A quoi, se demande-t-on, devait penser l'émissaire international en déclarant, mercredi à Alger, que la situation empire en Syrie ? Très certainement à l'actualité immédiate marquée par une offre de dialogue lancée par un leader de la rébellion, en direction du régime, rapidement court-circuitée par d'autres éléments de cette même tendance. Un très mauvais signe. De fracture d'abord, ou de multiplication des tendances au sein de cette même opposition au point de se faire la guerre. De radicalisation ensuite, et cela confirme les appréhensions déjà formulées par Lakhdar Brahimi. Que n'a-t-on dit du conflit syrien, avant que le leader en question propose des négociations avec le régime avant d'être désavoué par son propre camp, la première explication mais pas la seule, étant la recherche d'une victoire militaire ? Est-ce toujours le cas, alors même que le conflit syrien offre désormais plusieurs grilles de lecture, la première – et elle est toujours valable – étant la chute du régime de Bachar Al Assad. Dans le même temps, il considère que les divisions de la rébellion lui permettent de tenir encore longtemps. C'est pourquoi en lançant son initiative, Moaz El Khatib ne s'est pas uniquement entouré de sérieuses garanties au plan international en obtenant l'appui de la Russie et de l'Iran, considérés jusque-là comme les principaux sinon les uniques alliés de Bachar Al Assad, ainsi que des Etats-Unis et de la Ligue arabe, mais a mis en garde son propre camp en refusant que «ceux qui parlent de négociations soient accusés de trahison». Il lui fallait donc taire toutes les voix discordantes et s'en donner les moyens en bénéficiant d'appuis diplomatiques aussi puissants. Le Conseil national syrien (CNS), principale composante de l'opposition, jusque-là effacé a réaffirmé mardi être contre tout dialogue avec le régime. «Les propos de M. Khatib sont incohérents», avait auparavant affirmé un membre de la Coalition, présidée par ce même leader. Par contre, un opposant de l'intérieur de la Syrie considère que «tenter de mettre fin au bain de sang avec une proposition aussi humaine, pourrait avoir plus de résultats que participer à des conférences». Ou encore que «la proposition est intelligente car elle met le régime devant une position difficile à l'égard de ses partisans». Très officiellement la Turquie voisine n'en est pas un, mais elle considère qu'un dialogue entre régime et opposition «ne permettrait pas de trouver une solution au conflit « qui dure depuis deux années. D'où alors l'obligation pour l'opposition de mettre de l'ordre dans ses propres rangs, comme l'y oblige le rôle de partenaire auquel elle aspire. Ou comme l'oblige le régime syrien qui a réagi à travers des canaux non officiels. Toujours est-il que l'offre ne serait pas acceptée, le canal emprunté soulignant que celle-ci est arrivée avec «deux années de retard» et qu'elle ne fait pas de son auteur «un négociateur acceptable». Une telle réponse établit un distinguo entre opposition et rébellion, le pouvoir finissant par admettre la première mais à récuser l'autre, assimilée au terrorisme sinon traitée comme telle. C'est pourquoi il lui est demandé, avant même que Damas ne consente au dialogue, de «parler à tous les Syriens pour les convaincre que les loyalistes (au régime) et les opposants se tiendront dans un seul rang pour combattre le terrorisme». Retour alors à la case départ pour l'opposition, desservie par ses incohérences ? Pourtant, un contexte nouveau est apparu, car il est clair qu'Al Assad est véritablement lâché et l'opposition ne s'y est pas adaptée. Quelle voie donc privilégier, celle du dialogue ou alors une victoire militaire ?