Avant même d'être désigné président du Conseil italien par le chef de l'Etat italien et chargé de former son gouvernement, le leader de l'Union, coalition de centre-gauche, a eu droit, malgré lui, à son premier incident diplomatique et avec un gouvernement dont la susceptibilité et la célérité de réaction ne sont plus à démontrer. Un entretien donné par Prodi, en anglais, à la chaîne de télévision qatariote Al Jazeera, mal traduit en arabe, semble-t-il, et ensuite traduit de nouveau par les agences d'information italiennes, a attiré à ce dernier la colère des Israéliens et l'indignation de plusieurs dirigeants européens, qui, à titre informel, ont fait entendre leur mécontentement. Les journalistes de Doha ont fait dire à Prodi : « Après les dernières ouvertures positives démontrées par Hamas, je vais œuvrer pour changer la position européenne envers ce gouvernement ». Ces déclarations, que le service de presse de Prodi a démenties, diffusant la traduction intégrale de l'entretien, sont tombées comme la foudre dans un ciel serein et les ennemis de Prodi de la droite italienne, n'ont pas raté l'occasion pour crier à la « trahison ». L'ambassadeur d'Israël à Rome a affirmé à la presse que son gouvernement maintiendra des relations amicales avec l'Italie « avouant s'attendre à ce qu'elles » ne soient pas aussi parfaites qu'elles ne l'étaient « avec le gouvernement sortant ». Il faut rappeler l'aveu de Silvio Berlusconi, qui avait affirmé, lorsqu'il était président du Conseil italien, qu'« Israël avait en l'Italie, le meilleur ami européen ». Les communiqués rédigés par les collaborateurs de Prodi pour rectifier le tir, n'ont servi à rien et c'est lors de la conférence de presse qu'il a donnée, le même jour, au siège de la presse étrangère à Rome, que Prodi a eu l'occasion de préciser sa position devant des centaines de correspondants de plusieurs médias italiens et étrangers. A la question d'El Watan, « la Ligue arabe a condamné la suspension par les gouvernements de l'UE des financements au profit de l'Autorité palestinienne. Quelle sera la position de votre gouvernement par rapport à cette décision ? » « Mon gouvernement, compte, au moins dans cette phase, suivre la position européenne. Xavier Solana m'a appelé tout à l'heure, je vais le rappeler à la fin de cette conférence pour m'informer, justement, des aspects particuliers de cette mesure », nous a répondu Prodi. Et à notre question plus explicite : « Votre gouvernement va-t-il établir un dialogue avec le gouvernement de Hamas ? », Prodi nous a répondu : « Nous reconnaissons ce gouvernement sorti des élections, mais les problèmes soulevés demeurent. La reconnaissance de l'Etat d'Israël, la condamnation du terrorisme, la reconnaissance des accords signés restent évidemment une condition importante pour un dialogue fort et constant. » Ces déclarations du chef de l'Union, plus nuancées que celles que lui a prêté Al Jazeera ont été reprises par tous les médias et les journaux proches de Berlusconi ont écrit noir sur blanc : « Prodi fait comme faisait Arafat. Il tient un discours aux Arabes et en fait un autre à la presse internationale. » Lors de sa première sortie médiatique importante, comme vainqueur du vote, le candidat élu à rappelé son attachement à la Méditerranée, ajoutant que « quand je parle de Méditerranée, je ne parle pas que de la Méditerranée dans le sens géographique strict, mais aussi de tous les pays arabes ». Prodi a expliqué que pour lui, la politique méditerranéenne signifiait « une présence plus forte et plus sérieuse (de l'Italie) au Moyen-Orient ». L'ancien président de la Commission européenne a révélé, lors de ce point de presse, avoir reçu des appels téléphoniques de dirigeants arabes et israéliens, mais pas encore de ceux des USA et du Vatican. Le leader de l'Union a confirmé sa participation au prochain sommet du G8 à Saint-Pétersbourg (Russie) et qu'il discutera des problèmes relatifs à l'énergie, qui, selon lui, seront « dominants ». Prodi a expliqué que l'Italie proposera une stratégie européenne commune pour affronter les défis liés aux approvisionnements. A propos de l'Iran, Prodi a regretté que le gouvernement précédent ait « échoué » à conserver les solides relations politiques et économiques avec ce pays du Golfe et a affirmé vouloir travailler à redonner à l'Italie un rôle actif dans cette région du monde. Enfin, Prodi a confirmé que son gouvernement procédera au retrait du contingent italien de l'Irak, avant la fin de l'année en cours, tout comme l'avait prévu le ministre de la Défense de l'exécutif sortant de Berlusconi.