Hichem Mesbah est un visage connu sur les écrans des télévisions algérienne et française. Depuis sa sortie de l'INADC en 1991, il a incarné avec brio plusieurs rôles aussi bien au cinéma qu'au théâtre. Dans cet entretien soft, Hichem revient avec nostalgie sur les moments forts de sa carrière. Il s'attarde un laps de temps sur les Folies berbères. Un spectacle hilarant qui a été programmé du 7 au 11 avril à la salle Ibn Zeydoun. Vous avez présenté le spectacle des Folies berbères en 1991 et là vous l'avez reconduit quinze ans après. Pourquoi ce choix maintenant ? Chaque représentation est un autre spectacle. Il y a plein de situations jouées puisque nous sommes très complices nous autres, à savoir Athmane Bendaoud, mon frère Yacine et moi. Si chaque soir, nous avions cinquante représentations, soyez sûr que chaque représentation est différente de l'autre. On a reconduit le même spectacle parce qu'il est né en 1992 et qu'il a toujours été demandé. C'est vrai qu'il y a de la pêche, on respire la gaieté, la joie et l'espoir. On rit également beaucoup et on positive beaucoup dans ce spectacle. On le reconduit parce que pour nous, c'est une espèce d'entraînement. Depuis 1992, personne n'a cessé de bosser, jusqu'à 2006. Athmane dans ses productions et ses films, Yacine dans le cinéma et moi dans le théâtre et le cinéma. D'où ce besoin constant de se sentir en forme et de reprogrammer les Folies berbères avec plaisir. On est toujours plausible. C'est un spectacle truffé d'humour. Ce spectacle a été créé par défi en 1996 alors que vous étiez fraîchement diplômés de l'INDA ? A la base, nous voulions un spectacle classique et universel à la fois. En effet, ce spectacle a été créé par défi. Sortant de l'INADC en 1992, nous avions frappé aux portes de tous les théâtres. En vain. Il n'y avait ni de postes budgétaires ni de convention. Nous nous sommes retrouvés dehors. Jeunes diplômés, nous nous sommes demandés qu'est-ce qu'on pouvait faire pour exister. De là, on s'est dit : on se prend en charge et on a fait un spectacle. On avait la hargne et l'ambition de réussir à tout prix. On voulait montrer aux professionnels qu'on savait danser, jouer, mais à la seule condition de nous donner les moyens. C'était un cri de détresse qu'on avait lancé. Heureusement que M. Boudjadi, l'ex-directeur de l'ONCI, nous avait fait confiance dès le départ. Il nous a ouvert les portes de la salle El Mougar. C'était la révolution des mœurs et des mentalités. En 1992, c'était l'apogée de l'art en Algérie. Azzeddine Medjoubi avec ses pièces de théâtre, Fellag avec son monolgue et les groupes Mediterraneo et Triana d'Alger avec leur tubes... On remarque dans votre spectacle que vous êtes à l'aise dans des rôles pluriels mais avez-vous une préférence entre le théâtre et le cinéma ? Le théâtre et le cinéma sont deux disciplines qui se complètent parfaitement. Il est vrai que le théâtre, c'est plus de liberté, d'enchaînement dans les idées, beaucoup d'interaction avec le public. Le cinéma, c'est pareil sauf qu'on coupe pour changer de mobile ou d'axe de caméra mais on reste concentré et le jeu existe toujours. Il est vrai que le cinéma, c'est plus contraignant. Il est à noter que pendant la formation d'acteur à l'INDAC, nos formateurs et pédagogues qui étaient Hamida Aït El-Hadj et Mayhouf exigeaient de nous qu'on soit des artistes accomplis et pluriels à la fois. Ils se plaisaient à nous répéter qu'il fallait réfléchir au théâtre et au grand plan de cinéma. Ils nous disaient qu'on serait appelés à exercer les deux disciplines. Quand on est sur scène, c'est l'émotion en live pour le téléspectateur. Notre formation nous a appris qu'il est de notre devoir de nous adresser aussi bien aux téléspectateurs du théâtre qu'à ceux du cinéma. Depuis 1998, vous avez quitté l'Algérie pour évoluer sous d'autres