Accusé de connivence lors de l'assassinat de Chokri Belaïd, le parti Ennahda a été attaqué de tous les côtés. Il ne cesse, ces derniers jours, de manifester dans la rue pour essayer de reprendre l'initiative. Tunisie De notre correspondant Déçu par la faible affluence à leur manifestation du 9 février – il n'y avait en effet que près de 3000 personnes à répondre à leur appel à descendre dans la rue en soutien à la légalité – Ennahda a dû, hier, puiser dans le fond de ses ressources, à coups de mobilisation dans les régions, pour ramener près de 10 000 manifestants sur le boulevard Habib Bourguiba et l'envahir de banderoles vantant les succès d'Ennahda. Il est vrai que de nombreux bus, stationnés à Bab Alioua, Bab Saadoun, avenue Mohammed V, etc., ont ramené des milliers de sympathisants islamistes de leurs régions vers Tunis. Les slogans scandés oscillaient entre l'attachement aux valeurs de la Révolution et l'appel à la chute du parti Nida Tounès de Béji Caïed Essebsi, ennemi juré des islamistes d'Ennahda, qui ne cesse de monter dans les sondages. «Je suis venu du Kef pour soutenir la légalité de l'Assemblée nationale constituante que la contre-révolution essaie de mettre à genoux», dit à la limite du cri Manoubi, un instituteur de 35 ans, qui précise que «Béji Caïed Essebsi a appelé à la dissolution de l'Assemblée, ce qui va à l'encontre de la volonté du peuple qui a fait son choix le 23 octobre 2011». Pour sa part, Monia, une jeune fille non voilée, est venue de Tébourba, une bourgade à 32 km de Tunis. «L'opposition n'a pas laissé Ennahda travailler et elle lui demande des résultats», s'indigne-t-elle. Ghannouchi temporise Dans son discours à l'adresse des foules, le président d'Ennahda, cheikh Rached Ghannouchi, est revenu sur les attaques que continue de subir son mouvement pour le discréditer auprès de l'opinion publique. Il a dénoncé les manipulations des médias qui déforment la réalité et essaient de dérouter l'opinion publique. A propos de l'initiative de Hamadi Jebali, M. Ghannouchi a déclaré que l'appel à un gouvernement de technocrates constitue un renversement contre la légitimité. Il a également rappelé la ferme condamnation de l'assassinat du militant Chokri Belaïd, alors que certains avaient voulu en rejeter la responsabilité sur les épaules d'Ennahda. Le leader d'Ennahda n'a pas manqué de condamner les attaques des sièges des partis politiques. Il calme le jeu En conclusion, il a rappelé qu'il n'y a nullement de lutte et de division à cause de la croyance, en citant l'un des slogans de la manifestation : «Si tu es pratiquant, tant mieux, si tu ne l'es pas, que Dieu te guide dans le droit chemin et, dans tous les cas, la Tunisie est pour toi et moi.» Finalement, si les slogans des manifestants étaient violents, Ghannouchi a essayé de tempérer les ardeurs de ses troupes. Cette manifestation intervient 24 heures après l'annonce par Hamadi Jebali de prolonger, encore une fois, les tractations concernant le remaniement ministériel qui traîne depuis plus de six mois. En effet, la composition d'un nouveau cabinet ministériel apolitique, attendue ce week-end, a été une nouvelle fois reportée à une date ultérieure, a annoncé le chef du gouvernement : «Il y a une évolution et des progrès sur tous les point soulevés (...) C'est pour cela que nous avons décidé de poursuivre les discussions lundi», a-t-il déclaré à la presse à l'issue de pourparlers. Il a ainsi annulé sa décision de fixer à samedi (hier, ndlr) la date limite pour l'annonce du gouvernement apolitique. «Les délais sont importants, mais le plus important est l'intérêt de la Tunisie et de trouver une solution pour le peuple», a expliqué M. Jebali. «La situation est toujours aussi confuse sur le plan politique. Rien n'indique que ce n'est pas une répartition de rôles entre Ghannouchi et Jebali, pour aspirer la colère populaire contre Ennahda, qui a failli à ses promesses électorales», a expliqué pour sa part le dirigeant de Nida Tounès, Mohsen Marzouk.