La main lourde de la justice du «commandeur des croyants», le roi Mohammed VI, s'est abattue sans pitié sur les 24 détenus sahraouis condamnés, sans état d'âme, à des peines très sévères dans un simulacre de procès au tribunal militaire de Rabat. Le groupe de Sahraouis jugé par cette cour militaire, pourtant incompétente pour juger des civils et forcément injuste dans sa sentence, a donc frappé très fort dans son verdict prononcé dimanche à l'aube. Les malheureux Sahraouis «coupables» d'avoir manifesté pacifiquement le droit imprescriptible de leur peuple à l'autodétermination, lors du démantèlement musclé du camp de contestation de Gdeim Izik en novembre 2010, vont chèrement payer leur audace. Le tribunal militaire a ainsi prononcé des peines allant de deux ans à la réclusion à perpétuité pour le meurtre de membres des forces de l'ordre. Parmi les 24 accusés présents, qui risquaient la peine de mort pour «constitution de bandes criminelles, violences sur des forces de l'ordre ayant entraîné la mort avec préméditation et mutilation de cadavres», huit ont été condamnés à perpétuité et quatre à 30 ans d'emprisonnement. Dix autres se sont vus infliger des peines de 20 à 25 ans ; les deux derniers ont écopé de deux ans, déjà purgés dans le cadre de leur détention préventive. Une 25e personne, jugée par contumace, a également été condamnée à perpétuité. C'est incontestablement un verdict scandaleux contre des manifestants sahraouis par lequel les autorités marocaines entendent faire taire tous ceux qui seraient tentés de remettre en cause la sacro-sainte «intégrité territoriale» du royaume qu'aucun document officiel au monde ne reconnaît. Il faut dire que ce procès était mal embarqué pour les détenus sahraouis forcés à se présenter devant un tribunal militaire pour des faits qui relèvent du civil. De 2 à 30 ans d'emprisonnement ! Nombre d'observateurs parmi les ONG des droits de l'homme, des avocats et des journalistes étrangers ont relevé de nombreuses anomalies durant ce procès ouvert le 1er de ce mois. Ils pointent notamment «la nullité ou l'inexistence de tous les actes de l'instruction» en ce sens qu'il y a «absence de flagrant délit» et «incompétence des autorités de police» qui avaient procédé aux arrestations. Les observateurs ont aussi relevé que les perquisitions des domiciles ont été faites «en dehors des règles prescrites par le code de procédure pénale (CPP) et le code de justice militaire».Ils ont aussi noté les terribles conditions des auditions et du recueil des «aveux» (qui sont les seuls fondements de l'acte d'accusation) obtenus «sous la torture». Un procès cousu main Pis encore, les PV ne sont curieusement pas signés, mais les signatures sont apposées par empreinte, alors que les accusés savent lire et écrire ! Last but not least, le démantèlement de Gdeim Izik à l'origine de ce procès, inique à tout point de vue, s'apparente, d'après un avocat au barreau de Paris, à «une violation de domicile du fait que la durée du camp et ses modalités en avaient fait le domicile de ceux qui s'y étaient installés». Des remarques et vices de procédures qui auraient mené au pire à la libération des détenus, au mieux à leur dédommagement pour les nombreux mois passés en taule. Mais c'était sans compter sur la volonté du roi, et sa cour, d'infliger, au nom de sa justice, un châtiment exemplaire à ces militants sahraouis.Au final, le verdict est terrifiant pour les 24 détenus et leurs familles, comme le fut la descente punitive de Gdeim Izik en 2010. La défense, qui avait plaidé l'acquittement, estimant que le procès était «sans fondement juridique», devrait aller plaider ailleurs cette autre cause sahraouie, loin des salles horriblement froides du tribunal militaire de Rabat, d'où l'on ne sort presque jamais indemne.Ce verdict sans pitié constitue par ailleurs un nouvel élément à charge à verser au dossier déjà débordant du royaume de M6 en matière de violation des droits de l'homme.