cieux. Mais votre présence est tout de même assez forte dans les productions nationales... Pour moi, c'est comme si je n'étais jamais parti de mon pays. Nous autres artistes algériens, nous sommes partis pour des raisons évidentes. Chacun a pris ses responsabilités. Mais moi, au niveau des téléfilms de la télévision algérienne, c'est chez moi. A l'ouverture de l'ENPA, j'ai fait mes premières apparitions avec Aila kil El-Ness, Hocine le mécanicien jusqu'à la fermeture en 1998. J'ai commencé avec une production de Amar Tribèche et j'ai terminé par une autre série de lui. Tout cela pour vous dire qu'il n'y a jamais eu de rupture. Après 1998, année de mon départ, je suis resté toujours en contact avec les gens du cinéma algérien. J'ai participé en 2005 à un chantier de création, conçu par Géraldine Benichou. Une passerelle du Théâtre du grabuge. Durant la ramadhan écoulé, j'ai participé à l'émission de la caméra cachée Hakda Oula Ktar de Machao Production. J'ai incarné le premier rôle dans le long métrage de Bachir Derrais Dix millions de centimes. De même que j'ai eu à interpréter le rôle de Hassan dans la pièce La cuisine d'Arnold Wesker mise en scène par Claudia Tawiski, au théâtre des Célestins à Lyon. Sans prétention aucune, mon palmarès est assez étoffé. Est-il facile de manier deux emplois du temps à des distances équidistantes ? C'est très facile de gérer deux emplois du temps. Il suffit d'être très organisé dans sa vie. L'amour du métier n'a ni de limite ni de frontière. Quel regard portez-vous sur la nouvelle génération de comédiens ? C'est un regard très grave et très amer. Il y a une relève mais cette relève n'a rien compris au problème de l'art. C'est une génération qui ne se donne pas les moyens. Attention, je parle des moyens physiques et personnels. En quatre ans d'étude et de formation, on a fait de la danse classique, de l'équitation, de l'escrime, de la diction, de l'expression vocale... On dormait à 20 h et on se levait à 7 h. On lisait beaucoup et on regardait énormément de films. Il y a des conservatoires dans chaque quartier pour apprendre les techniques du théâtre. Je suis fier de voir de beaux acteurs dans les feuilletons algériens, mais malheureusement quand ils font des interviews à la télé, quand on leur demande quels sont leurs projets, ils répondent par quoi ? Eh bien par : « Oui, j'ai encore quatre films et un premier rôle. » Personne n'ose dire que l'un de leurs projets est de payer des études à l'étranger. L'ambition, c'est de se former, aller dans les conservatoires et apprendre l'histoire du théâtre et les techniques du jeu de l'acteur. Je pense qu'un comédien doit faire beaucoup d'efforts personnels. Dans le cas contraire, il stagnera inévitablement, incarnant les mêmes rôles. Si jamais un jour il ira à l'étranger, il ne pourra jamais jouer un rôle qu'on lui proposera. Son tort aura été de ne pas avoir maîtrisé un programme universel. Nous, nous avons les clés. J'ai joué aux USA mais je reconnais que je ne connaissais pas la langue, cependant, je connaissais le jeu d'acteur physique parce que l'art, c'est une science. Je conseille à tous ces jeunes de lire beaucoup, de potasser et de faire des expériences théâtrales. Il faut faire connaître l'art algérien et lui donner une image universelle. Nous ne sommes plus à l'heure des petits feuilletons locaux. Pensez-vous avoir atteint ce but-là en donnant cette image universelle ? En toute modestie, je pense que oui. Nous sommes des voix plurielles qui se sont sacrifiées pour faire des études de cinq ans. Toutes les promotions sont parties vers d'autres cieux pour retrouver ces niveaux élevés, inexistants en Algérie. A titre d'exemple, pour le casting Aid El-Kebir, une production de Gloria Film qui est passée sur Arte, sur la centaine de personnes, n'ont été retenus que les éléments de l'INDC.