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John Kiser, passion pour l'Algérie, les moines de Tibhirine
Publié dans El Watan le 13 - 04 - 2006

Depuis sa première sortie à New York, USA en 2003, sous le titre The Monks of Tibhirine : Faith, love and terror in Algeria (Les moines de Tibhirine : Haine, amour et terreur en Algérie), traduit en français en 2006 chez Nouvelle Cité sous le titre : Passion pour l'Algérie, Les moines de Tibhirine, l'enquête passionnelle de John Kiser n'a cessé de faire parler d'elle.
C'est l'un des livres phare de l'écrivain américain John Kiser dont j'ai eu le grand plaisir de rencontrer à Paris il y a quelques jours. Ma première constatation furtive, un grand amour chez cet homme qui ne cache pas sa passion pour l'histoire et la vérité mais aussi pour la liberté de la narration. D'ailleurs, ces ingrédients sont très visibles depuis son livre sur Stefan Zweig dans lequel il retrace le profil de ce grand écrivain pacifiste qui a fait de la littérature son atout de vie, et son arme contre la violence organisée et officielle. Le moment crucial de Zweig était paradoxalement sa mort plutôt que sa vie : Comment se fait-il qu'un grand humaniste, symbole de la résistance de vie, se donne-t-il la mort lui et sa femme par injection de véronal alors que la barbarie nazie était en marche ? Comment un esprit libre fait d'humanité, pétri de fraternité et d'amour pour la justice, jouissant d'une grande audience mondiale, se laisse tenter par le suicide ? Ce sont ces moments fatals qui poussent constamment John Kiser à réveiller toute une mémoire enfouie de non-dits. Dans son dernier livre, consacré entièrement aux moines de Tibhirine, Kiser met en valeur une amitié immortelle entre des gens qui viennent d'horizons différents et deux religions, dans une terre algérienne traversée par les avatars de l'histoire. Très bien accueilli par le lectorat francophone depuis sa sortie en traduction française, il l'a été aussi, et surtout, par la presse américaine qui a fait de cette enquête un document de compréhension de la difficulté du problème algérien et de la guerre civile qui avait ravagé Algériens et étrangers sans distinction aucune. The Washington Post par exemple, lie la valeur du livre à la compréhension du phénomène terroriste et à un certain humanisme détruit à jamais par les tueurs. Pour The Wall Street journal, c'est plus la rencontre entre des hommes qui prirent leur vocation au sérieux, qui retient l'attention du journaliste. Le Middle East s'intéresse plus à la rencontre entre musulmans et chrétiens malgré les turbulences qui ne laissent que peu d'espace à l'humain. Le livre est peut-être plus que cela, une enquête très documentée qui s'intéresse à la sociologie du terrorisme islamiste et dévoile en même temps le grand courage des petites gens de tous les jours, qui agissent dans la vie sans fanfares. C'est, peut-être, ce qui fait aussi des 477 pages un document inespéré qui n'intéresse pas seulement les lecteurs américains ou européens pour déceler la vraie mécanique d'un phénomène qu'ils connaissent très mal, mais aussi les lecteurs algériens submergés par les incohérences d'un système résigné à la fatalité de l'intérêt immédiat et le jeu d'un islamisme politique qui n'a jamais abdiqué. D'ailleurs, Passion pour l'Algérie est dédié aux moines de Tibhirine, mais aussi à ceux qui les ont aimés, c'est-à-dire à nous tous qui portons en nous cette flamme humaniste intarissable. En choisissant de diviser son livre en trois parties : « Des moines en terre d'Islam », « Un tournant partagé », et « Une lumière étouffée », John Kiser a opté pour le chemin de l'historien, mais aussi celui du passionné de la vérité au-delà de toutes considérations religieuses ou idéologiques. D'une main de maître, il arrive à réaliser deux exigences premières : l'histoire et l'avidité pour la vérité. Malgré les contradictions qui ont traversé de fond en comble la période coloniale, certains religieux sont restés maîtres de leurs convictions ; ils ont même pris position en faveur des droits de l'homme et désigné, d'un doigt accusateur, la torture devenue pratique quotidienne. Beaucoup de religieux de cette trempe vont même s'investir dans le travail de rapprochement entre les hommes. Ils essayeront tout d'abord de connaître cette société dans laquelle ils ont choisi de vivre, de lire sa pensée et de sa mystique, de Sidi Boumediène, le grand maître soufi mort aux abords de Tlemcen, à l'Emir Abdelkader ; c'est-à-dire comprendre ceux qui ont marqué l'humanité par leur esprit et la justesse de leurs pratiques. Mais l'un des prémices d'un changement d'attitudes à Tibhirine, alors que l'islamisme criminel était à son apogée, la statue de Lalla Meryem, très vénérée par beaucoup de musulmans de la région, découverte un matin par les villageois sans avant-bras et le ventre creusé par le burin. Les moines se sentirent touchés par cette profanation qui était un signe de mauvais augure. John Kiser fait le choix d'un retour vers un archive très diversifié, voire contradictoire, qui va de la révolte des jeunes du 5 octobre, en passant par la crise économique algérienne, les bouleversements provoqués par le phénomène destructeur du FIS et la naissance des sbires du GIA, jusqu'à l'assassinat de Boudiaf et de Bouslimani qui a refusé de signer la fatwa contre le meurtre des civiles. Une situation des plus délicates qui obligea les autorités algériennes d'intervenir dans cette région ultra conservatrice de Médéa ; le wali demanda aux moines de s'armer ou de prendre de longues vacances. Malgré le refus, la communauté était d'accord avec la wali sur un point : refuser un suicide collectif. La première apparition armée dans le monastère des moines était, par une nuit de Noël, celle de Sayah Attya, le bourreau des Croates et l'émir de la région centrale ; il voulait de l'argent et le frère Luc pour soigner les blessés. Un refus catégorique des moines de faire le jeu des terroristes, sans toutefois empêcher le frère Luc d'accomplir son devoir humain, celui de soigner les blessés de la plaine et ceux de la montagne. Et comme le fascisme, sous toutes ses formes rétrogrades, n'a pas d'état d'âme, les moines furent enlevés par un groupe du GIA. Aucun signe de vie, seulement un enregistrement des quinze minutes envoyé par les terroristes et un émissaire, Abdallah, le frère de Abdallah Yahya le chef du commando qui avait détourné le vol 8969 d'Air France, qui prit contact avec l'ambassade de France pour d'éventuelles négociations. Un communiqué du GIA n° 43, signé par Djamel Zitouni, trace la ligne à suivre « ... Je vois qu'on peut échanger nos prisonniers avec les vôtres, nous en avons une liste complète. Il faut d'abord libérer notre frère Abdelhak Layada, puis nous mentionnerons les autres, si Dieu le veut », la fin tragique on la connaît tous, même si des zones d'ombre persistent toujours et que l'écrivain lui-même n'a avancé que des hypothèses et des interrogations. Pour paraphraser John Kiser, cette belle phrase avec laquelle il termine son livre : « Au terme de toutes ces horreurs, l'Algérie pourrait bien étonner le monde » (Passion pour l'Algérie, P : 394). Attendons donc John Kiser dans sa dernière réalisation consacrée à la personnalité de l'Emir Abdelkader, qui sera certainement un événement de taille. C'est dans les décombres de l'histoire et les dédales des dates que Kizer recherche une réponse à des questions ontologiques de notre présent qui à plus besoin de compréhension, de partage et de dialogue que de jugements hâtifs.

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