A peine sa victoire confirmée que Romano Prodi se trouve face aux premières dissensions de sa coalition. Dix jours après les élections législatives italiennes, le futur chef du gouvernement Romano Prodi est déjà confronté aux appétits de ses alliés pour la répartition des postes et les dissensions au sein de sa coalition sont désormais publiques. Alors que le leader du centre-droit Silvio Berlusconi se refuse encore à reconnaître une défaite qui semble toujours plus inéluctable, le chef de l'Union de la gauche poursuit ses discussions avec ses partenaires pour trancher un premier et très épineux litige portant sur la présidence de la Chambre des députés. Pour ce poste hautement symbolique et institutionnel - il s'agit de la troisième charge de l'Etat -, un bras de fer oppose le président du principal parti d'opposition (DS, Démocrates de gauche) Massimo d'Alema au leader de Refondation communiste (PRC) Fausto Bertinotti. «Hier (jeudi) j'ai vu D'Alema, ce soir (hier), je verrai Bertinotti. D'ici deux jours je prendrai les décisions qui m'ont été demandées», a simplement affirmé hier Romano Prodi à des journalistes, assurant que son arbitrage serait annoncé «lundi». Cette sérénité affichée intervient au lendemain du premier coup de colère public des DS, un parti mis en difficulté par une performance jugée décevante aux élections (17,5% au Sénat, contre 24% pour le parti Forza Italia de Silvio Berlusconi). «La décision de Refondation communiste d'avancer sa propre candidature pour la présidence de la Chambre est en train de provoquer une ambiance d'impasse qui (...) risque d'exposer la coalition de centre-gauche à une dangereuse et embarrassante division», a écrit le secrétaire et homme d'appareil des DS Piero Fassino, dans une lettre à Romano Prodi qui a été opportunément transmise à toute la presse. «Nous nous en remettons à la décision de Prodi (...) Il choisira la solution la plus appropriée», a ajouté Massimo d'Alema, le visage fermé, à l'issue d'une rencontre jeudi soir avec le leader de la gauche, dont le gouvernement ne devrait pas être formé avant le mois de mai. L'incertitude demeure sur l'attitude du président de la République Carlo Azeglio Ciampi, dont le mandat arrive à expiration le 18 mai. Il pourrait décider de laisser à son successeur le soin de nommer un gouvernement, retardant ainsi tout le processus institutionnel. La presse italienne soulignait hier le «beau dilemme» devant lequel se trouve Romano Prodi: «d'un côté, il y a Fausto Bertinotti, à qui le «Professeur» (Prodi) veut dire oui pour éviter que Refondation ne fasse trembler la majorité jusqu'à arriver, peut-être, à l'arme absolue d'un appui seulement extérieur au gouvernement; de l'autre, il y a Massimo d'Alema à qui le Professeur veut dire non, mais il est conscient que ce refus aurait des conséquences désastreuses pour le parti (des DS)», explique le Corriere della Sera. «Le chemin politique de l'Unione dans la nouvelle législature n'a pas bien commencé», souligne l'éditorialiste du quotidien des affaires Il Sole - 24 Ore, Stefano Folli, qui ajoute: «Prodi, seul, doit décider tout de suite entre Bertinotti et d'Alema, tout en sachant que son choix risque dans les deux cas d'avoir des conséquences négatives sur la stabilité de sa majorité.» Un risque d'autant plus grand que la coalition de centre-droit menée par Silvio Berlusconi s'apprête à une «opposition dure», destinée à affaiblir et à délégitimer au maximum Romano Prodi, qui l'a emporté de justesse dans les urnes, selon Il Sole-24 Ore. Cette position a été arrêtée lors d'une rencontre organisée jeudi par Silvio Berlusconi avec ses alliés, Gianfranco Fini, chef de l'Alliance nationale (droite) et Pierferdinando Casini, leader de l'UDC (centre-droit). «Nous sommes absolument convaincus que l'union de la gauche ne parviendra pas à gouverner», a affirmé jeudi soir un des proches de M.Berlusconi, Renato Schifani.