Surprenant, Hichem Mesbah qui sait jongler avec différents registres, comiques puis ici, dramatiques, a, dans ce film, confirmé tout son talent d'acteur... Dans le cadre de ses activités culturelles et cinématographiques, l'association «A nous les écrans», des réalisateurs indépendants a proposé pour les cinéphiles, lundi soir, la projection, au cercle Frantz-Fanon de Riad El-Feth, d'un moyen-métrage intitulé Aïd El-Kebir, de la cinéaste française, Karin Albou qui, hélas, n'a pu être présente parmi nous, pour présenter son film. D'une durée de 35 minutes, ce dernier raconte l'histoire d'une famille qui se prépare à fêter l'Aïd. Le père est en train de mourir et désire que Hanifa, sa plus jeune fille, se marie. Celle-ci est campée admirablement bien par la Marocaine Touria. Cette fête devient pour elle un affrontement entre ses choix et ceux de sa famille et plus particulièrement celui de son frère, un religieux intégriste vivant chez ses beaux-parents et qui par conséquent, exerce sur eux, son diktat. Un personnage emblématique dans ce moyen-métrage et incarné avec précision et talent par l'acteur Hicham Mesbah qui n'est plus à son premier rôle au cinéma. Le drame psychologique est là, quand la menace plane, pis s'insinue sournoise dans la vie des gens... Hanifa finit par avoir un enfant en France qu'elle prénomma Aïda. Tout un symbole, une parabole de la vie et une porte ouverte sur l'espoir... Malgré sa courte durée, ce film développe une merveilleuse composition d'acteurs, doublé par des messages idéologiques profonds. Il traduit le malaise et la fracture sociale que nous vivions, il n'y a pas si longtemps. L'Aïd El-Kebir obtiendra le Lutin d'or, l'équivalent des césars du film court. Son tournage a eu lieu en Tunisie en 98 pour des raisons pratiques, liées à des questions sécuritaires. C'était parti pour un long-métrage car il a bien marché à Clermont-Ferrand, notamment, et au Canada où le film a reçu un bon écho, malgré qu'il soit amputé de quelques scènes. Aussi, l'histoire est tirée d'un fait réel, rapporté par le journaliste Mohamed Zaoui et adapté à l'écran avec le regard de la cinéaste française, Karin Albou. Cela reste tout de même une fiction, mais qui raconte avec une poignante sincérité le déchirement et la division de la société algérienne, notamment dans ses années noires. Evoquant son rôle dans le film après sa projection, Hicham Mesbah dira: «Je pense que j‘ai su incarner mon rôle, parce que je le connais. J'y croyais vraiment. C'était vrai». Le film a cela de crédible, en effet, les sujets sensibles qu'il traite entre autres l'amour interdit et Hicham de préciser: «J'ai joué plus de l'intérieur en privilégiant le côté psychologique inspiré de l'école surréaliste notamment, de Stanislas, basée sur l'improvisation.» Outre son personnage, Hicham Mesbah nous parlera aussi, de son parcours. Après le bac et des études à l'Inad de Bordj El-Kiffan de 87 à 91, il est entre-temps membre de la chorale Nagham de 95 à 91. Après sa participation sur les planches dans Un tramway nommé désir, c'est la naissance en 92 de la première version des Folies berbères. Hicham enchaîne après les apparitions à la télé et au cinéma jusqu'à 98 où il connaîtra une nouvelle expérience dans le 4ème art en jouant en Tunisie dans la pièce Le cadavre encerclé de Kateb Yacine. Retour en Algérie en 95 où on le verra dans plusieurs téléfilms. Puis c'est l'assassinat de Tenkhi «Pour moi, c'était la fin, il ne fallait plus rester», dira-t-il avec amertume. C'est le départ en France. Cependant, l'amour de la scène est plus fort que tout, et surtout de son public, le premier qui l'a vu s'affirmer jour après jour, va lui manquer forcément. Le défi est lancé. Essuyer les planches de nouveau comme si c'était la dernière fois. Après 10 ans d'absence, Hicham Mesbah retourne dans son pays avec, dans son bagage, lui et ses deux acolytes son délirant spectacle Les folies berbères. Avec la rage au ventre, Hicham videra son sac lundi dernier, en parlant tour à tour du marasme culturel que connaît l'Algérie, de toutes les ressources inexploitées de nos artistes, «méconnues et non médiatisées», de la nécessité d'apporter un statut à ces derniers pour défendre leurs droits...Après nous avoir «enchanté», donné du plaisir et beaucoup d'émotion, Hicham n'est retourné en France...que pour mieux revenir. Il nous promet une tournée prochaine de son spectacle en Algérie. En attendant, il sera de nouveau ici, le 8 décembre pour poursuivre une nouvelle aventure cinématographique dans le dernier film de Bachir Derrais intitulé Dix millions. Ce n'est donc qu'un au revoir!