La signature d'un traité d'amitié et de coopération entre l'Algérie et la France ne semble pas faire partie de l'avenir prévisible, tant de nombreux problèmes de fond continuent à opposer les deux pays. Les raisons de la remise en cause de la conclusion de ce traité - dont l'idée de la mise en œuvre revient au président français Jacques Chirac - sont à lier, tout d'abord, avec la polémique suscitée par l'adoption par le Parlement français de la loi du 23 février 2005 qui positive le rôle de la colonisation en Afrique du Nord. Le vote de cette loi, dont les conséquences ont été dévastatrices sur les relations algéro-françaises en ce sens qu'il a eu pour effet de saper le travail de refondation entamé par Alger et Paris depuis l'année 2000, a montré qu'une partie de l'opinion publique française n'était pas encore prête pour la conclusion de ce traité. Cet aspect a été mis amplement en évidence par le ministre algérien des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, lors d'une conférence de presse conjointe animée hier avec son homologue français, Philippe Douste-Blazy, en visite de deux jours à Alger. La propension de Paris à glorifier son passé colonial plutôt que d'aller dans le sens d'une repentance pour se faire pardonner les crimes commis par l'armée coloniale en Algérie a fini par dissuader l'Etat algérien de continuer à donner corps à ce traité d'amitié. Le preuve : l'attitude « intolérable » de la majorité dans le Parlement français a amené le président Bouteflika à décider de ne signer aucun traité d'amitié, tant que la France n'a pas présenté des excuses officielles pour les atrocités commises durant la colonisation. Le refus de la France de « recadrer » aujourd'hui son regard sur son passé colonial est l'élément qui rend difficile de situer dans le temps la réalisation de son souhait de conclure un traité d'amitié avec l'Algérie. C'est ce qu'a essayé de faire comprendre hier, de manière diplomatique, Mohamed Bedjaoui à son homologue français venu spécialement à Alger pour tenter de relancer le projet de signature de ce traité. M. Bedjaoui a tenu, cependant, à rappeler à son homologue que « l'Algérie reste fidèle et en harmonie avec l'esprit de la Déclaration d'Alger et qu'elle est toujours attachée à la signature d'un traité d'amitié avec la France ». A l'empressement affiché par le chef de la diplomatie française de voir l'Algérie et la France « se retrouver » et de se « tourner vers l'avenir » au regard, a-t-il dit, de l'importance, pour les deux pays, des enjeux géostratégiques et géopolitiques, Mohamed Bedjaoui a répondu que « cela ne pouvait pas se faire en un claquement de doigts ». Manière de suggérer que son homologue allait rentrer bredouille à Paris et que le souhait de celui-ci prendrait encore du temps pour se concrétiser. « La loi du 23 février 2005, adoptée par le Parlement français, a donné lieu, pour les Algériens, à une année de perdue dans l'élaboration de ce traité. Cela nous a montré que l'opinion publique française n'était pas tout à fait prête pour la conclusion de ce traité », a-t-il indiqué avant d'ajouter qu'« en Algérie, nous nous sommes rendu compte, depuis une année, qu'il y a des problèmes qui subsistent encore ». Pour dépasser ces problèmes, le ministre algérien a soutenu la nécessité de « préparer l'opinion des deux rives de la Méditerranée à un tel traité ». L'HISTOIRE, LES VISAS ET LE SAHARA-OCCIDENTAL Pour lui, « une telle entreprise d'envergure demande l'adhésion de l'ensemble des acteurs de la société en France et en Algérie, qu'elle puisse marquer le passage à une phase nouvelle dans l'évolution des relations bilatérales ». « Un traité d'amitié entre l'Algérie et la France doit être un véritable traité entre le peuple algérien et le peuple français, la société algérienne et la société française, la classe politique algérienne et la classe politique française, entre deux Etats souverains, forts et nous voulons y travailler », a insisté M. Bedjaoui. Mais au-delà des volontés - de circonstance - exprimées de part et d'autre de continuer à travailler pour faire évoluer les relations bilatérales, il ressort que cette entreprise sera difficile à mener dans la mesure où la question de l'histoire et de la mémoire n'est pas le seul grand dossier objet de litige entre Alger et Paris. Le dossier de la circulation des personnes entre les deux pays et la politique de restriction systématique menée à l'encontre des Algériens par Paris risquent de compromettre aussi l'avancée des discussions. Cela tout autant que le soutien inconditionnel accordé par Paris à Rabat dans le conflit du Sahara-Occidental. Soutien qui permet au Maroc de continuer à se soustraire à ses engagements internationaux et à refuser d'appliquer la sortie de crise à ce conflit, vieux de trente ans, préconisée par le Plan Baker, adopté par le Conseil de sécurité de l'ONU.