s'est multiplié, avec la bénédiction du Hamas qui y voit un moyen de «briser le siège» israélien. Jeudi, le quotidien israélien Yediot Aharonot a indiqué, sans citer de source, qu'une équipe de soldats américains et égyptiens venaient d'en découvrir 42 en moins d'un mois grâce à des détecteurs de dernière génération. Selon la dizaine de contrebandiers de Rafah, la frontière en compterait toutefois des centaines, un chiffre impossible à vérifier. Et avec le chômage qui atteint des records dans la bande de Gaza, les propriétaires de tunnels n'ont pas de mal à trouver de la main-d'œuvre malgré le danger de mourir à tout moment dans l'effondrement d'une galerie, le manque d'oxygène ou les opérations de l'armée égyptienne. Dans la cabane de Majid Arbi'a, patron d'une cimenterie qui a fermé ses portes faute de matériaux, la plupart des ouvriers sont étudiants. Ailleurs, ils seraient serveurs ou plagistes.